Il faut remarquer que cette partie
permet d'obtenir un outil pour discriminer les mots occitans
authentiques des
Remarque : à l'inverse, cet outil
permet aussi de discriminer les mots français authentiques des
Certains
dérivés en
(À ce sujet, le DOGMO
distingue
Remarque : Dans le but de prouver que SLég est un texte français et non occitan, Gaston Paris se propose même de "faire passer en revue les principaux traits qui caractérisent respectivement, dans leur état le plus ancien, la langue d'oïl et la langue d'oc" (VSLRM:277).
La langue d'oc, comme le français, sont des langues romanes : elle proviennent de l'évolution du latin.
(GIPPM-1:3) (r.g.f.) "L'usure phonétique des mots latins est bien moindre dans notre langue qu'en français [...]"
Globalement, la
langue d'oc est plus conservatrice que le français : elle est donc
plus proche du latin que le français. En raison de la
romanisation plus ancienne, mais aussi en raison d'une influence
germanique (franque) plus réduite, la population de la moitié sud de la
Gaule a dû ressentir plus tardivement que le latin n'était plus
compréhensible. Cela est sans doute aussi à l'origine d'une
Par ailleurs, il faut être conscient qu'il a existé une deuxième voie
de transmission du latin à l'occitan, en plus de la voie "populaire" :
c'est la voie "savante", ou "demi-savante". On parle aussi "d'emprunts"
au latin. Cette voie semble avoir joué un rôle important dans la
naissance de la langue d'oc, voir ci-dessous : voie
savante
plus développée en occitan qu'en français.
Le latin vulgaire (souvent synonyme de "latin populaire") a plusieurs
définitions qui suivent l'évolution de la pensée en linguistique et en
socio-linguistique.
Au fil des études, le sermō vulgāris apparaît de plus en plus comme un registre (ou un ensemble de registres) de la langue parlée, parallèle au latin classique (sermō urbānus). On peut considérer qu'on parlait le latin dans plusieurs registres : cultivé ou populaire, chacun avec ses degrés : "soutenu", "familier", "relâché", plus le degré noble : "oratoire", pour le registre cultivé (1).
De nombreux auteurs considèrent le "latin vulgaire" comme issu du
"latin classique", ce qui est complètement remis en cause. D'autres
considèrent que "latin classique" et "latin vulgaire" étaient tous deux
issus du vieux latin (ou latin archaïque) (HDLL:18). Cette dernière position ne contredit
pas la suivante (en gras ci-dessous).
Michel Banniard (archive:27) propose : "Allons jusqu'au bout de ces
propositions : le latin parlé (quel que soit son registre et quelle que
soit sa dénomination, cotidianus,
familiaris, uulgaris) n'était pas une forme dégradée du latin
littéraire ; tout au contraire, le
latin littéraire fut une extraction du latin parlé ; nier son
origine en retournant le flux de l'histoire langagière est une opération
antique qui a si bien réussi que les philologues modernes ont
intériorisé cette construction comme si elle était un produit de
l'évolution naturelle." L'auteur veut dire que l'entreprise de Cicéron,
Quintilien etc. d'élaborer un latin classique, admirable, et de
dévaloriser un latin parlé, vulgaire, considéré comme du latin classique
"dégénéré" a réussi au point que les philologues modernes continuent de
penser dans ce schéma.
Remarque : ci-dessus je ne considère que l'aspect lexical, mais si on se réfère à l'article ACAL, la même "supercherie intellectuelle" aurait fonctionné à propos de l'accent latin (mélodique ou tonique, voir histoire de l'accent latin).
En liaison avec l'évolution de la position des linguistes, plusieurs vocables sont apparus, désignant des concepts voisins de "latin vulgaire" : "roman", "latin parlé", "roman commun", "protoroman". Le mot "roman" est ambigu : il a plusieurs acceptions complètement différentes, dont celle utilisée dans l'acronyme DÉRom (ensemble des langues dérivées du latin... plus précisément du "protoroman", dont voici la définition ci-dessous).
Le site DÉRom emploie "protoroman",
dont voici deux niveaux de définition (QP:4) :
(1) Protoroman2
: langue reconstruite par la méthode comparative qui représente la
langue ancestrale parlée autrefois dont descendent les langues romanes ;
(2) Protoroman1 : langue ancestrale parlée autrefois dont descendent les langues romanes.
(Protoroman1 englobe Protoroman2).
La méthode comparative
consiste à comparer les langues romanes actuelles pour reconstituer la
langue ancestrale. Je dirais qu'a priori, une telle méthode reconstitue
une langue forcément unifiée (même si en réalité elle ne l'a jamais
vraiment été) puisque dans cette méthode, on recherche justement tous
les points communs entre les langues romanes actuelles. Cependant Éva
Buchi (QP:3) écrit : "la langue reconstruite qui se
dégage de ses premiers articles [du DÉRom] ne ressemble en rien à une langue
uniforme, mais se présente déjà comme un
De même, les auteurs du DÉRom évitent les termes exprimant une uniformité
du latin parlé. Par exemple ils n'emploient pas koinè,
langue ou registre véhiculaire qui aurait permis de communiquer dans
tout l'Empire Romain et qui a sans doute existé comme la
Les débats à venir vont sans doute faire évoluer tous ces concepts.
Différents critères peuvent être retenus pour découper des périodes
linguistiques :
- évolution
- évolution graphique quand elle existe ;
- évolution littéraire quand elle existe.
Il n'y a pas d'harmonisation parmi les auteurs : le découpage du parler
en périodes est différent selon les sources.
Ci-dessous pour les phases les plus anciennes (jusqu'au protooccitan : VIIIe siècle), j'adopte le découpage temporel de Michel Banniard (archives : 1, 2).
LPC : Latin Parlé d'époque Classique (-200 - +200).
LPT : Latin Parlé Tardif (IIIe-VIIe siècle).
LPT1 : Latin parlé tardif de phase 1 (IIIe-Ve
siècle) (LPT « impérial », c'est-à-dire qui a été parlé pendant la
dernière période de l'empire romain d'occident) ; selon moi de nettes
divergences sont déjà perceptibles entre le nord et le sud de la Gaule,
notamment concernant les modalités de la diphtongaison
romane.
LPT2
: Latin parlé tardif de phase 2 (VIe-VIIe siècle)
(LPT "mérovingien" en Gaule du Nord.... [LPT "gothique" en Gaule du Sud
- je n'ai pas trouvé de justification de ce terme - archive]
; "wisigothique" en Espagne ; "lombard" en Italie, LPT d'Afrique du nord
: archive...).
PR : Protoroman (VIIIe siècle) désigne l'ensemble des langues romanes émergentes.
PO : Protooccitan (VIIIe siècle).
PF : Protofrançais (VIIIe siècle).
Voir cependant l'an 600,
par convention naissance des langues romanes (ci-dessous)
Pour mémoire selon M. Banniard : AFC : Ancien Français Classique (IXe-XIIIe siècle).
AFT : Ancien Français Tardif (XIVe-XVe siècle)
AO
: Ancien Occitan (environ 800 à environ 1500).
OM
: Occitan Moderne (environ 1500 à aujourd'hui).
Comme il est dit plus haut, la
langue d'oc est beaucoup plus conservatrice que le français.
L'article CLGR indique : "le français est l'aboutissement
d'une longue série de transformations phonétiques qui ont affecté toute
l'aire gallo-romane mais qui ne sont qu'ébauchées en occitan. Autrement
dit (...) l'occitan présente en synchronie plusieurs stades parcourus et
révolus de la diachronie du français." L'occitan est donc resté plus
proche du latin que le français. Cette page web le montre largement,
bien que certaines innovations soient propres à l'occitan ou au domaine
occitano-catalan.
Pour expliquer l'origine de ce clivage, les auteurs ont invoqué les
trois domaines suivants.
Le substrat (c'est-à-dire ce
qui est antérieur à la romanisation) : peuplement gaulois (celte) plus
fortement implanté au nord de la Gaule, populations ligures et ibères
solidement ancrées dans les trois massifs du sud (Pyrénées, Massif
Central, Alpes), et résistant à la celtisation ; il ne faut pas oublier
l'installation des grecs dans certaines régions du sud (Marseille à
partir du VIe siècle avant J.-C., vallée du Rhône, Nice,
Agde...) - voir "Mots
grecs de Marseille". L'auteur Pierre Bec signale (LO:21) : "Quant à la question des substrats, a
fortiori des sub-substrats, elle ne devrait être maniée qu'avec une
grande prudence et ne saurait jamais être exclusivement déterminante"
(pour déterminer le clivage oc/oïl).
La romanisation elle-même :
conquête plus précoce de la Gaule du sud par les romains (jusqu'en 118
avant J.-C. in CLGR), alors que le nord s'est opposé
farouchement à l'invasion romaine jusqu'à la bataille d'Alésia en 52
avant J.-C. ; le latin importé au sud et au nord l'aurait été à deux
stades différents : latin "plus archaïque" au sud et latin "plus
progressif" au nord ; il faut remarquer que les Alpes, le Massif
Central, la Loire (ainsi que sa région sud vers l'Atlantique) ont
constitué des barrières géographiques importantes, isolant le nord du
sud, et reprises au IVe siècle pour fonder les deux diocèses
de la Gaule (carte ci-dessous)
;
Le superstrat (c'est-à-dire les causes postérieures à la romanisation) : dans le nord de la Gaule, les invasions des Francs, peuple germanique, à partir du début du Ve siècle, modifie progressivement le latin parlé ; vers le sud, l'influence des francs est limitée. Cet aspect est développé par exemple par Pierre Riché :
(ÉCOB:152) : "Dans ces conditions, il est évident que nous ne pouvons pas étudier l'éducation des laïcs en Gaule, sans distinguer deux domaines géographiques : celui qui comprend l'Aquitaine, la Burgondie et la Provence, et celui du groupe Neustrie et Austrasie. Les contemporains avaient eux-mêmes conscience de ce qui opposait ces deux Gaules : jusqu'au milieu du VIIIe siècle, les Francs désignent les Aquitains du nom de Romani. [...] De plus, cette Gaule, que l'on peut appeler "barbare" par opposition à la Gaule "romaine" du Sud, est largement ouverte à de nouvelles pénétrations germaniques venant d'outre-Rhin. Par suite, la fusion romano-barbare s'est faite dès le VIe siècle aux dépens de l'élément romain."
À propos de la disparition des écoles (où l'on apprenait le latin) :
(ÉCOB:173-174) "La Gaule "barbare", nous l'avons dit, n'appartient plus au domaine de la civilisation de l'écrit. Depuis les invasions du IIIe siècle, la civilisation romaine qui avait marqué ces régions s'y était maintenue difficilement. Les écoles urbaines, si elles ont existé, on disparu de bonne heure. Au IVe siècle, Ausone ne cite aucun professeur au nord de la Loire".
Voir ci-dessus importance du
latin écrit dans la naissance de la langue d'oc.
Certains tableaux présentés dans cette partie ne sont pas exacts dans
le sens où il n'y a pas eu évolution de l'occitan vers le français. Mais
ils montrent de façon simple que l'occitan
est
souvent resté bloqué dans son évolution à partir du latin à un stade
par lequel le français est très souvent passé (voir introduction).
Il serait plus rigoureux de présenter l'évolution sous la forme d'un arbre phylogénétique (arbre d'évolution des espèces vivantes) :
On peut représenter le même arbre sous la forme suivante :
latin
|
Ve s.
|
XIIIe s.
|
|
|
actuel
|
|
ka |
> |
> | > |
> | > |
sud-occitan ka |
tcha |
> | > | > | nord-occitan
tcha |
||
cha che |
> |
français
cha, che |
Cette partie fait référence pour une très large part à l'article QNCLÉ.
La voie héréditaire est aussi appelée "voie populaire". Un mot
héréditaire est dit aussi "hérité".
Citons l'article QNCLÉ :
"(...) sur le plan lexical le vocabulaire latin survit dans les langues romanes dans deux grandes catégories de mots :
• les mots héréditaires dont font partie les mots transmis par une
tradition sans faille, les mots ayant subi toutes les conséquences de
leur emploi ininterrompu du point de vue sémantique, morphologique,
phonétique.
• les mots empruntés au latin qui constituent la deuxième catégorie est due à une survie des mots sur le plan culturel, plus précisément à une reprise ultérieure des relations avec le monde classique, à une résurrection lexicale qui se manifeste à partir du fond (sic) latin."
"Un mot héréditaire est une « unité lexicale transmise par tradition orale ininterrompue et ayant subi, de ce fait, tous les changements phoniques qui caractérisent cette langue » (Chambon 2010: 62). (...) « Il s’ensuit banalement que l’étymon d’un mot héréditaire est nécessairement un mot oral » qui sera présenté en notation phonétique, précédé d’un astérisque qui signale que l’étymon est reconstruit (Jean-Pierre Chambon, 2010)."
Pour le provençal, on peut citer ostau
"maison" < hŏspĭtālĕm
: le mot latin a subi les transformations décrites dans Du
latin à l'occitan pour aboutir à ostau.
Le français "hôtel" est
l'aboutissement du même étymon en domaine d'oïl.
"Par contre, un mot emprunté, en l’occurrence au latin, est une unité lexicale introduite d’une langue dans une autre et qui a une existence plus scripturaire qu’orale. Les règles d’adaptation ont imposé à l’emprunt des modifications minimales de sorte qu’il y a une quasi équivalence entre le segment de départ et le segment d’arrivée."
Pour le provençal, on peut citer espitau "hôpital" < hŏspĭtālĕm : le mot latin a subi des transformations minimales, en domaine d'oc comme en domaine d'oïl pour aboutir respectivement aux mots espitau et "hôpital". Voir par exemple ci-dessous s devant consonne conservé en sud-occitan.
Pour le projet TLF-Étym, les auteurs ne distinguent que deux catégories
de latin : "latin tout court (sous entendu de l’Antiquité) et latin
médiéval". Les autres subdivisions communes (latin archaïque, latin
classique, latin impérial, latin tardif : bas-empire, bas-latin)
semblent délicates pour l'étude diachronique de la langue.
"Par convention on considère que la naissance des langues romanes se situe autour de 600, le latin de l’Antiquité couvre la période allant du IIIe siècle av. J.-C. à 600, tandis que le latin médiéval s’étend de 600 au XVe siècle".
Le latin médiéval était "le véhicule universel et permanent de la culture". C'était la langue de l'église, de l'administration, de la justice, des sciences, des historiens, des écrivains, des grammairiens... Petit à petit, les langues romanes accèdent à l'écrit et empiètent sur le latin. Depuis le Moyen Âge, les langues romanes (et non romanes) ont emprunté des mots soit au latin classique, soit au latin médiéval.
Ainsi les nouvelles notices étymologiques du CNRTL
distinguent les emprunts ("transferts linguistiques") au latin de
l'Antiquité, et les emprunts au latin médiéval (voir aux articles
"différer", "temporel", "obole"...). Les auteurs reconnaissent une
troisième catégorie de mots : cas indécidables (on ne peut pas trancher
entre emprunt au latin de l'Antiquité et emprunt au latin médiéval,
comme "défectif").
"Il s’agit clairement d’un emprunt au latin de l’Antiquité (appelé latin tout court dans la métalangue de TLF-Étym) si la ou les première(s) attestation(s) incite(nt) à penser que l’emprunt a été effectué à travers la traduction d’un texte antique".
Au moins pour le français, les emprunts au latin classique se sont
réalisés notamment dans un mouvement d'intérêt intellectuel pour les
œuvres classiques de l'antiquité, avec l'apparition de mots latins
francisés dans les traductions, comme "différer", qui est une
francisation du latin classique differre
vers 1355 (traduction d'un texte de Tite-Live).
"Il s’agit clairement d’un emprunt au latin médiéval :
• si l’étymon a été créé en latin médiéval (dérivé, emprunt à une
langue vernaculaire)
• si l’étymon a développé un sémantisme secondaire (inconnu du latin de
l’Antiquité) en latin médiéval
• si l’étymon présente en latin médiéval une particularité
morpho-syntaxique inconnue du latin de l’Antiquité".
Les distinctions ci-dessus sont sans doute valables pour la langue
d'oc.
Cependant il reste à réaliser une étude approfondie sur la "voie savante" dans la naissance et l'évolution de l'occitan. De nombreux indices montrent que la voie savante, l'influence du latin écrit, ont eu des conséquences très importantes sur la nature même de l'occitan.
Citons ÉCOB:147 (en parlant des mérovingiens, c'est-à-dire du Ve au VIIIe siècle :
"Les Germains [ndlr : les Francs] n'ont colonisé qu'une petite partie de la Gaule, et tout en essayant d'imposer leur autorité à tout le regnum, n'ont rien changé de l'organisation administrative et sociale des autres régions situées en gros au sud de la Loire et du plateau de Langres. Là, s'est maintenue la civilisation romaine et, en particulier, la culture romaine. En utilisant non seulement les chroniques, mais également les diplômes conservés ou les copies de ceux qui ont disparu, les formulaires, les inscriptions, nous constatons que toute une partie de la Gaule mérovingienne participe encore à la civilisation de l'écrit."
ÉCOB:149 : "Nous pouvons donc tracer une ligne allant de Nantes à Genève, en passant par Le Mans, Orléans, Autun, qui pourrait marquer la frontière nord de la civilisation de l'écrit."
Voir aussi ci-dessous la notion de superstrat.
Je donne ci-dessous quelques groupes de mots provençaux qui montrent un
fort impact de la voie savante, de l'écrit latin, plus fort qu'en
français.
a. Mots en -i ou -ia
(sauvia "sauge", òrdi
"orge"...), voir mots
occitans en -i, -ia, -iar.
b. Mots de type plaga : avec g
intervocalique
c. Mots de
type nivol :
Probablement, certains mots issus de
d. Verbes en -ficar (ou -ificar)
Il s'agit souvent de mots latins déjà existants, où la deuxième
composante (-fĭcārĕ) était une
évolution de făcĕrĕ "faire" (apophonie ă
> ĭ). Mais -ĭfĭcārĕ
est devenu un suffixe, vivant en latin de l'Antiquité puis en latin
médiéval. Par voie semi-savante, en français, -ĭfĭcārĕ
a donné -ifier et en occitan cela a donné -ificar
(à développer).
Amplificar, deificar, edificar,
estratificar, fortificar, modificar, pacificar, petrificar, rareficar,
sacrificar, verificar (liste à compléter).
Au Ve siècle après J.-C., les syllabes /ka/ et /ga/ en
Il faut remarquer que dans le nord de la
France, au nord de la
L'origine de ces palatalisations est toujours discutée : certains
auteurs invoquent le substrat gaulois, mais il
apparaît plutôt que ce soit le superstrat
franc qui en soit à l'origine.
latin
|
|
sud-occitan (provençal...)
|
|
nord-occitan
|
|
français
|
/ka/ |
> |
/ka/ |
/tʃa/ |
/ʃa/, /ʃe/ |
||
capră(m) | cabra | chabra | chèvre | |||
cantāre | cantar | chantar | chanter | |||
/ |
> |
/ |
/ |
/ |
||
mŭscă(m) | mosca | moscha | mouche | |||
sĭccāre | secar | sechar | sécher | |||
vaccă(m) | vaca | vacha | vache | |||
Tableau. Évolution de la syllabe latine /ka/, à l'initiale ou derrière consonne, en Gaule.
Signalons que la syllabe latine /ka/ en
Pour /ga/ en
latin
|
|
sud-occitan (provençal...)
|
|
nord-occitan
|
|
français
|
/ga/ |
> |
/ga/ |
/dja/ |
/ja/, /je/ |
||
galbĭnŭ(m) | jaune (1) | jaune | jaune | |||
gallă(m) | gala | jala | (emp galle) | |||
gallīnă(m) | galina | jalina | geline | |||
gallŭm |
|
gau |
|
jau |
|
a.fr. jal
"coq" |
garrīcă(m) |
|
garriga |
|
jarrija,
jarría |
|
n.d.l.
Jarrie, La Jarrie |
gaudĭŭ(m) |
gaug |
jaug |
a.fr. joi
"joie" |
|||
/ |
> |
/ |
/ |
/ |
||
pūrgāre | purgar | purjar | purger | |||
Tableau. Évolution de la syllabe latine /ga/, à l'initiale ou derrière consonne, en Gaule.
La syllabe latine /ga/ en
Vers l'an 400 après J.-C., les consonnes
Par contre, dans le nord de la Gaule, elles évoluent encore : elles subissent une spirantisation (Ve siècle) suivie d'autres phénomènes.
Pour les consonnes
- en occitan, la seule transformation des
consonnes
- en français des phases supplémentaires se sont réalisées : la spirantisation (Ve siècle) suivie d'autres phénomènes (IPHAF:49, 51).
Pour les consonnes
Classiquement, les linguistes estimaient que
b, d, g intervocaliques étaient
réellement prononcés /b, d, g/ en latin, puis subissaient des phases de
spirantisations décalées dans le temps selon les régions de la Gaule.
Depuis peu, une nouvelle théorie considère que b,
d, g intervocaliques étaient des
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
p rīpă(m) |
> |
b
(b riba |
v rive |
|
b
/ făbă(m) |
> |
v fava |
|
v fève |
t
batarevīta(m) |
>
|
d
(d
badarvida |
|
∅, y (1)
baer, beer >
bayer, béervie |
d
/ sūdārĕ |
> | z susar |
∅, y
(1) suer |
|
k
(suivi de a, o, u)
nĕcārĕsēcūru(m) lŏcārĕ |
>
|
g
(g
negarsegur logar |
|
∅, y (1)
a.fr. neer, neier > noyera.fr. seür > sûr a.fr. loer, loier > "louer" |
g
/
plāgă(m)dōgă(m) |
>
|
y,
j, ∅, (v, g) (2)
plaga, plaia, plajadoa, doia, doga, doja, dova |
|
∅, y, v (2)
plaiedouve |
a(u)gŭstŭ(m) negare |
|
aost, avost, agost neiar, nejar, negar |
|
août a.fr. neier > "nier" |
|
|
|
|
|
Tableau
ci-dessus. Évolution des occlusives intervocaliques latines en occitan
et en français.
(1) Pour y ou ∅, PH-2020:262 estime que la disparition de la consonne a entraîné l'apparition de yods épenthiques : "L'insertion de ce yod anti-hiatique a lieu en AF seulement, ce dont témoigne le fait qu'à côté des formes avec yod il existe systématiquement des formes sans yod, qui représentent l'état primitif de l'AF". Voir yod épenthique dans les hiatus secondaires.
(2) Pour g intervocalique, la
situation est variable selon les voyelles environnantes et la région ;
les consonnes entre parenthèses sont souvent des consonnes de résolution
d'hiatus ou bien pour g
occitan, ce peut être aussi un rétablissement par la voie savante ou un
renforcement dialectal de
Pour
résumer,
les tableaux ci-dessus montrent les faits suivants.
Du moins sur le plan de l'écrit :
En français :
- le destin des b
- le destin des d primaires et secondaires s'est finalement confondu pour donner ∅ ;
- le destin des g primaires
et secondaires s'est finalement confondu pour donner ∅.
En occitan (sud-occitan), le
destin de ces consonnes
On peut tenter une synthèse semblable pour les groupes
muta
cum liquida. Dans le tableau ci-dessous sont donnés en
priorité les groupes muta cum liquida
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
pr capra(m) |
> |
br cabra |
> |
vr chèvre |
pl dŭplŭ(m) |
> |
bl doble |
bl double |
|
br labra(m)
|
> >
|
ur
/ br laura
/ labra
|
vr lèvre
|
|
bl (1) oblītārĕ
|
> |
bl
(1) oblidar
|
bl (1) oublier
|
|
tr pătrĕ(m) dr quădrātŭ(m) |
> |
>
ir paire cairat |
||
>
|
|
rr, r
pèrecarré |
||
kr
ācrŭ(m) |
>
|
igr / gr
aigre / agre |
>
|
ir
aigre |
gr flagrārĕ nĭgră(m) |
> |
ir / gr flairar negra |
> |
ir flairer noire |
k'l
(2)
măcŭla(m) >
măclă |
>
|
lh
malha |
|
ill
maille |
g'l (2) rēgŭlă(m) > rēglă |
> |
lh relha |
ill reille (dialectal "planche") |
|
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Évolution des groupes latins intervocaliques "occlusive + r ou l" (muta cum liquida) en occitan et en français.
Pour l'occitan, voir les détails à p, pr, pl intervocaliques.
Pour le français : après les sonorisations
(/p/ > /b/ vers l'an 400), le nord de la Gaule connaît une phase de spirantisation
inconnue au sud de la Gaule : /b/ > /
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
p |
> |
b
(b |
> |
v |
rīpă(m) | riba | rive | ||
-p-
|
>
|
-b
> -p
(b devenu final) |
|
-f
(v
devenu final) |
căpŭ(m) | cap |
|
chef | |
pr
|
>
|
br
|
>
|
vr
|
capră(m) | cabra |
|
chèvre | |
p
|
>
|
br
|
>
|
vr
|
pip(e)re(m) | pebre |
|
poivre | |
pl
|
>
|
bl
|
|
bl
(1)
|
duplŭ(m) | doble |
|
double | |
p
|
>
|
bl
|
|
bl
(1)
|
capŭlŭ(m) | cable |
|
câble (chable) |
Tableau ci-dessus. Évolution de p intervocalique en Gaule (avec muta cum liquida).
Pour l'occitan, voir les détails à t, tr, t'l intervocaliques.
Pour le français, après les sonorisations
(/t/ > /d/ vers l'an 400), une grande partie nord de la Gaule connaît
une phase de spirantisation
inconnue dans le domaine sud-occitan : /d/ > /
latin
|
|
sud-occitan
(provençal...) |
|
nord-
occitan |
|
français
|
t |
> |
d
(d |
> |
i, ∅ |
i, ∅ (1) | |
vītă(m) cantātă(m) *batārĕ |
vida cantada badar |
via, viá chantaia baiar |
vie chantée baer, beer > bayer, béer |
|||
vĕnūtă(m) | venguda |
vengüa, vengüá |
venue |
|||
pătrĕ(m) t -ātŏr |
> |
dr
>
i̯r (2)
padre > paire-adr > -aire |
|
|
||
dr
|
|
>
|
|
r, rr (3)
père-ére (trouvère) |
||
t
|
>
|
?
|
>
|
?
|
||
spat(ŭ)lă(m) |
espatla
(espaula,
espanla...) |
épaule |
||||
Tableau ci-dessus. Évolution de t intervocalique en Gaule (avec muta cum liquida).
(1) Pour l'apparition du i, voir ci-dessus yod épenthique.
(2) Pour tr > dr > ir, s'agit d'une transformation typique de l'occitan ; ce serait même la seule : d'après NAPG, "l'occitan ne pourrait se définir génétiquement que par une seule innovation ancienne à la fois commune à tout son espace et spécifique, à savoir l'évolution en [-jr-] des groupes -TR-, -DR- primaires ou secondaires." Les mêmes auteurs mentionnent que cette évolution est attestée entre les années 560 et 675 environ.
(3) Par exemple le français "père" proviendrait de (IPHAF:44,187
: sonorisation ; 50, 89) : pătrĕm > *padre
> *p
Pour l'aboutissement r ou rr en français, selon PHF-f3:719sq. (in DAðr), puis selon DAðr : à revoir : PH-2020:439-440.
(Les devenirs de tr
et dr
sont identiques)
- en général voyelle accentuée + tr
latin > accent + r français
(pătrĕm
> "père") ;
- mais ĕ / ŏ accentués + tr latin > ie, uo accentués (dipht. spont.) + rr français (pĕtrăm > "pierre", Altĭŏdŭrŭm > Auçuerre "Auxerre") ;
- tr latin + accent > rr français + accent (pătrīnŭm > a.fr. parrin "parrain") ;
Les explications de PH-2020:163, 181-182, à savoir l'allongement
compensatoire de r possible seulement s'il suit une voyelle
atone, permettent bien d'expliquer les types "père" et "parrain, carré",
mais pas le type "pierre, Auxerre" (ou alors l'auteur devrait commenter
les formes anciennes : pierre / piere, Auçuerre / Auçuere :
laquelle est la plus légitime ?).
(4) tl est sans doute
toujours
Pour l'occitan, voir les détails à k, kr, kl intervocaliques,
Pour le français : après les sonorisations
(/k/ > /g/ vers l'an 400), le nord de la Gaule connaît une phase de spirantisation
inconnue dans le sud de la Gaule : /g/ > /
- /ka/ après i,
e, a : /k/ > /
- pour /ka/ après o, u : /k/ >
- pour ăquăm > *awa > èwe, eau, voir ăquăm ;
- pour -ācŭm, lăcŭm : voir ci-dessous toponymes en -ācŭm (diphtongaison française de ā) ;
- pour cæcŭm, græcŭm > a.fr. cieu "aveugle", grieu "grec", voir étude de /è/ devant k.
(pour le nord de la Gaule : IPHAF:55, 56)
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
k
|
>
|
g
(g
|
>
|
i,
∅ (1)
|
nĕcārĕ jŏcārĭ sēcūrŭ(m) |
negar jogar segur |
neier, neer > noyer jouer seür > sûr |
||
kr
|
>
|
gr
|
|
(igr)
|
macrŭ(m)
|
|
magre
|
|
(maigre)
|
kr V m (2) |
> |
gr V m |
> |
i̯r m > r m |
lăcrĭmă(m) săcrāmentŭ(m)
|
|
lagrema sagrament,
sarrament
|
|
layrme > larme sayrement
> serment
|
k |
> |
i̯r |
|
i̯r |
făc(ĕ)rĕ
|
|
faire
|
|
fayre
> faire
|
k |
> |
|
|
|
macŭla
|
|
malha
|
|
maille
|
Ck |
> |
Ckl |
|
Ckl |
ăvuncŭlŭ(m)
|
|
oncle
|
|
oncle
|
sk |
> |
skl | > | sl
>
^l |
mascŭlŭ(m)
mĭscŭlārĕ
|
|
mascle
mesclar
|
|
masle > mâle mesler
> mêler
|
kt |
> |
i̯t / (pr) ch |
|
i̯r |
factă(m)
|
|
faita
/ facha
|
|
fait
|
Tableau. Évolution de /k/ intervocalique en Gaule (également muta cum liquida, et ct).
(1) Pour l'apparition du i, voir ci-dessus yod épenthique.
(2) kr + voyelle + m
est très résistant à la
(3) kl est toujours
Il me semble que le
- type bāsĭārĕ > baiser (s + i, e en hiatus) ;
- type laxārĕ > laisser (cs
= x)
- évolution de -
-ācă
/aːka/ > /aːga/ > /aː
On peut également songer aux toponymes
en
- évolution de a devant m ou n (lānăm > laine) ;
- évolution de a
devant ñ devenu implosif
: (
- évolution de -actŭs, -actă
vers -ait, -aite prononcés /ayt/, /ayt
Pour -ācă vers -aie : (ADoi:74) :
"ivraie,
n. f. (latin populaire ebriāca,
ancien français evraie,
Alors que dans ce mot la graphie ai
s'explique par une évolution phonétique régulière du suffixe
Je pense que cela s'explique par le fait que
le digramme oi
a aussi représenté /è/.
Le
Voir ci-dessous : -ācŭm,
-ĭācŭm
(diphtongaison française de ā).
Pour l'occitan, voir les détails à sonorisation de s.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
/s/
|
>
|
/z/
(1)
|
|
/z/
|
causă(m)
[kawsa]
|
|
causa
/kawza/
|
|
chose
|
Tableau. Évolution de /k/ intervocalique en Gaule. La sonorisation de s ne s'est pas notée dans la graphie. Le z a servi à noter /tz/ en français (IPHAF:43).
Pour l'occitan, voir les détails à f intervocalique.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
||
f (φ) (ton. ?) | f |
∅ |
||||
dēfŏrĭs | defòra | dehors | ||||
|
|
|
|
|
||
f (φ) (post-ton.?) | f, v, ∅
(1) |
v, ∅ (1) |
||||
Stĕphănŭ(m) | Estèfe (lim, gasc), Estève (prov)... | Estièvene (a.fr.) "Étienne" | ||||
Tableau ci-dessus. Évolution de f intervocalique en Gaule.
(1) En syllabe post-tonique, le f intervocalique a des évolutions variables, voir dans la partie 2 sonorisation de f.
Cette évolution plus réduite des consonnes
La plupart des auteurs ne se posent pas la question de savoir comment se prononçaient b, d, g intervocaliques à l'époque latine : pour eux, ils se prononçaient évidemment comme aujourd'hui /b/, /d/, /g/.
Cependant Xavier Gouvert préfère les considérer comme des
Voir ci-dessus pour les hésitations concernant
la prononciation latine : /b/ ou /
Pour l'occitan, voir les détails à b intervocalique, bl intervocalique, br intervocalique.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
b
|
>
|
v
|
>
|
v
|
făba(m)
|
>
|
fava
|
|
fève
|
br |
> |
ur |
|
vr |
libra(m)
|
>
|
liura
|
|
livre (fém.)
|
bru / bre? (dern) |
> |
br |
> |
vr |
libru(m)
|
>
|
libre
|
|
livre (masc.)
|
b |
> |
ur |
|
vr |
scrīb(ĕ)re
|
>
|
escriure
|
|
escrivre > écrire
|
bl |
> |
bl |
|
bl |
oblītāre
|
>
|
oblidar
|
|
oublier
|
b |
> |
ul / bl |
|
bl |
tăbŭlă(m) |
> |
taula |
|
table |
stăbŭlŭ(m)
|
>
|
estable
|
|
étable
|
Tableau ci-dessus. Évolution de b intervocalique en Gaule.
Voir ci-dessus pour les hésitations concernant
la prononciation latine : /d/ ou /
Pour l'occitan, voir les détails à d intervocalique, dr intervocalique.
Pour le français, F. de La Chaussée estime que "d
>
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
d
|
>
|
z
|
|
∅
|
sūdāre
|
>
|
susar
|
|
suer
|
dr |
> |
/i̯r/ |
|
r, rr (1) |
quădrātŭ(m)
|
>
|
cairat
|
|
carré
|
d |
> |
/i̯r/ |
|
r, rr (1) |
gaul -dŭrŭm "forteresse" |
> |
-ire (Içoire "Issoire" 63) (2) |
|
-rre (Auxerre, Tonnerre,
Nanterre) (2) |
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Évolution de d intervocalique en Gaule.
(1) Pour le français, pour r / rr, voir ci-dessus.
(2) Pour d'r, "Bouloire" (72) (Bolodro, VIIe siècle) montre qu'en domaine français, d'r a pu aussi évoluer en /i̯r/ comme en domaine occitan. (*Bolodurum : p-i-e bolo "hauteur" ? DENLF:80a ou gaul bolo "prunelle" ? TGF1:175 — gaul "forteresse").
Pour Auxerre, Nanterre, Tonnerre, aussi Briare, Brières, Jouarre, Mandeure, etc. : TGF1:175-176.
Voir ci-dessus pour les hésitations concernant
la prononciation latine : /g/ ou /
Pour l'occitan, voir les détails à g intervocalique, gr intervocalique, gl intervocalique.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
g
|
>
|
g, i, j, ∅, v
(1)
|
>
|
i, ∅, v
|
plāgă(m) |
> |
plaga, plaia, plaja |
|
playe > plaie |
dōgă(m)
|
>
|
doa,
dova...
|
|
douve
|
gr |
> |
/i̯r/ |
|
i̯r |
flagrāre
|
>
|
flaira
|
|
flairer
|
gru / gre? (dern) |
> |
gr |
|
i̯r |
nĭgrŭ(m)
|
>
|
negre
|
|
noir
|
g |
> |
/ |
|
l̮ |
rēg(ŭ)lă(m)
|
>
|
relha
|
|
(a.fr.)
reille
|
ng |
> |
ngl |
|
ngl |
cĭng(ŭ)lă(m)
|
>
|
cengla
|
|
sangle
|
Tableau ci-dessus. Évolution de g intervocalique en Gaule.
(1) La situation est très variable en fonction des voyelles environnantes, de la région, et de l'influence de la voie savante, voir partie 2 : spirantisation de g intervocalique.
(2) gl est toujours
Pour les détails, voir évolution
de waw primaire.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
v
|
>
|
v
|
|
v
|
lăvārĕ
|
>
|
lavar
|
|
laver
|
v au contact de o, u păvŏrĕm |
∅ paọr > paur |
∅ peur |
||
|
|
|
|
|
v devenu final clāvĕm |
-u clau |
-f clef |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Évolution de v intervocalique en Gaule.
Le sud-occitan conserve le s
devant consonne sonore, y compris en cas de prosthèse
(escòla, estèla, espina...). En
français, ce s disparaît à
l'oral aux XIIe, XIIIe siècles. Il est maintenu à
l'écrit jusqu'à la réforme orthogaphique française de 1740, où il est
remplacé par un accent circonflexe ("pâte"), ou par un accent aigu
("école").
En nord-occitan, ce s a
évolué en /y/, /h/, /:/, ∅. Je ne connais pas la date de ce changement,
mais on peut penser qu'il s'est fait en même temps que pour le français,
ou plus tard. Concernant l'orthographe, on peut conserver à l'écrit la
forme avec s, comme semble le
préciser le C.L.O. (source archivée : Preconizacions:40).
Mais en vivaro-provençal, il est logique d'accepter les orthographes escòla et eicòla
(voir dialectes).
Cas particulier des consonnes non sourdes :
Devant les consonnes non sourdes [b - d - g - z - v - j - l - m - n -
r] , la prononciation de s est
aléatoire (prononcé ou non), voir par exemple préfixe des-.
latin
|
|
sud-
occitan |
|
nord-
occitan |
|
français
|
s devant consonne sourde (y compris cas de prosthèse) |
> |
s |
> |
/y/, /h/, /:/, ∅ |
> |
∅
XIIe XIIIe siècles (mais s
maintenu à l'écrit → 1740) |
ex-
(*exclaricire...) |
esclargir |
éclaircir |
||||
pastă(m) | pasta | [pahto], [pa:to] | pâte | |||
bēstĭă(m) | bèstia (1) | [beytyo],
[be:tyo],
[behtjo] |
bête (1) | |||
schŏlă(m) | escòla | [éykòlo], [ékòlo], [éhkòlo] | école | |||
stellă(m) |
estela |
étoile |
||||
Stĕphănŭ(m)
[stéφanʋ]
|
|
Estève
|
|
|
|
Étienne
|
s devant consonne sonore (rare) |
> |
/y/ |
> |
∅ |
||
*blastĕmă(m) > blasme | blaime | blâme | ||||
*vassĕllĭtŭ(m) > vaslettu
|
|
vailet, varlet
|
|
valet
|
||
Au VIe siècle, tout -a
final évolue en /-
LPEPH:203, note 6 "(...) le [
Il faudrait étudier si les syncopes de type [sriz] pour "cerise" sont
synchrones de l'amuïssement de /-
Dans le sud de la Gaule, le -a
est conservé mais évolue bien plus tard (? siècle) dans de nombreuses
régions en /ò/, /œ/, /
L'abondance des diphtongues (et des triphtongues) dans le provençal est
un élément frappant pour un français néophyte écoutant du provençal. Les
diphtongues sont d'ailleurs considérées comme disparues du français
moderne (hors Québec, voir Wikipédia ici, 2017). Cependant en ancien français,
diphtongues et triphtongues étaient très abondantes, mais elles se sont
simplifiées au cours du temps (monophtongaison) - la graphie du français
en garde la mémoire ("eau", "bœuf", "allaient"...). De ce fait, "la
musique" du provençal actuel doit rappeler celle de l'ancien français
sur ce point.
Remarque : pour les diphtongues latines æ et œ, voir la monophtongaison de æ et œ.
Voir le développement à Diphtongue latine au.
Occitan
: lat au >
oc au /a
(la diphtongue est bien conservée ;
dans certaines régions > /òw/ ; en position
Français
: lat au
> fr
/ò/ (fin
du Ve siècle) (
(puis > ò, ó ou
Donc l'occitan conserve la diphtongue latine au, contrairement au français, par exemple : lat causă(m) > oc causa /kaʋ̯zo/, fr "chose".
- les mots
latins savants d'origine grecque conservaient eu
grec ; ils ont eux-même souvent suivi une voie savante pour arriver dans
la langue occitane. Leur devenir est hétérogène
: tantôt eu est conservé en
occitan, tantôt eu est
assimilé à au (voir la
discussion à reumàs "rhume", reumatisme "rhumatisme".
reuma > reumàs [rówmas], s'enreumassar [é̃rówmasa] ; voir (AO) rauma / ręuma.
Europa > Euròpa...
- voie populaire par
le grec de Marseille :
La diphtongue grecque ευ /è
En AO on a taute,
tautenon "calamar". Voir étude
de -aut-.
Donc cette diphtongue grecque s'est assimilée à la diphtongue au.
Voir le développement plus détaillé à : diphtongaison romane.
Voir le développement plus détaillé à : vue
d'ensemble
sur la diphtongaison romane.
La diphtongaison romane affecte è
et ò
- début du IIIe siècle : /è/ > /iè̯/ (> /yè/, pour le français : /yè/, parfois /i/)
- début du IVe siècle : /ò/ > /ʋò̯/ (>... /üò/, /üé/, /yò/..., pour le français : /œ/)
Dans les domaines gallo-roman et catalan, on peut distinguer deux
phénomènes : la diphtongaison romane spontanée
et la diphtongaison romane conditionnée.
Dans ces domaines géographiques, les deux types de diphtongaison
affectent /è/ et /ò/
- la diphtongaison spontanée
se réalise devant n'importe quelle consonne latine (non palatalisée), ou
même devant une voyelle en
- la diphtongaison conditionnée
se réalise seulement devant une
La diphtongaison spontanée affecte
systématiquement le français, et très peu l'occitan. Par contre, les
deux langues sont affectées systématiquement par la diphtongaison
conditionnée (conditionnée par la présence d'une
Pour l'occitan, voir le développement plus détaillé dans la partie "Du latin au provençal 2" : diphtongaison romane spontanée.
La diphtongaison romane spontanée touche la moitié nord de la Gaule ; elle touche aussi la moitié sud, seulement
pour quelques mots : elle n'affecte que les
La diphtongaison spontanée s'est produite (dans la moitié nord de la
Gaule) :
- vers le début du IIIe siècle pour la voyelle è (IPHAF:182) ;
- vers le début du IVe siècle
pour la voyelle ò (IPHAF:185).
Plus tard en domaine d'oïl, les diphtongues issues du ò
se
En domaine d'oïl, au début du IIIe siècle :
(à droite, j'écris les aboutissements tels
qu'on les connaît en français moderne)
ĕ /è/ > /iè̯/ | > /yè/ (cas général : "fier") |
> /yé/
(si la consonne finale ne se prononce plus : "pied", voir loi
de position) |
|
>
/i/ (si un i
diphtongal apparaît après è
: "dix") |
fĕrŭ(m)
/f |
|
> (mutation
vocalique) */fèːrʋ/
|
|
français
et francoprovençal
(essentiellement d'après PHF-z:55, PHF-f2:251, 266-268 ; IPHAF:107 ne donne pas l'étape
"rapprochement de è
vers i" ni la loi de
position, son scénario est donc incomplet)
|
|
> (début
IIIe siècle : diphtongaison romane spontanée)
*/fiè̯ːrʋ/ |
|
> (fin Ve
siècle : ʋ
> ó) */fiè̯ːr |
|
> (vers le
VIIe siècle ? : rapprochement
de è vers i)
*/fiéːr |
|
> (VIIe-VIIIe
siècle : apocopes)
*/fié̯ːr |
|
dialectes
du Nord-Est (PHF-f2:267-268)
|
|
> (réduction
de diphtongue) /fiːr/
|
→ dial. fir
[fiːr] (voir ALF:285 "le ciel") |
francoprovençal
(PHF-f2:268)
|
|
> (réduction
de diphtongue seulement au féminin : pourquoi ?)
/fiːra/
|
→ alternance fier / fira |
> (vers
1200 : bascule
des diphtongues, consonification i
> y) */fi̯éːr |
→ [fyéː (é : Meigret, 1542 ; Maupas, 1625 ; encore Boyer, 1703) |
dialectes
de l'Ouest (sauf Normandie)
|
|
(voir → dial.
pé [pé]) (ALF:1012 "pied") |
|
> (début
XVIIe siècle : loi
de position) */fyèːr |
→ [fyèː (è : Oudin, 1633) |
> (fin
XVIIe siècle : |
→ "fier" |
occitan
(l'occitan a toujours conservé le timbre [è] depuis le latin
vulgaire)
|
|
> (fin Ve
siècle : ʋ
> ó) */fèːr |
|
> (VIIe-VIIIe
siècle : apocopes)
*/fèːr |
→ AO f |
(quand ?
souvent perte de la valeur longue de è) /fèr |
|
dialecte
provençal maritime
|
|
> (perte de -r)
/fè/
|
→ pr.ma. [fè] (TDF) |
(tardivement,
variable selon les régions : |
→ fèr
[fèʁ] |
(1) Pour l'adjectif français "fier", le CNRTL donne : "Avec
cher fait exception à
la liste d'adjectifs en
L'auteur ne précise pas la prononciation dans
Racine ; je pense que ce dernier envisageait la prononciation
[fyèːr], [altyèːr], voir PHF-f2:251 (remarque vers le bas de page)
: "Beaucoup de mots en -ier,
dont l'r ne se
prononçait pas au XVIe siècle, pas plus
qu'aujourd'hui, ont repris l'r
au XVIIe et au XVIIIe siècles, par exemple
altier, entier, familier,
régulier, seculier, singulier, etc. Dans ces mots, la
prononciation de
Pour l'occitan fèr "sauvage", le |
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ĕ |
> |
è |
> |
/iè̯/
> /yè/, /i/... |
bĕnĕ |
bèn (1) |
bien |
||
cælŭm > cĕlŭ(m) |
cèl > cèu (prov) |
ciel |
||
κεράσιον > cĕrĕsĭă(m) |
cerieisa |
*cerieise
> cerise |
||
dĕcĕ(m) | dètz (2) | */dièi̯tsé/ >... /dis/ dix | ||
ĕrat | èra |
a.fr. iere
"était" |
||
fĕbrĕ(m) | fèbre (3) |
fièvre |
||
fĕl(ĕ)(m) | fèl > fèu (prov) | fiel |
||
fĕrŭ(m) |
fèr |
fier |
||
hĕrī |
AO |
hier |
||
intĕgrŭ(m) | entèir (a.oc., auv) (3) | entier (entièir > a.pic. entir) | ||
lĕpŏrĕ(m) |
lèbre |
lièvre |
||
mĕl(ĕ)(m) | mèl > mèu (prov) | miel | ||
pĕdĕ(m) |
pè |
pied |
||
pĕtră(m) |
pèira (3) |
pierre |
||
rĕm(ĕ)(m) |
rèn (1) |
rien |
||
rĕtrō | rèire (3) |
arrière (< adrĕtrō) |
||
Stĕphănŭ(m) |
Estève |
Étienne |
||
tĕnĕt |
tèn (1) |
tient |
||
tĕpĭdu(m) |
tèbe |
tiède |
||
*trĕb > *trĕbum |
Trève (30, 69) (4) | Trièves (69) (4) |
||
vĕnĭt | vèn (1) |
vient |
||
Tableau ci-dessus. Diphtongaison
romane spontanée de è (< ĕ)
tonique libre : elle n'affecte pas l'occitan mais elle affecte le
français.
(1) Les accents graves sur ces formes occitanes nasalisées sont supprimés dans la graphie classique, alors que lexique-provence conseille de les utiliser (pour le provençal), voir prononciation de en.
(2) Pour dĕcĕm "dix" : voir ci-dessous i diphtongal devant ke, ki, et la discussion à dĕcĕm.
(3) Dans fĕbrĕm, intĕgrŭm, pĕtrăm, rĕtrō,
tout se passe comme si le groupe consonantique
(4) Le gaulois *trĕb "habitation" semble avoir donné Trève "Trèves" (communes du Gard et du Rhône), Trièves (commune du Rhône) TGF1:146. Il faudrait envisager Trièves (région de l'Isère), mais pour cette dernière appellation, Trĭvĭæ "déesse des carrefours" a été proposé comme étymon. À étudier.
En domaine d'oïl, au début du IVe siècle :
(à droite, j'écris les aboutissements tels
qu'on les connaît en français moderne)
ŏ
/ò/ > / |
> / |
> / |
|
> /ò̃/ devant n (type "bon, bonne" ci-dessous) |
(acc) cŏr /kór/ "cœur" | |
> (mutation
vocalique, sans doute alignement sur la 3e
déclinaison du latin populaire pānĭs)
*/kòːré/ (PHF-z:55-56 ; IPHAF:107 partent du latin classique cŏr, mais dans ce cas ŏ serait
|
|
français
(essentiellement d'après PHF-z:55-56 ; IPHAF:107 ne donne pas l'étape
"rapprochement de ò
vers ʋ" ni la loi de position, son scénario est donc
incomplet)
|
|
> (début
IVe siècle) */k |
|
> (vers le VIIe siècle ? : rapprochement de ò vers ʋ) */kʋó̯ːré/ | |
> (VIIe-VIIIe siècle : apocopes) */kʋó̯ːr/ | → Alexis, Guigemar quor */kʋó̯ːr/ |
> (XIe siècle
? différenciation
de point d'articulation) */kʋé̯ːr/
(1) |
→ Roland : quer, coer |
> (XIe
siècle-début XIIe siècle : antériorisation
de ʋ, au contact de é?) */k |
→ SteMarguerite : cuer... |
> (XIe
siècle-début XIIe siècle : labialisation
(rapprochement de é
vers u) */k |
|
> (vers 1200 : bascule
des diphtongues, consonification u
> ü) */ku̯ |
|
>
(XIIIe siècle : monophtongaison) */k |
|
> (début
XVIIe siècle : loi
de position) */k |
|
> (fin
XVIIe siècle : |
→ "cœur" |
occitan
(l'occitan a toujours conservé le timbre [ò] depuis le latin)
|
|
> (VIIe-VIIIe
siècle : apocopes)
*/kòːr |
→ AO c |
(quand ? souvent perte de la valeur longue de ò) /kòr/ | |
dialecte
gascon
|
|
> (perte de -r)
/kò/
|
→ g còr /kò/ (voir ALF:306 "cœur") |
(tardivement,
variable selon les régions : |
→ còr |
(1) Pour le français, l'étape ʋó̯ > ʋé̯ est datée du XIe siècle dans IPHAF:107 (reprenant "Bourciez, Élém. § 263b"). Elle est datée du XIe- début XIIe siècle dans PHF-z:56. Cette datation est fondée sur les attestations graphiques (Alexis, Guigemar : quor ; Roland : quer, coer ; SteMarguerite : cuer..., voir CNRTL "cœur"). | |
Évolution ŏ > /ʋò̯/ > /
cŏr /kòr/
"cœur"
> (début du IVe siècle) /kʋò̯r/
> (quand ? différenciation
ʋò > ʋé) /kʋè̯r/
(1)
> (ʋ
labialise è en
> (ʋ > u sous l'effet de œ, mais pour moi : c'est simplement l'antériorisation de ʋ au VIIIe siècle) /kuœ̯r/
> (vers 1200 : bascule des diphtongues) /ku̯œr/
> (quand ? amuïssement du premier
élément de diphtongue) /kœr/ cœur
Selon F. de La Chaussée (IPHAF:134) :
"D'une façon générale, les voyelles toniques
libres se sont diphtonguées devant une consonne nasale explosive
[(c'est-à-dire intervocalique)], et l'on ne voit pas pourquoi elles ne
l'auraient pas fait : amat
> ae̯mat, bĕne
> bie̯ne, plēnu
> pléi̯n, bŏna,
hŏmo, cŏmes,
> b
La question ne se pose que pour o > ó : [voir suite ci-dessous : type "don"]".
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ŏ |
|
ò |
|
/ʋo̯/ >...> /œ/ |
cŏr | còr | cœur | ||
fŏrŭ(m) | AO fòr
(fur : |
a.fr. fuer, feur, f.a. fur (voir Feurs 42) (1) | ||
mŏlă(m) | mòla | meule | ||
ŏpĕră(m) |
òbra |
œuvre |
||
pŏpŭlŭ(m) |
pòbol, pòple |
peuple |
||
prŏbăt
|
pròva |
a.fr.
prueve "(il) prouve"
|
||
rŏtă(m) | ròda | a.fr. ruee, reue "roue" | ||
Tableau ci-dessus. Diphtongaison
romane
spontanée de ò (< ŏ)
tonique libre : elle n'affecte pas l'occitan mais elle affecte le
français.
(1) Pour fŏrŭm, le dérivé
français "fur" (dans "fur et à mesure") est un développement particulier
(je pense : amuïssement de œ au stade /fuœ̯r/).
Le nom de la ville de Feurs (42)
provient de Foros (segusiavorum),
et le nom latin de cette ville a donné le nom de la région du Forez : pagus forensis (*pagus forēsis)
> "Forez" (ici le -z s'oppose au cas général du
Dans cet
exposé, la diphtongaison spontanée en français est le premier
phénomène majeur qui explique pourquoi de nombreux mots français ont
des voyelles différentes des mots occitans (voir le 2e
phénomène majeur ci-dessous).
Par exemple :
- fŏcŭm
> oc fuòc,
fuec, a.fr.
*fuéu "feu" ;
- bŏvĕm > oc buòu, a.fr. buef "bœuf".
Voir le développement dans la partie "Du latin au provençal 2" : diphtongaison spontanée devant /k/ et /w/.
Voir le développement dans la partie "Du latin au provençal 2" : diphtongaison romane conditionnée.
En occitan comme en français, devant les palatales :
- /è/ > /iè̯/ (>... /yè/, mais souvent > /i/ en français)
- /ò/ > /ʋò̯/ (>... /üò/, /üé/, /œ/ en français)
La diphtongaison conditionnée daterait au plus tard du début du Ve siècle.
Le résultat ʋ̯ò peut évoluer par la suite : ʋ̯ò >u̯ò > u̯è en occitan, et surtout, les deux diphtongues i̯è et ʋ̯ò ont beaucoup évolué dans la moitié nord de la Gaule pour donner le français actuel (liech "lit", nuech "nuit").
Dans cet
exposé, cette évolution poussée de la diphtongaison conditionnée dans
le nord de la Gaule est le deuxième phénomène majeur qui explique
pourquoi de nombreux mots français ont des voyelles différentes des
mots occitans (voir le 1er phénomène ci-dessus,
et le 3e phénomène ci-dessous).
Au VIe siècle se réalise la diphtongaison française dans la
moitié nord de la Gaule. Elle peut être appelée "seconde diphtongaison",
mais il ne faut pas oublier qu'elle n'affecte que la Gaule du nord. La
"seconde diphtongaison" en occitan serait plutôt la diphtongaison
du
ò à partir du XIIIe
siècle, ou bien la diphtongaison
devant l. La
diphtongaison française affecte les
Francoprovençal
: cette diphtongaison est aussi mise en évidence pour le
Ainsi parmi les voyelles
Je cite Michel Banniard (CLD, archive p. 30-31) :
"Du VIIe au VIIIe siècle, la prononciation du latin change de nouveau dans des conditions qui commencent à donner à la parole des locuteurs du Nord une couleur vraiment différente de celle des locuteurs du Sud." Dans cette phrase, selon les datations de F. de La Chaussée (IPHAF:194), "VIIe" et "VIIIe" siècles sont trop tardifs, puisque la diphtongaison française aurait eu lieu au VIe siècle. "Dans le Sud, où les évolutions de ce type sont absentes, la parole devient la langue d'oc ; la “toile” s'y dit toujours [tela], la “fleur” [flore], “parler” [parlare]" "
Au VIe siècle, la diphtongaison française au sens strict
affecte é
et ó
/éː/
> /éi̯/
... > /wa/ (/è/)
/óː/
> /óʋ̯/ ...
> /
Francoprovençal : cette
diphtongaison atteint aussi le
Cette diphtongaison se réalise "par l'arrière" (c'est la partie finale de la voyelle qui se modifie) et elle aboutit à une diphtongue fermante. Cela signifie que son degré d'aperture décroît au cours de son émission (la bouche se ferme davantage) : é > éi̯ ; ó > óʋ̯.
Citons HDLL:94 : "Les habitudes articulatoires des Francs en ont peut-être été encore une fois la cause. On croit que le francique a été caractérisé par un fort accent d'intensité (cf. allemand et anglais de nos jours). L'énonciation énergique d'une voyelle tend à produire un allongement ([é] > [éé] et [ó] > [óó]), ce qui entraîne une fermeture à la fin de l'articulation ([éé] > [éi̯] et [óó] > [óʋ̯] (...)."
Toute voyelle latine (brève ou longue) reste ou demeure brève en
position
Voici ci-dessous l'évolution des diphtongues [éi̯] et [óʋ̯].
Schéma général :
/éː/
>
/éi̯/
|
> /wa/ (type "toile") |
>
dial.O.
/è/ (type "craie") |
Ce double traitement explique par exemple pourquoi on dit "français",
"anglais" mais "danois", "chinois" (LDR:243). Voir suffixe occitan -és.
En occitan, ces mots sont restés très proches du latin : tela, plen, fen.
L'aboutissement français actuel /wa/ est très éloigné du latin ē /éː/, alors que l'occitan conserve le timbre latin : tela [télo/a].
Le type /wa/ a mis très longtemps à s'imposer sur /wé/, voir ci-dessous
digramme oi.
(ADoi:75 semble indiquer que /wa/ serait typique
des dialectes de l'Est : Lorraine, Champagne, Bourgogne, Franche-Comté,
mais le texte n'est pas clair, il donne oi
sans parler de la prononciation).
(d'après
|
|
> (VIe siècle : diphtongaison française,
-a
> -e) /téi̯l |
→ a.fr. teile (Voy. de Charlemagne) |
> (milieu
du XIIe siècle : différenciation
de point d'articulation) /tói̯l |
→ |
> (fin XIIe siècle : assimilation
de i̯ à ó) /tóé̯l |
|
> (fin XIIe siècle : assimilation de ó̯) /tʋé̯l (mais je pense qu'on peut invoquer /ó/ > /ʋ/ en français) |
|
> (vers 1200 : bascule
des diphtongues) /tʋ̯él |
|
> (XIIIe siècle : raison peu claire)
/tʋ̯èl |
|
> (XIIIe siècle : raison peu claire)
/tʋ̯al |
|
> (XVIIIe siècle) /twal |
→ "toile" /twal |
Pour le français, souvent ei
> oi également en
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
|
|
|
||
a.b.fr. brëkan > *brĭcārĕ | bregar |
a.fr. breier, broyer | ||
dĕcānŭm | degan |
a.fr. deien, doyen | ||
lēgālĕm | leiau |
a.fr. leial, loyal | ||
lĭcērĕ |
leser, lesir |
a.fr. leisir, loisir | ||
mĕdĭānŭm | mejan |
a.fr. meien, moyen | ||
mĕdĭĕtātĕm | meitat > mitat |
a.fr. meitié, moitié (1) | ||
mĕssĭōnĕm | meisson |
a.fr. meisson, moisson | ||
nĕcārĕ | negar |
a.fr. neier, noyer | ||
pĕctŏrīnăm | peitrina |
a.fr. peitrine, poitrine |
||
pĭscĭōnĕm | peisson |
a.fr. peison, poisson |
||
plĭcārĕ | plegar |
a.fr. pleier, plier, ployer |
||
rēgālĕm | reiau |
a.fr. regiel, royal |
||
sĕxāgĭntā > sexanta | seissanta |
a.fr. seixante, soixante |
||
vĕctūrăm | veitura |
a.fr. veiture, voiture |
||
vĭdēmŭs | vesèm |
a.fr. veion, voyons (2) |
||
vīcīnŭm
> *vēcīnŭ(m)
|
|
vesin
|
|
a.fr.
veisin, voisin.
|
Tableau ci-dessus. Évolution ei > oi en prétonique en français.
(1) Pour mĕdĭĕtātĕm > "moitié", pour le -ié, voir ci-dessous type moitié.
(2) Pour vĭdēmŭs > "voyons", pour la flexion, voir le type "nous chantons".
Le type "foyer" ("broyer", "employer", "foyer", "loyer", "noyer", "voyelle"...) ressemble au type "aiguille", avec une évolution /óy/ > /way/. Dans Littré, il y a toujours la prononciation [óy] ; [way] est donnée comme alternative. Cependant dans ce type "foyer", l'évolution me semble parallèle à l'évolution du type toile (à étudier).
Le
Quelques mots français contiennent le
Mais l'histoire du
L'aboutissement /è/, comme dans "craie", semble typique des dialectes
de l'Ouest (ADoi:75). Il faut signaler que dans ce cas, le digramme ai ne reflète aucunement une
ancienne prononciation /ay/ ;
ce
Le scénario d'aboutissement à /è/ n'est pas clair : les auteurs se
contredisent. Je ne sais pas à quel stade de l'évolution de tēlă
ci-dessus raccrocher "craie", ou la variante dialectale "tèle".
- (ADoi:75) : "réduction de l'ancienne diphtongue ei à e dans les parlers de l'Ouest et de la Normandie, dès la fin de la période de l'ancien français" (donc XIVe siècle, mais par quel cheminement ?).
- (
Les types écrits avec ai aujourd'hui sont (ADoi:73) :
- type
"craie" : "craie", "claie", "raie", "taie", "faible", "raide",
"harnais", "monnaie";
- type
"(j')avais" < hăbēbăm (formes verbales de l'imparfait
et du conditionnel) : la prononciation /avè/
semble généralisée rapidement, et non /avwè/
;
- type
"français" < franciscum
("anglais", "polonais" ; mais "chinois", "danois", "suédois", qui sont
du type "toile" ci-dessus) ;
- type
"chênaie" : -aie < -ētăm
: "chênaie", "aulnaie", "oliveraie", "roseraie"...
- type
"connaître" < cognōscĕrĕ,
type "apparaître" < appārĕscĕrĕ : la
diphtongue ne provient pas de ē,
mais d'une
Il s'agit du traitement de ē tonique libre devant n / m.
> (VIe siècle)
/pléi̯n/
> (XIe siècle : action nasalisante de n) /plé̃ĩ̯n/
> (différenciation) /plè̃ĩ̯n/ (1)
> (XIIIe siècle)
/plè̃n/
> (fin XVIe siècle) /plè̃/ "plein"
(1) Ici, on voit que l'évolution vers /wa/ est bloquée par la
nasalisation (à expliquer).
Dans certaines régions (Bourgogne, Champagne, Lorraine), le type
"plein" ci-dessus ne s'est pas réalisé : la différenciation a dû se
réaliser avant la nasalisation (
D'où :
> /féi̯n/
> (différenciation
de point d'articulation) /fói̯n/
> (action nasalisante
de n) /fó̃ĩ̯n/
> /fwè̃/ "foin"
(or.dial.)
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ē, ĭ > é |
e |
/wa/ (/è/ or.dial.) | ||
-ērĕ
( |
-er (voler) |
-oir
(vouloir) |
||
clētă(m) | cleda |
claie |
||
crētă(m) | creda |
craie |
||
dĭgĭtŭ(m) > |
det |
doigt
(1) |
||
fēbĭlĕ((m) | feble |
faible |
||
mŏnētă((m) | moneda |
monnaie |
||
pĭlŭ(m) | pel > peu (prov) |
poil |
||
pĭră(m) |
pera |
poire |
||
pĭsŭ(m) | pese | pois | ||
sētă(m) | seda | soie | ||
sĭtĕ(m) | set | soif | ||
tēlă(m) | tela | toile | ||
vĭă(m) | via (2) | voie | ||
|
|
|
|
|
ēn, ĭn > én | en |
ein (oin
or.dial.) |
||
fēnŭ(m) |
fen |
foin |
||
mĭnŭs |
mens |
moins |
||
plēnŭ(m) |
plen |
plein |
||
rēnŭ(m) |
ren |
rein |
||
sĕrēnŭ(m) |
seren |
serein |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Diphtongaison
française de é absente en
occitan, mais présente en français. La voyelle é
tonique libre est diphtonguée en français.
(1) Pour dĭgĭtŭm > doigt, la forme écrite avec g "doigt" est une réfection étymologique (CNRTL).
(2) Pour vĭăm > oc via, voir ea > ia (aussi f.dial. "vie" : FEW 14:371, 380 note 1 "à cause de l'hiatus").
Schéma général :
/ó/
> /óʋ̯/ ...
> /
flōre(m) (d'après IPHAF:108,203)
>
(VIe siècle) /flóʋ̯ré/
> (2e moitié du
XIIe s. : différenciation
óʋ̯ > éʋ̯) /fléʋ̯r/
> /flëʋ̯r/ ?
> (début
XIIIe siècle : PHHL:189) /flër/
> (loi de position : ouverture [de type picard ?] ë > œ devant consonne articulée, commence au XVIe s.) /flœr/ "fleur"
L'étude ci-dessus concerne la Picardie et l'Île-de-France, régions préférentielles d'apparition du français.
Ailleurs en domaine d'oïl, on obtient :
> /flóʋ̯ré/
> (VIIe, VIIe siècle : apocopes) → angl. flour "farine", flower "fleur"
> (assimilation
óʋ̯r > ʋʋ̯r? > ʋr) /flʋr/ "flour"
L'aboutissement est identique à l'occitan flor /flʋr/ mais dans l'histoire du mot français "flour", il y a eu une diphtongaison française, qui a été réduite par la suite.
En occitan, ces mots sont restés très proches du latin : tela,
plen, fen, flor, don.
Exemples :
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ŭ, ō > ó |
|
o |
|
œ, ë |
-ōrĕ(m)
(dŏlōrĕm) |
-or (dolor) |
-eur
(douleur) |
||
-ōsŭ(m) |
-ós |
-eux |
||
flōrĕ(m) |
flor |
fleur |
||
gŭlă(m) |
gola |
gueule |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Diphtongaison
française de ó absente en
occitan, mais présente en français. La voyelle ó
tonique libre est diphtonguée en français ; la diphtongaison est suivie
d'une évolution menant à /œ/).
dōnu(m)
(d'après
> (VIe siècle) /dóʋ̯n/
> (XIe siècle : action nasalisante de n ; influence ouvrante sur ʋ de la nasalisation) /dõõ̯n/
> (XIIe siècle) /dõn/
> (fin XVIe siècle)
/dõ/ "don"
Pour les féminins "couronne, personne, pomme,
Rome" (< cŏrōnăm, persōnăm, pōmăm,
Rōmăm...) [m] et [n] demeurent (alors que dans "don" on
n'entend plus [n]) mais la voyelle /õ/ se dénasalise (PHHL:190,202). L'orthographe avec nn
dans "couronne", mm dans
"pomme"... représente encore l'ancienne nasalisation de o
(référence ?).
Une des grandes différences entre les voyelles de l'occitan et celles
du français est le devenir de la voyelle latine a
(ă, ā)
Le point de départ de cette évolution française serait une
prononciation [
Francoprovençal : contrairement
à é
et ó, le
La diphtongaison du a
tonique
a
>
*/
Remarque : conservation de a en français par influence savante :
GEAF:12-13 : "Le suffixe
Dans le cas général, la diphtongue évoluerait de la manière suivante :
(d'après
ă ou ā
/aː/
>
(au plus tard fin IVe siècle)
>
(2e moitié du VIe siècle) */
>
(avant
> (XIe siècle) */éː/
> (XVe , XVIe siècle : loi de position) /é/ ("pré"), /è/ ("mer")
(1) L'aboutissement */
Diphtongaison française de a : exemple de "pré" (d'après IPHAF:108, adapté)
prātu(m) /praːtʋ/ (occitan : voir t devenu final) | |
> (au plus tard fin IVe siècle :
antériorisation et fermeture de a)
*/pr |
|
> (vers l'an 400 : sonorisations)
*/pr |
|
> (Ve siècle : spirantisation
de d et -u > -ó)
*/pr |
|
> (VIe siècle : diphtongaison
française) */pr |
|
> (début VIIe siècle? : monophtongaison)
*/pr |
|
> (VIIe, VIIIe
siècle : apocope,
causant le durcissement de la finale) */pr |
→ a.fr. pred (Roland) |
> (XIe siècle) */préː |
|
> (amuïssement consonne finale, causant l'abrègement
de è) /préː/
> /pré/ |
→ pré |
Type "aile" :
certains mots français autrefois écrits avec e,
ont été réécrits avec ai, pour
rappeler le a latin : "aile"
autrefois écrit ele, "clair"
autrefois écrit cler. Voir le
digramme français ai
ci-dessus (source à mettre : Fouché ?). Voir aussi la voyelle
probablement longue de ai.
Le suffixe -ācŭm
a été employé abondamment pour créer des
Remarque : il faut distinguer -ācŭm et -ĭācŭm, voir
ci-dessous
Typiquement, -ācŭm
évolue en :
-ay [è] en domaine d'oïl ;
-ac ou -at en domaine d'oc (la consonne finale étant prononcée ou non selon les régions) ;
-eu,
-eux, -aix, -eix, -ex, -at en domaine
Pour l'aboutissement -ay en
domaine d'oïl, deux scénarios différents ont été proposés :
- scénario sans diphtongaison française de a (IPHAF:56) (je n'arrive pas à expliquer cette non-diphongaison, et les explications de F. de La Chaussée sont très sommaires, voir note 1 ci-dessous) ;
- scénario avec diphtongaison française de a (PHF-f3:630), développé juste ci-dessous.
Pour -ācŭm,
le scénario pour le français ci-dessous est exposé d'après la conception
de PHF-f3:630, que j'ai développée. La datation des
événements est conforme à IPHAF.
P. Fouché explique l'évolution lăcŭ(m) > a.fr. lai "lac" selon le même scénario ; fr "lac" est sans doute une forme occitane qui a pénétré vers le nord à l'époque prélittéraire (FEW 5:126b).
Problème de l'origine du
Au contact de o, u, il faut
remarquer que l'évolution g (
F. de La Chaussée estime ci-dessous que le
-c- latin (prononcé "à la
gauloise" [
-ācŭ(m)
*/-aːk |
|
> (vers l'an 400 : sonorisations) */aːgʋ/ | |
voie
1. Français |
|
> (Ve
siècle : spirantisation de g)
*/aː |
|
> (fin Ve
siècle : -u > -ó)
*/aː |
|
> (VIe
siècle : diphtongaison française) */aè̯ |
|
> (VIe
siècle : amuïssement de |
|
> (VIe
siècle : différenciation
d'aperture) */a |
|
> (VIIe
siècle : apocope)
*/a |
→ */a |
> (XIIe
siècle : assimilation
d'aperture) */è |
|
> (XIIIe siècle : réduction de diphtongue) */è/ (IPHAF:206) | →
-ay, -ai prononcé aujourd'hui /è/ (ex : Tŭrnācŭm > Tournai Belg, 61, Tournay 14, Ternay 41, Tonnoy 54... à comparer avec Tornac 30 ci-dessous). (DENLF:672). |
voie
2. Occitan |
|
> (fin Ve siècle : -u > -ó) */aːgó/ | |
> (VIIe siècle : apocope) */aːg/ | |
> (puis durcissement de la consonne devenue finale) */aːk/ | →
-ac (ex : Tŭrnācŭm > Tornac 30, à comparer avec Tournai Belg, 61 ci-dessus). (DENLF:672). |
voie 3. Francoprovençal ("arpitan") |
|
Les terminaisons -ax,
-eix, -ex, -eux possèdent un x strictement graphique, qui n'a
jamais été prononcé (au contraire de "Aix", voir Ais). Ce x
indique simplement que la syllabe doit être accentuée (BRPAM).
Aussi : Ambérieu, ... Il reste à étudier l'évolution phonétique à
partir du latin. En domaine
|
→ -ax,
-as, -at, -eix, -ex, -eux, -eu (ex : Oyonnax 01 < *Audienacum DENLF:514 ; Frontenex 73, Frontenas 69, Frontonas 38 < *Frontenacum DENLF:306 ; Meximieux 01 < Maximiacum DENLF:426 ; Savigneux 01, 42 < Sabiniacum DENLF:647, Vénissieux 69 < *Veniciacum DENLF:698 ; Viriat 01, Virieu 01 : 2 communes, 38 < Viriacum DENLF:726) |
(1) Selon F. de La Chaussée (IPHAF:56), en Gaule, les toponymes de type Cameracu (> Cambrai)
étant celtiques, leur prononciation était vraisemblablement en */aː
F. de La Chaussée donne : /a
- pourquoi
- pourquoi n'y aurait-il pas de
diphtongaison française ?
Pour la Gaule du sud : problème de lăcŭm
> lau "lac" : à faire.
(L'évolution lăcŭm > lac
est celle attendue pour l'occitan général : voie 2 ci-dessus pour
Le suffixe -ĭācŭm a été
employé abondamment pour créer des
Cas général pour -ĭācŭm :
Normalement, beaucoup de toponymes
français en -y prononcé /i/ proviennent de
F. de La Chaussée donne l'exemple :
Clippĭācŭm
> */kli
L'auteur n'explique pas comment on passe de ā
à /ie/ mais l'explication est sans aucun doute la loi
de Bartsch ci-dessous.
P. Fouché (PHF-f3:630) détaille bien davantage son scénario, et fait intervenir la diphtongaison française de a ainsi que la loi de Bartsch (voir ci-dessous l'évolution de Săbīnĭācŭm).
Remarque : les toponymes historiques montrent
souvent une étape en
Cas du type Aurēlĭācŭm
Voir r'l, r'n + ĭ, ĕ : Aurēlĭācŭm
> Aurilhac (15...)
et "Orly" (94)
(premières palatalisations).
Cas du type Vĭctōrĭācŭm
Le problème est complexe. L'étymon Vĭctōrĭācŭm (ou Vĭctōr
+ -ācŭm) semble convenir pour les toponymes d'oïl Vitry,
Vitray, Vitré, et pour le toponyme d'oc Vitrac
(15, 19,
24, 63). Le i
bref (ĭ dans
Par ailleurs il y a eu probablement syncope du ō
prétonique : Vĭctōrĭācŭm
> *Victriacu. La demi-palatalisation
du r a donc dû être
contrariée. Pour Vitrolles (Vitròla)
(05, 13, 84)
l'évolution est semblable (< *Vĭctōrĭōlă "petite statue
de la Victoire" TGF1:404 ; Vĭtrŭm
+ -ĕōlă
"verrerie" proposé par DENLF:708 ne semble pas convenir car a priori, tr
> i̯r).
Scénario pour le cas général -ĭācŭm :
Le scénario ci-dessous pour le français est exposé d'après la conception de PHF-f3:630. Datations d'après IPHAF.
-ĭācŭ(m)
/-iaːkʋ/
(1) Le ĭ
en hiatus entraîne :
- la palatalisation de la consonne antécédente
;
- la palatale obtenue complexifie la diphtongue
française ei en
triphtongue iei ;
- la triphtongue est réduite en i.
|
|
exemple : Săbīnĭācŭm
*/sa |
|
> (Ier siècle : yodisation)
*/sa |
|
> (IIe siècle : 1es
palatalisations, 1es
étapes de la mutation vocalique) */sa |
|
> (vers l'an 400 : sonorisations) */saviñaːgʋ/ | |
voie 1. Français |
|
> (Ve
siècle : spirantisation de g)
*/saviñaː |
|
> (fin Ve siècle : -u > -ó)
*/saviñaː |
|
>
(VIe siècle : diphtongaison
française de a)
*/saviñaè̯ |
|
> (VIe siècle : loi
de Bartsch) */saviñ |
|
> (VIe
siècle : amuïssement de |
|
> (VIe
siècle : différenciation
d'aperture) */saviñ |
|
> (VIIe siècle : apocope)
*/saviñ |
|
> (assimilation
d'aperture) */saviñ |
|
voie 1a : dialectes du Centre
et de l'Est |
|
> (iei > i) */saviñi/ | → - (ex : Gallĭācŭm > Jailly
21, 58 ;
Săbīnĭācŭm > Savigny,
26 communes françaises)
(Savigna 39,
Sévignac 22).
|
voie 1b :
dialectes de l'Ouest |
|
> (iei > é) */saviñé/ | → - (Savigné 37,
72 : 2 communes, 86, Sévigné 35)
|
voie 2. Occitan |
|
> (fin Ve siècle : -u > -ó) */saviñaːgó/ | |
> (VIIe siècle : apocope) */saviñaːg/ | |
> (puis durcissement
de la consonne devenue finale) */saviñaːk/ > /saviñak/ > (souvent amuïssement de la consonne finale) /saviña/ |
→ - (ex : Gallĭācŭm > Galhac 12, 31,
81 ;
Săbīnĭācŭm
> Savinhac, 11 communes de France, Sevinhac, 2 communes dans
64).
|
voie 3. Francoprovençal
(arpitan) |
|
(à faire) |
|
→ - (ex : Gallĭācŭm
> Jailleux
01, (Bourgoin)-Jallieu
38 ;
Săbīnĭācŭm
> Savigneux,
01, 42)
|
Dans le tableau ci-dessous sont présentés des exemples d'évolution en
occitan et en français de a
tonique libre devant consonne autre que m,
n.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ā, ă > a |
|
a |
|
é, e |
-ācŭ(m) (Tŭrnācŭm) |
-ac (Tornac) (ci-dessus toponymes en -ācŭm) |
-ay (Tournai, Tournay...) |
||
-ĭācŭ(m) (Aurēlĭācŭm, Săbīnĭācŭm) |
-ac (Aurilhac, Savinhac) (ci-dessus toponymes en -ĭācŭm) |
-y
(1) (Orly, Savigny) |
||
-ārĕ (cantārĕ) |
-ar (cantar) |
-er
(chanter)
(1) |
||
-ālĕ(m) (hŏspĭtālĕm) |
ostal > ostau |
a.fr. ostel
> hôtel |
||
-ātŭ(m) (cantātŭm) |
-at (cantat) |
-é
(chanté) |
||
ālă(m) |
ala |
aile
(a.fr. ele) |
||
cănĕ(m) |
can |
chien
(1) |
||
capră(m) |
cabra |
chèvre
(1) |
||
căpŭ(m) |
cap |
chef
(1) |
||
clārŭ(m) |
clar |
clair
(a.fr. cler) |
||
clāvĕ(m) |
clau |
clef |
||
mărĕ |
mar |
mer |
||
mātrĕ(m) |
maire |
mère |
||
mĕdĭĕtātĕ(m) |
mitat |
moitié
(1) |
||
nāsŭ(m) |
nas |
nez |
||
nāvĕ(m) |
nau |
nef |
||
pătrĕ(m) |
paire |
père |
||
prātŭ(m) |
prat |
pré |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Aboutissements de a tonique libre latin (devant consonne autre que m, n) : conservation en occitan, diphtongaison /aè̯/ > /é, è/ en français
(1) Pour
En français, si a est suivi d'une consonne nasale (m ou n), l'ancienne diphtongue française /aè̯ / se ferme en /ai̯/, voir influence fermante de la consonne nasale ("aimer", "demain", "faim", etc.). La prononciation française actuelle est /è/ ou /è̃/, mais l'orthographe conserve la mémoire de cette ancienne prononciation.
Remarque 1 : Il ne faut pas confondre
cette évolution avec l'apparition du i
diphtongal de transition lié aux palatalisations, par exemple dans
"bain", "copain" (ci-dessous).
Remarque 2 : Il semble que
cette évolution particulière de a
devant nasale soit l'argument essentiel d'une diphtongaison française de
a ; c'est ce que laisse penser
la phrase de PHF-z:56 : "Sauf postposition d'une consonne
nasale, á
Dans le tableau ci-dessous, je tente de répertorier tous les cas
d'évolution de a tonique libre
devant nasale en occitan et en français.
Tableau ci-dessus. Aboutissements de a tonique libre latin devant m, n : conservation en occitan, diphtongué /aè̯/ > /ai̯/, en français (l'orthographe du français conserve l'ancienne prononciation /ai̯/).
(1) Pour cantāmŭs > (nous)
(2) Pour an > ans, ains, ette étymologie est une proposition
personnelle, voir ansin.
(3) exāmĭnĕ(m), lĕvāmĭnĕ(m)
ont subi l'apocope
des
proparoxytons en occitan, mais la
(4) Pour l'étymologie de putan, "putain", voir pūt(t)ŭs (Réfection des déclinaisons).
(5) Pour masc *scrībānĕm,
il s'agit d'un accusatif populaire du lat.cl.
scrībă "copiste, scribe", sur le modèle des noms en
Les
Karl Bartsch (références?) avait constaté que certains mots français comme "chien" ne suivent pas le modèle prātum > "pré" ci-dessus, mais développent une diphtongue ié.
Loi de Bartsch, ou effet de Bartsch (PHF-z:115) :
"Tout á
Les auteurs rattachent à la loi de Bartsch l'action
sur a initial libre (
Francoprovençal
: la loi de Bartsch s'exerce aussi pour le
Pour le français, certains mots comme "chien", a.fr. chief
"chef", a.fr. chievre "chèvre", "moitié", ne
suivent pas le modèle prātum
> "pré" ci-dessus, mais développent une diphtongue ié.
Beaucoup d'entre eux ont vu par la suite une simplification ié
> é.
Par exemple pour cārŭ(m)
> a.fr. chier
"cher" deux théories expliquent l'évolution depuis le a
latin. L'étude du
- Théorie avec diphtongaison française de a :
Le phonème palatal a une influence fermante sur le segment initial de a tonique libre, qui venait d'être
diphtongué en aè̯ comme indiqué ci-dessus
(diphtongaison française). Cela crée donc une nouvelle diphtongaison ;
celle-ci se réalise "par l'avant" (c'est la partie initiale de la
voyelle qui est modifiée). Au total, on obtient une triphtongue, qui se
simplifie en iè voire en è :
/a è̯/ >
(diphtongaison par l'avant) /
Exemple de "cher", synthèse d'après IPHAF:108,113 :
> tcharó (Ve
siècle)
> tchaè̯ró
(VIe siècle)
> tchiae̯r
> tchièè̯r
> (désaffrication, ʃié > ʃé) tchièr > cher.
- Théorie sans diphtongaison française de a :
(PHF-z:115-116), à faire.
> (1e moitié du Ve siècle) /
>
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ā, ă |
/a/ |
/i̯é/ (> /é/) |
||
-ārĕ (derrière future palatale) |
-ar |
-ier (> -er) |
||
cănĕ(m) |
can |
chien |
||
capră(m) |
cabra |
a.fr. chiévre
> chèvre |
||
căpŭ(m) | cap |
a.fr. chiéf > chef | ||
cārŭ(m) | car | a.fr. chiér > cher | ||
căsăm |
casa |
a.fr. chiése
"maison" (voir chiés > chez) |
Tableau ci-dessus. Effet de Bartsch
(cas général). Le a
tonique libre latin aboutit à ié, iè
(souvent réduit par la suite en é, è).
Dans "moitié", "amitié", "pitié",
a.fr. deintié
"dignité ; mets de choix", le
Francoprovençal
: en
Par exemple pour "moitié", voici le scénario (avec diphtongaison française, essentiellement d'après IPHAF:85,113, développé) :
|
|
> */mé |
|
> (avant |
|
> (quand ? syncope
suivie d'une palatalisation
progressive ; vers l'an 400 : t > d) */meyy |
|
> (VIe
siècle : diphtongaison
française de a,
d > ð)
*/meyy |
|
> (effet de Bartsch)
*/méy |
|
> (VIe siècle : dépalatalisation)
*/méyt |
|
> (avant |
|
> (VIIe et VIIIe
siècles : apocopes
suivies du renforcement
ð > θ)
*/meyti̯ |
|
> (fin du XIe siècle : amuïssement de
|
→ a.fr. meitie |
> (ei > oi en prétonique) "moitié". | → "moitié" |
Origine des palatalisations :
- mĕdĭĕtātĕm : voir palatalisation d + ĭ, ĕ en hiatus ;
-
- pĭĕtātĕm : ce mot est en fait pījĕtātĕm : [piːyétaːté] (IPHAF:85), donc voir "fausse palatalisation" renforcement du yod ;
- dĭgnĭtātĕm : voir palatalisation de gn.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ā, ă |
-/a/ |
-/i̯é/ |
||
amistat |
amitié |
|||
dĭgnĭtātĕ(m) | AO
denhtat |
a.fr. deintié | ||
mĕdĭĕtātĕ(m) |
mitat |
moitié |
||
pĭĕtātĕm (*pījĕtātĕm) | pitat, piatat, pietat (1) | pitié |
||
Tableau ci-dessus. Effet de Bartsch
(cas de type "moitié"). En français, le a
tonique libre latin aboutit à
(1) Pour pĭĕtātĕm, l'AO piatat, pietat sont sans doute des mots savants, calqués sur l'écrit pĭĕtās, l'espagnol piedad semble être semi-savant (avec t > d).
Pour mĕdĭānŭ(m) > "moyen" : le suffixe latin
- dĕcānŭ(m) : ka > ya (
- mĕdĭānŭ(m) : dĭa > ya (plus souvent > ja en occitan) ;
- pāgānŭ(m) : ga > ya.
Il a existé les étapes a.fr. deiien ; moiien, meien ; paiien.
- Selon moi, le double i
correspond à
- Pour l'évolution -eien
> -oyen, voir ci-dessus ei
> oi en prétonique.
(Voir aussi IPHAF:122, qui signale que le i est maintenu comme dans "chien" : "diphtongue nasale", mais le cas me semble différent pour "moyen", ou justement le i semble être tombé après y).
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ā, ă (après |
/ã/ |
/è̃/ |
||
dĕcānŭm | degan |
doyen |
||
mĕdĭānŭ(m) | mejan |
moyen |
||
pāgānŭm | pagan (pacan) |
païen |
||
Tableau ci-dessus. Effet de Bartsch (cas de type "moyen").
Pour căcăt > "(il) chie" : c intervocalique > y,
on aboutit donc à la triphongue iei
dans
Pour jăcĕt > "(il) gît",
l'apparition de i diphtongal pour ke
conduit à la triphongue iei
dans
Pour les noms de lieu en
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ā, ă (devant futur i ou |
/a/ |
/i̯éi/
> /i/ |
||
-ĭācŭm (Săbīnĭācŭm) |
-ac (Savinhac) |
-y (Savigny) |
||
căcăt | caga |
(il) chie |
||
jăcĕt | jais |
(il) gît |
||
Tableau ci-dessus. Effet de Bartsch (cas de type "il chie"). Le a tonique libre est diphtongué en français (phénomène aboutissant à é, e).
Pour le français, un phonème palatal a une influence fermante sur a
initial
/a/ > /é/ > /
/kavall
> (1e moitié du Ve s. : 4es
palatalisations) */t
> (VIe
siècle : action fermante de t
> (fin VIe siècle : -u > -ó) */t
> (VIIe siècle : dégémination
et apocope)
*/t
> (milieu du XIe siècle : affaiblissement é >
ë) */t
> (vers 1200 : désaffrication)
*/
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ā, ă |
|
/a/ |
|
/é/ > / |
căballŭ(m) |
cavau |
cheval |
||
cānūtŭ(m) |
canut |
chenu |
||
cănīcŭlă(m) |
canilha |
chenille |
||
gallīnăm > *gallīnă(m) | galina |
geline |
||
jăcērĕ |
(AO)
jaz (a) jasir |
gésir (1) |
||
Tableau ci-dessus. Fermeture du a initial libre après phonème palatal en français (loi de Bartsch).
(1) Pour jăcērĕ >
*/djai̯zir/ > */djéi̯zir/ > gésir, voir ci-dessous i diphtongal lié aux troisièmes
palatalisations.
Pour le français, on observe
qu'un phonème
Donc (PHF-f2:320, IPHAF:114), un phonème
> (VIe siècle :
diphtongaison française) */
> (action fermante de la palatale
sur le premier segment de la voyelle subséquente) */
> (monophtongaison i̯éi̯ > i, dépalatalisation à partir de la fin du VIe siècle) /tsi/
> (XIIe siècle : désaffrication)
/si/
PHF-f2:321 estime que pour le français, les
traces de cette action fermante auraient disparu dans cĭcĕrĕ(m) > a.fr.
c
Pour l'occitan, c
Pour AO ciera : ? (tableau ci-dessous).
GIPPM-1:139 : (r.g.f.d.e.a.) "§ 82. — Cēpa
> cebo, etc. : aucun mot n'indique de façon indiscutable une
fermeture par le latin c,
g précédent comme dans vfr. cive,
etc... ; on verra donc un
Tableau d'exemples :
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
/kéː/ |
/é/,
/éi̯/
/i̯é/ (/i/ : |
/ |
||
-ācē(n)sĕ(m) *Bellovācēnsĕm *Camerācēnsĕm |
-aisis Beauvaisis Cambraisis (PHF-f2:321) (voir *părīsĭensĕm > Parisis) |
|||
cēpă(m) |
ceba "oignon" AO c |
cive |
||
cēră(m) |
AO
c niç cèira |
cire |
||
lĭcērĕ | AO
lez |
loisir |
||
germ *marka "frontière" > *marcē(n)sĕ(m) |
AO
marqu |
a.fr. marchis
> marquis |
||
mĕrcēdĕ(m) |
AO
merc |
merci |
||
Nŭcētŭ(m) | Noisy |
|||
plăcērĕ | AO
plaz |
plaisir |
||
/géː/ | /é/,
/ié/...
? |
/yyéi̯/ > /i/ | ||
pāgē(n)sĕ(m) |
AO
pa Vel paiés |
a.fr. païs
"pays" |
||
Tableau ci-dessus. Évolution de /é/
libre tonique après /
En français, la double diphtongaison : par l'avant en raison de la
palatalisation, et par l'arrière en raison de la diphtongaison
française, aboutit à la triphtongue iéi,
qui se réduit en i.
Pour résumer, on a pour é, ó, a
toniques libres en français :
é > éi̯ > wa
ó > óʋ̯ > œ, ë
a > aè̯ > é, è
Dans cet
exposé, la diphtongaison française au sens large constitue le
troisième phénomène majeur qui explique pourquoi de nombreux mots
français ont des voyelles différentes des mots occitans (voir
le 2e phénomène ci-dessus).
Voir les détails à diphtongaison devant l. Elle affecte un petit nombre de mots en occitan ; elle n'affecte aucun mot en français.
Elle est du type :
i > i̯é (et
évolutions)
u > ʋ̯ò (et
évolutions)
Par exemple :
anguillăm > anguīlă(m) > anguiela "anguille", avec évolutions : anguièla, anguiala (languedocien), anguila (niç., lim. dauph.), enguila (gasc.) (TDF)
mūlă(m) > muòla "mule", avec évolutions : muela, miòla, muala... ; mula (u non diphtongué) seulement en gascon et limousin (TDF).
On peut constater une diphtongaison apparente en /
Autres diphtongaisons à étudier :
Cresson > creisson, grateron > grateiron, eriçon > eiriçon.
En occitan, le v devenu final a évolué en /ʋ̯/, alors qu'en français il a évolué en f : bŏvĕm > buòu, bœuf (GIPPM-2:115, IPHAF:147). Voir les détails à vocalisation de v.
Par exemple :
bŏve(m) > *buòwe > *buove > *buòv > buòu "bœuf".
Ce -v final provient d'un -v- latin, mais il peut provenir
aussi d'un -b- latin, puisque
b et v
intervocaliques se rejoignent au début du IIe siècle :
trăbĕ(m) > *trave > oc. trau, a.fr. tref "poutre"
En outre pour le français, le -v
final peut provenir d'un -p-
latin : -p-
> -b- > -v-.
Donc pour le français : -p- > -b-
> -v- > -f (durcissement de v
devenu final) ;
pour l'occitan -p- > -b- > -p (durcissement de b devenu final) :
ăpĕm > a.fr. ef "abeille" ("abeille" est d'origine occitane < ăpĭcŭlă) ;
*căpŭm > "chef" (*căpŭm) / oc cap ;
nĕpŏs > a.fr. CSS nief "neveu" / AO neps ;
sæpĕm
> a.fr. soif
"haie" / AO
s
Pour le français, les apocopes
se réalisent aux VIIe et VIIIe siècles, et c'est à
ces dates que v devenu final se durcit en -f
(c'est ce que je déduis de IPHAF:147, 196).
La date des apocopes est sans doute peu différente en domaine d'oc ; dès
les premiers écrits occitans (Xe, XIe siècle), la
vocalisation est déjà réalisée :
PassClerm : neus
< *nĭvĭs, greu < grăvĕm, caitieu < captivum, viu < vīvŭm.
SFoi : l
Il faut remarquer que le catalan partage avec l'occitan cette
caractéristique de vocalisation du v
final : catalan clau, neu, bou,
nou...
latin |
|
occitan |
français |
v /w/ en fin de mot |
>
/ |
-/ |
-f |
b /b/ en fin de mot |
|||
-īvŭ(m) (natīvŭm) |
-iu (AO nadiu) |
-if (naïf) |
|
bŏvĕ(m) |
buòu |
bœuf |
|
brĕvŭ(m) |
brèu, brièu (1) |
bref |
|
căvŭ(m) |
AO
cau |
(creux) |
|
cĭvĕ(m) |
AO
ciu |
(cité,
ville) |
|
clăvĕ(m) |
clau |
clef |
|
grăvĕm > *grĕvĕ(m) |
grèu |
a.fr. grief "grave" | |
lĕvĕ(m) |
lèu |
("léger") |
|
nāvĕ(m) |
nau |
nef |
|
nĭvĕ(m) |
nèu |
a.fr. noif "neige" | |
nŏvĕ(m) |
nòu |
neuf
(nombre) |
|
nŏvŭ(m) |
nòu |
neuf
(adjectif) |
|
ōvu(m) > ŏvŭ(m) | uòu |
œuf |
|
rīvŭ(m) |
riu |
a.fr. rif
"ruisseau" |
|
sŭāvĕ(m) |
suau |
a.fr. souef
"suave" |
|
vīvō | AO viu (GAP) | a.fr. vif "(je) vis" | |
vīvŭ(m) | viu |
vif | |
bĭbō | AO beu (GAP) | a.fr. boif "(je) bois" | |
sēbŭ(m) |
seu |
suif | |
trăbĕ(m) |
trau |
a.fr. tref "poutre" | |
Tableau ci-dessus. Évolution du
v final en occitan et en
français.
Des voyelles françaises ont subi la diphtongaison romane spontanée ou la diphtongaison française, ce qui explique qu'elles diffèrent de l'occitan.
(1) L'occitan brieu s'explique par la diphtongaison èu > ieu ; alors que l'a.fr. brief s'explique par la diphtongaison romane spontanée.
Surtout à partir du XVe siècle, dans une bonne moitié du
domaine d'oc, le ò (provenant
du ŏ latin) se diphtongue en
/wò/, /wa/ ou /we/. Voir la carte
concernant la Provence. Cela n'a lieu (pour résumer) que si la
diphtongaison ne donne pas des mots trop difficiles à prononcer (GIPPM-1:162) : bòn,
pònt, pòrta, mòra "meurt" se diphtonguent, mais pròva,
flòta, tròba ne se diphtonguent pas. Ce phénomène différencié
en fonction des régions donne une marque forte aux accents de terroir,
et en occitan il contribue à reconnaître l'origine géographique d'un
locuteur.
La graphie classique ne note pas cette diphtongaison, et il convient à
chacun d'interpréter l'orthographe avec son propre accent.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
ŏ |
/ò/,
/wò/,
/wa/ ou /we/ |
o |
||
bŏnŭ(m) | bòn /bõ, bwõ, bwã, bwẽ/ | bon | ||
cŏr |
còr /kòr, kwòr, kwar, kwer/ |
cœur |
||
mŏlăm | mòla /ò, wò, wa, we/ |
meule |
||
mŏrĭt |
mòra /ò, wò, wa, we/ |
meurt |
||
Tableau ci-dessus : la diphtongaison
de -ò-, présente dans une moitié du domaine d'oc
et absente en domaine d'oïl. En domaine d'oïl, le -o- libre a
subi la diphtongaison romane
spontanée au début du quatrième siècle, ce qui explique -eu-, -œu-
à la place de -o-.
Au moins à partir du XIIIe siècle, eu
Cette diphtongaison semble avoir aussi affecté quelques mots en ancien
français (peut-être limités à des formes dialectales), dont un seul mot
est resté en français moderne : "pieu" (la triphtongue en ancien
français a évolué en /yë/). En ancien français aussi : tieus
pour "tel", hostieus pour "de
l'hôte", quieus pour "quel".
Cette diphtongaison produit la même triphtongue que pour la diphtongaison iu > ieu (riu > rieu "ruisseau", viu > vieu "il vit"...).
Pour le français :
pālos
(accusatif pluriel de pālus)
> (diphtongaison
française, de a tonique
libre ci-dessus vers
le VIIe siècle) péls > (vocalisation de l devant consonne vers le Xe
siècle) CRP peus
> pieus
(date ?) (voir notamment PPH, sans pagination ; CNRTL).
L'évolution eu > ieu est
une diphtongaison conditionnée par u
diphtongal.
C'est très probablement le même phénomène en occitan.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
Andræum (1) | Andrèu > Andrieu |
André |
||
dĕŭ(m) |
dèu > dieu |
dieu (2) |
||
ĕgŏ |
èu > ieu |
je |
||
a.b.fr. *fĕhu |
fèu > fieu |
fief (2) |
||
fĕl |
fèu (> fieu) |
fiel (2) |
||
jūdæŭm (1) | jusèu > jusieu |
juif |
||
lĕgūmĭnĕ(m) | leume > lieume (prov.rh.) | légume (leun
a.fr.) |
||
mĕŭ(m) |
mèu > mieu |
mien (2) |
||
rōmæŭm (1) | romèu > romieu |
(pèlerin) |
||
tēgŭlŭ(m) | teule > tieule (lang) | tuile |
||
Tableau ci-dessus : la diphtongaison eu > ieu en occitan.
(1) Pour *Andræŭm,
jūdæŭm, *rōmæŭm,
on obtient un /è:/ accentué par monophtongaison
dans les milieux populaires.
(2) Le /i̯/ occitan s'explique par la diphtongaison eu
> ieu, alors que le i
français (dans "dieu, fief, fiel, mien..." s'expliquerait par la diphtongaison
romane spontanée (IPHAF:31), bien plus ancienne.
Le français "mien" est la forme tonique de mĕŭm et a conservé l'équivalent du -m final (type monosyllabe, voir la partie 2. : amuïssement de -m) ; et en occitan : disparition du -m.
Voir ci-dessus diphtongue latine au conservée en occitan.
Voir ci-dessus diphtongaison romane.
Voir les détails dans l'évolution historique à : vocalisation de l.
latin
|
|
languedocien
|
|
provençal
|
|
français
|
al
(+ consonne) |
> |
/al/ |
/aʋ̯/ (dès Xe s.) |
/ó/ (XVIe siècle) |
||
cal(i)dum | cald | caud /aʋ̯/ | chaud /ó/ | |||
altrum | altre | autre
/aʋ̯/ |
autre /ó/ | |||
calceare
|
|
calçar
|
|
cauçar /óʋ̯/
|
|
chausser /ó/
|
Tableau ci-dessus. Vocalisation du l devant consonne en provençal,
créant une diphtongue qui a été réduite en français (mais
l'ancienne prononciation est conservée à l'écrit).
Derrière [
Après [(t)s], [r], il semble que le même phénomène se soit parfois produit (ci-dessous chacier, recincier > chasser, rincer), (*exclariare > esclairier > éclairer)
Voir -ārĭŭs > -ier ("Diphtongaison romane").
*dŏmĭnĭārĭŭm > a.fr. dangier > "danger"
a.fr. estrange + -ier > a.fr. estrangier > "étranger"
*lĕvĭāriŭm > a.fr. legier > "léger" (pr leugier [lówdjyé] est bien conservé avec [-yé])
*vervecarius > berbicarius > a.fr. bergier > "berger"
vĭrĭdĭārĭŭm > a.fr. vergier > "verger"
...
Dans
Le groupe -ié- issu de l'effet Bartsch ne concerne par nature que le français (et le franco-provençal).
cārŭm > a.fr. chier > "cher"
a.fr. chièvre > "chèvre"
(Je recense les cas ci-dessous car ils contredisent apparemment la théorie de la métathèse de PH-2020:370-373 : [r, s ou ts] + yod)
Terminaison -ier de l'infinitif :
abbreviare > a.fr. abregier > abréger
*acutiare > a.fr. aiguisier > aiguiser
cambiare > a.fr. changier > changer
*coacticare > a.fr. cachier > cacher
*captiare a.fr. chacier > chasser
circare > a.fr. cherchier > chercher
*directiare > drecier > dresser
*stakka → a.fr. estachier > attacher
manducare > a.fr. mangier > manger
*recentiare > a.fr. recincier > rincer, voir (AO) rezensar, rensar
La désinence -ier existait aussi dans :
calceare > chaucier > chausser
laqueare > lacier > lacer
basiare > baisier > baiser
*bassiare > baissier > baisser
laxare > laissier > laisser
*pissiare > pissier > pisser
...
Mais non dans :
causari > causare > choser (et "causer", emprunt)
cessare > cesser
lassare > lasser
quassare > casser
*passare > passer
*rasare > raser
...
Dans l'évolution du latin de Gaule, de nombreuses
En français (IPHAF:124), elles ont toutes été réduites en
diphtongues ("nuit", "mieux"), ou bien elles sont été
En occitan, elles ont en
général été soit conservées (buòu),
soit réduites en
En français, l'ancienne
diphtongue iei a en général
été
ecclĕsĭăm
> *eglieisa > "église" (diphtongaison
conditionnée par s') ;
prĕcăt
> *prieie > "(il) prie" (diphtongaison spontanée) ;
Certains dialectes de l'Ouest montrent iei > è : voir carte ALF "cerise" : [srèːj] notamment dans 53, 61.
On peut proposer l'évolution ièi > èi (forme encore présente) > è. Je pense qu'on peut faire le rapprochement avec les toponymes de types Savigné, Sévigné, bien que les zones géographiques de l'actuel [srèːj] et des toponymes de types Savigné ne coïncident pas exactement, et bien que è n'est pas é. Voir ci-dessus Savigné.
Il faut remarquer que l'aboutissement è
existe aussi dans les dialectes de
l'Est : types srèː
En occitan, la triphtongue iei est tantôt conservée (cerièisa "cerise", sièis "six"), tantôt réduite en diphtongue (glèisa "église").
Ce cas ne concerne que le français. Les
Type cērăm > "cire"
Voir ci-dessus cērăm > cire (ci-dessus).
Il y a probablement eu vers le VIe siècle : */
Type Săbīnĭācŭm > Savigny
Type occidental : Săbīnĭācŭm > Savigné, Sévigné
Dans certains dialectes de l'Ouest, les toponymes en -ĭācŭm aboutissent en des formes en -é. Voir ci-dessus Savigné.
En français, on retrouve la monophtongaison iei
> i (nom pĕjŏr /péyyór/
> *pieire > "pire"), mais
il me semble que cela se réalise essentiellement quand r
est suivi de voyelle.
En français comme en occitan, quand r est devenu final (pour les masculins, au moment des apocopes), ou quand il est suivi de consonne, dans ieir devient facilement ier.
Aspect phonétique : ce i ne semble pas pouvoir s'assimiler à un r battu (roulé) final, donc c'est probablement un amuïssement par simplification (le groupe -ieir étant assez difficile à prononcer).
Par exemple :
- pour le français : ĭntĕgrŭm > *entieir > "entier" ; dans les féminins, ce i aurait été intégré dans l'évolution iei > i, par exemple ĭntĕgrăm > *entieire > a.fr. "entire".
(PHF-f2:326) "À l'époque prélittéraire, il a dû
exister une alternance entre les masculins entier,
premier et les féminins entire,
premire. Elle n'existe pourtant plus dans les anciens textes.
Le féminin a été refait sur le masculin ; d'où entière,
première. L'inverse a pu aussi se produire. On trouve en
effet en
- pour l'occitan, on a eu le même type d'alternance masculin/féminin, mais sans simplification iei > i au féminin :
ĭntĕgrŭm
> *entieir > AO entier
;
ĭntĕgrăm > AO entieira (voir les citations dans LR 2:564a, qui montrent nettement une alternance masculin entier / féminin entieira ou enteira).
Voici les situations qui montrent cet amuïssement du second i
en occitan :
- diphtongaison devant r palatalisé (avec -ier, mestier, mostier, tiera, mais fr. "tire"), voir notamment r + ĭ, ĕ en hiatus parvenu en position finale en occitan : -ātōrĭŭ > */-adóiró/ > -ador ;
- diphtongaison devant yod issu de dr, gr ;
- "tiers".
Voir schéma
d'évolution
de uò (ce schéma
concerne la descendance de ŏ
tonique libre, mais il peut expliquer aussi en partie l'évolution de ŏ dans la diphtongaison
conditionnée).
Par exemple dans nŏctĕm > "nuit", l'évolution est ʋoi > ʋei > ʋi > ui > üi.
(à continuer)
Le i diphtongal de transition
est par exemple le i dans baisar (bāsĭārĕ
> baisar). Son apparition est liée aux palatalisations, voir
la partie 2 : i diphtongal de transition.
Dans certaines situations, il apparaît en français, mais pas en occitan.
Remarque : Les paragraphes ci-dessous restent hélas descriptifs. Ils dégagent des différences entre l'occitan et le français, mais je ne sais pas expliquer leur origine. Les deux possibilittés sont :
- Un mécanisme phonétique différent dans le nord et dans le sud de la
Gaule ;
- Un effacement conscient du i diphtongal, de la part des des lettrés des premiers siècles après J.-C., qui auraient souhaité effacer un trait phonétique populaire leur semblant trop éloigné du latin. Voir ci-dessus superstrat.
Il faut remarquer qu'une fois encore, ce trait maintient l'occitan plus
proche du latin (surtout le sud-occitan), contrairement au français qui
s'en éloigne. Par exemple AO CSS
/radzó/ "raison" est
plus proche du latin rătĭō que
/rai̯dzó/.
(premières palatalisations)
Voir dans la partie 2 : évolution
de
t + ĭ,
ĕ en hiatus. Voir notamment étude
de
i diphtongal devant tĭ,
tĕ + voyelle.
Dans certains mots avec t + ĭ en hiatus, le i diphtongal n'apparaît pas en
occitan mais il apparaît toujours en français.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
prĕtĭu(m) | pretz | *prieits > prix |
||
pŭtĕus | potz | puits |
||
rătĭōnĕ(m) | rason |
raison |
||
sătĭōnĕ(m) | sason |
saison |
||
Ūcĕtĭăs | Usètz "Uzès" | |||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant t demi-palatalisé, absente en occitan mais présente en français. La graphie du français conserve la prononciation de l'ancien français.
(troisièmes palatalisations)
Voir dans la partie 2 : troisièmes
palatalisations (où le tableau est plus complet).
Pour ke, ki (e,
i non en
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
|
|
/z/ (-/s/, -/ts/) |
|
(a.fr.) /i̯z/ (-/i̯ts/) |
|
|
|
|
|
*ăvĭcĕllŭm > aucĕllŭ(m) |
auzèu (1) |
oiseau |
||
crŭcĕ(m) |
crotz |
croix |
||
dĕcĕ(m) |
dètz |
/di̯èi̯tsé/
>
dix |
||
jăcērĕ | (g) jàser |
*/djai̯zir/
gésir
(2) |
||
*lūcīre | lusir |
a.fr. luisir
"luire" |
||
pācĕ(m) |
patz |
paix |
||
plăcērĕ | plaser |
plaisir |
||
răcēmŭ(m) > răcīmŭ(m) |
rasim |
raisin |
||
vōcĕ(m) |
votz |
voix |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant k palatalisé, absente en occitan mais présente en français. La graphie du français conserve la prononciation de l'ancien français.
(1) Pour *ăvĭcĕllŭm >
aucĕllŭm, les variantes occitanes avec c
(aucèu) montrent un blocage
de la sonorisation ; voir étude des descendants
de aucĕllŭm.
(2) Pour jăcērĕ > /djai̯zir/ > (loi de Bartsch) */djéi̯zir/ > /jézir/.
Cette notion est développée par F. de La Chaussée (
Origine de /ñ/ implosif :
La palatalisation du n ( >
/
- La position
En français, le i diphtongal
n'apparaît bien qu'en position
- toujours "araigne", "châtaigne", "montaigne" alors que "châstagne", "aragne" sont largement attestés, et bien sûr "montagne" (voir le problème de montaigne) ;
- Bŭrgŭndĭăm,
grŭndĭăt,
rĕtŭndĭăt, vĕrēcŭndĭă >
- La position
- La position
n. grandĭŏr
>
Dans chaque domaine ci-dessous, des analogies
ont certainement exercé leur effet, notamment pour les verbes en -ngĕrĕ.
Selon RLHI:90, dans l'évolution de ŏlĕŭm
"huile", /
ŏlĕŭm
> */òlyu/ > */ò
Cependant les auteurs n'expliquent pas l'absence de diphtongaison romane ; on aurait le même aboutissement que "œil" (< ŏc(ŭ)lŭm).
Je pense que ce mot français a subi une influence savante, comme
l'occitan òli (terminaison
Voir dans la partie 2 : évolution de n + ĭ, ĕ en hiatus.
L'évolution de n + ĭ,
ĕ en
C'est bien en fin de mot que i
diphtongal apparaît en français, car dans le cas contraire, on aurait
toujours "araigne", "châtaigne", "montaigne" alors que "châtagne",
"aragne" sont largement attestés, et bien sûr "montagne" (voir le problème
de
montaigne).
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
n
+ ĭ, ĕ + ăm, ŭm |
-nh |
-in |
||
banh |
bain |
|||
besonh |
besoin | |||
companh |
( |
|||
cŏtōnĕŭ(m) |
codonh |
coing
(-ng) |
||
cŭnĕŭ(m) |
AO
c |
coin |
||
grŭnĭŭ(m) |
gronh |
groin |
||
- |
||||
jūnĭŭ(m) |
junh |
juin |
||
*mŭnnĭo- |
AO
m |
a.fr. moing
> moignon |
||
sŏ(m)nĭŭ(m)
(?) |
AO
s |
soin |
||
testimōnĭŭ(m) |
tesmonh (5) |
témoin |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant ñ < n + ĭ, ĕ en hiatus, devenu implosif, absente en occitan mais présente en français. La graphie du français conserve la prononciation de l'ancien français.
(1) *bisunnju est un emprunt à l'a.b.fr. *bisun(n)i "soin, besoin".
(2) Le nominatif compānĭō survit dans (
Par ailleurs, le i diphtongal
du français dans "copain" s'explique ici par l'apparition du /ñ/
implosif, alors que dans "pain"
(3) Pour
(4) Aussi en (OA) (l) sonh ; pour (pr) suenh, il s'agit peut-être d'une forme de diphtongaison conditionnée (?), à étudier. L'étymologie de "soin" n'est pas claire.
(5) Aussi testimòni par la voie savante.
Voir dans la partie 2 : évolution de n + ĭ, ĕ en hiatus.
L'évolution de nd + ĭ,
ĕ en
C'est bien en fin de mot (ou en position préconsonantique) que ce i diphtongal apparaît en français,
car dans le cas contraire, on aurait eu l'évolution : Bŭrgŭndĭăm,
grŭndĭăt, rĕtŭndĭăt, vĕrēcŭndĭă >
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
nd
+ ĭ, ĕ + ăm, ŭm |
-nh |
-in |
||
*Bŭrgŭndĭŭm |
fr.pr. "Bourgoin" (38) | |||
? |
a.fr. CS graindre "plus grand" (1) | |||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant ñ < nd + ĭ, ĕ en hiatus, devenu implosif, absente en occitan mais présente en français. La graphie de l'ancien français témoigne de la diphtongaison /ai̯/.
(1) L'a.fr. graindre contient un d épenthique, voir graindre (d épenthique).
Voir dans la partie 2 : cas
de ntĭ, ntĕ (premières
palatalisations).
Dans l'histoire de -nt- + ĭ, ĕ,
un /
À ce jour, je ne connais qu'un seul mot dans ce cas :
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
nt + ĭ, ĕ + ăm, ŭm |
-nt- |
-in- |
||
*antĭŭs |
(AO)
ants |
(a.fr.) aints | ||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de
i diphtongal devant ñt < -nt- +
ĭ, ĕ en hiatus, en finale, absente en occitan mais présente
en français. Ce cas explique la différence en début de mot
entre (pr) ansin
et (fr.) "ainsi".
Voir dans la partie 2 : évolution
de
-nct-.
Au cours de l'évolution de -nct-,
on obtient -ñt- donc un ñ toujours
Dans ces cas aussi, un i diphtongal apparaît en français, mais pas en occitan.
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
-nct- |
-nt- |
-int- |
||
(AO)
? |
peintre |
|||
pĭnctŭ(m) |
pench |
peint |
||
*pĭnctūră(m) |
(AO)
penchura |
peinture |
||
planctŭ(m) |
planch |
plaint |
||
pŭnctŭ(m) |
ponch |
point |
||
sanctŭ(m) | sant (AO sanch) |
saint |
||
tĭnctŭ(m) | tench |
teint |
||
tĭnctūră(m) | tenchura |
teinture |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant ñ < -nct- , devenu implosif, absente en occitan mais présente en français.
Voir dans la partie 2 : évolution
de
n vélaire (-ng-,
-nc-, -gn-)
(deuxièmes palatalisations).
D'après ce qu'on peut constater (voir palatalisation
de
-nge-, -ngi-), pour les
verbes concernés, le /ñ/ devient
En français et en dialecte provençal, le /
Dans le tableau ci-dessous, on donne quelques mots concernés ; la totalité est donnée dans le tableau de la partie "Du latin au provençal 2".
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
-ng- |
-nh- |
in(d) |
||
cĭngĕrĕ |
cénher |
ceindre |
||
longē |
AO
l |
loin |
||
plangĕrĕ |
plànher |
plaindre |
||
pungĕrĕ |
pónher |
poindre |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant ñ < -ng-, devenu implosif, absente en occitan mais présente en français. Voir la totalité des mots concernés dans le tableau de la partie "Du latin au provençal 2". La graphie du français conserve la prononciation de l'ancien français.
(1) pour longē, AO luenh,
comme a.fr. luinz
montrent probablement une diphtongaison
conditionnée
par nh.
Voir dans la partie 2 : évolution de -nce-, -nci-.
À ma connaissance, un seul mot est concerné (avec ses formes
conjuguées) : vĭncĕrĕ
"vaincre", vĭncĭt "il vainc".
Il existe aussi sans doute des noms propres. Au cours de l'évolution de
-nce-, -nci, on obtient /
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
-nc- |
-ns- |
-int- |
||
vĭncĕrĕ |
venser |
veintre
(>
vaincre) |
||
vĭncĭt |
vens |
veint |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant ñ < -ng-, devenu implosif, absente en occitan mais présente en français. La graphie du français conserve la prononciation de l'ancien français.
Voir dans la partie 2 : évolution de -gn-.
En français comme en occitan, l'évolution de -gn-
mène à /
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
-gn- |
-nh |
-in |
||
pŭgnŭ(m) |
ponh |
poing (-ng) | ||
sĭgnŭm |
senh |
seing (-ng) | ||
stagnŭ(m) |
estanh |
étain |
||
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Cas d'apparition de i diphtongal devant ñ devenu implosif, absente en occitan mais présente en français.
Constat sur les voyelles nasales
actuelles
En occitan, les voyelles nasales sont restées à un stade ancien dans
lequel elles sont seulement partiellement nasalisées. En français, elles
sont devenues complètement nasalisées. En effet en occitan, elles
"conservent très généralement le timbre de la voyelle orale
correspondante" (LO:24).
Cela signifie que an, in, on, un
sont prononcés avec un très fort accent du sud : certes on a besoin de
faire sortir de l'air par les fosses nasales pour les prononcer, mais on
entend quand même nettement a, i, o ou u en début de voyelle. C'est ce
qui donne sans doute le trait le plus caractéristique de l'accent
méridional.
Après le timbre de la voyelle nasalisée, on admet qu'on entend
légèrement un
Action
nasalisante de m et n
au cours de l'histoire
En français, c'est à partir du XIe siècle que les
En position intervocalique, les voyelles françaises se sont nasalisées puis dénasalisées :
/bòn
La dénasalisation n'affecte que ces voyelles nasales devant m, n, gn intervocaliques. Cette dénasalisation a commencé
a commencé
Pour le français :
bŏnă(m) "bonne" |
|
|
|
(diphtongaison romane) */b |
|
> (VIe siècle : -a
> -ə) */b |
→ buona Eulalie ( |
> (ʋò̯ > ò) */bòn |
|
> (XIIe
siècle : nasalisation) */b |
→ a.fr. bonne (graphie indiquant la nasalisation) |
> (à partir du | |
|
→ a.fr. meitie |
→ "moitié" |
La graphie française conserve la trace de la nasalisation par exemple
dans "bonne" (< lat
bŏnă), qui était prononcé *[bò̃n
Parmi les mots français qui conservent cette mémoire de la nasalisation dans la graphie, on peut citer :
bonne, comme, couronne, femme, flamme, pomme... patr Boulongne.
(IPHAF:137) "Les graphies femme, pomme, bonne, représentent le stade précédant la dénasalisation".
(PHF-p:205)
Par rapport au français, le provençal utilise un plus grand nombre de
voyelles nasales (faiblement
nasalisées) : ã, é̃, è̃, ĩ, ò̃, ʋ̃, ũ, (ẽ, õ, ó̃, œ̃).
Cela est dû au fait que le provençal (encore plus que les dialectes à l'ouest du Rhône, voir ci-dessous) reflète encore fidèlement les sept voyelles du système vocalique du latin tardif, alors que le français a simplifié ce système pour utiliser aujourd'hui seulement quatre voyelles nasales.
En effet en
français s'est manifestée l'influence
ouvrante de la
Pour l'occitan : l'est et l'ouest du
Rhône : Le provençal et le vivaro-alpin (rive orientale du
Rhône) sont plus conservateurs que les autres dialectes, car on y
distingue encore /é̃/ et /è̃/ (GIPPM-1:155 et:156). En effet, dans
les dialectes à l'ouest du Rhône, le e
s'est fermé dans tous les cas devant consonne nasale implosive (n
ou m). Voir è devant nasale implosive. Le
cas est semblable pour ò devant nasale implosive.
Le résultat général est illustré dans les tableaux ci-dessous. Ces
tableaux ne présentent que les voyelles
LPT1
|
|
XIe siècle
|
|
XIIe siècle
|
|
XIIIe siècle
|
|
XVIe siècle
|
|
an |
> |
ãn
>
|
ɑ̃n | > |
> |
||||
èn |
> |
ẽn > |
|||||||
én |
> |
||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
òn |
> |
õn | > |
õ | |||||
ón |
> |
||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
in
|
|
>
|
|
>
|
|
ĩ
|
>
|
è̃
|
|
un |
> |
> |
ũ |
> |
œ̃ | ||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus. Nasalisations des
voyelles latines en français. À partir des sept voyelles du
latin tardif, quatre voyelles nasales sont obtenues (voyelles
LPT1
|
|
|
|
|
|
|
|
|
provençal
|
an |
> |
ã |
|||||||
èn |
> |
è̃ |
|||||||
én |
> |
é̃ |
|||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
òn |
> |
ò̃ |
|||||||
ón |
> |
(1) |
ʋ̃ |
||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
in
|
|
|
|
|
>
|
|
|
|
ĩ
|
un |
> |
(1) |
ũ |
Tableau ci-dessus. Nasalisations des
voyelles latines en occitan. Les voyelles latines sont bien
conservées au cours de la nasalisation : à partir des sept voyelles du
latin tardif, sept voyelles nasalisées sont obtenues (voyelles
(1) ó du LPT1 évolue
en /
Exemples :
latin
|
|
LPT1
|
|
provençal
|
|
français
|
căntăt |
cantat |
canta /ã |
chante
/ |
|||
tĕmpŭs |
tèmpus |
tèmps /è̃ |
temps / |
|||
sĭmŭlăt |
|
sémbla |
|
sembla /é̃ |
|
semble / |
|
|
|
|
|
|
|
cŏmĭtĕ(m) |
còmte |
còmte /ò̃ |
comte
/ |
|||
fŭndŭ(m) |
|
fóndu |
|
fons /ʋ̃ |
|
fond / |
|
|
|
|
|
|
|
vīnŭ(m)
|
|
vinu
|
|
vin
/ĩ
|
|
vin /
|
ūnŭ(m) |
unu |
un /ũ |
un
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Tableau ci-dessus. Exemples comparés des nasalisations de mots en provençal et en français, selon le cadre des deux tableaux situés au dessus. Le provençal conserve les sept voyelles du latin tardif dans la nasalisation, alors que le francais en modifie plusieurs. Cependant, le français conserve les voyelles latines dans la graphie (mais sans distinguer é/è, ó/ò).
(et partiellement dans les dialectes occitans à l'ouest du Rhône)
Pour des raisons d'articulation, les consonnes nasales m
et n ont une action fermante
sur la voyelle qui les précède (
a. L'évolution qui prolonge la diphtongaison de a tonique libre en français : ae̯ > ai̯ (dès le protofrançais, c'est-à-dire au VIIIe siècle) :
ămăt > ae̯mat > ai̯met
> aime /èm/
lānă(m) > lae̯na > lai̯ne > laine /lèn/
Cette évolution a dû contribuer à former le digramme
ai en français.
b. La fermeture ancienne de è et ò devant nasale implosive dans les dialectes occitans occidentaux (temps, comte contre tèmps, còmte en provençal).
Remarquons qu'il n'y a pas contradiction entre cette influence fermante et l'influence ouvrante de la nasalisation, qui a lieu plus tard (et qui n'affecte que le français, au moment des nasalisations).
La règle de la fermeture
des voyelles atones, apparue en latin tardif, se perpétue en
occitan, menant notamment à l'alternance vocalique (par exemple : portar [p
Au contraire, le français s'est affranchi de cette loi ("porter" [pòrté] / "il porte" [pòrt]).
Quelques verbes français présentent une alternance vocalique : mener/mène, céder/cède, voir Formes d'alternance vocalique en français.
L'occitan comme le français ont suivi la fermeture
ó
> ʋ. Aux XVIe et XVIIe siècles, en
français pour les ó prétoniques,
une réaction de grammairiens surnommés non-ouistes
a réussi à imposer le maintien de ó dans certains mots français :
"arroser", "fromage", "soleil"... Cette réaction n'a pas eu lieu en
domaine occitan : arrosar, fromage,
soleu sont toujours prononcés avec /
La francisation de nombreux noms de lieux occitans a suivi le même
modèle : Lodève (Lodeva), Rodez
(Rodés), Rognonas (Ronhonàs),
Orgon (Orgon), Bonnieux (Bonieus), Collias (Colhiàs).
Mais Courthézon (Corteson),
Roussillon (Rossilhon), Boulbon
(Borbon) ont conservé le "ou"
de l'occitan.
Voir Tendances
générales
de l'occitan par rapport au français (pour les proparoxytons).
À une période reculée mais imprécise ("pré-occitan"), un nouveau
système verbal est apparu et s'est développé dans le domaine occitan et
catalan : le système vélaire (PR*[w](vélaire
signifie qu'une consonne est articulée avec le voile du palais,
c'est-à-dire à l'arrière du palais : ici les sons [g] et [k]). Ce
système est aussi appelé modèle PyTA,
de l'espagnol pretérito y tiempos
affines "prétérit et temps affines" (EMCVI).
Les représentants actuels de ce système verbal sont très nombreux ; ils sont en [g] et en [sk] :
aguèt "il
eut", fuguèt
"il fut", posquèt
"il put", visquèt
"il vecut", qu'ague
"qu'il ait", agut
"eu", aguer
"avoir", etc.
Le sujet est développé à Système
verbal vélaire.
Le français conserve t final
latin à la
En latin tardif, la tournure prépositionnelle remplaça de plus en plus
la tournure casuelle ; on peut observer quelques différences dans cette
évolution entre le nord et le sud de la Gaule.
Préposition de
- Article partitif
fr.
de + article = oc. de
d'aiga = de l'eau
de pan = du pain
de faiòus = des haricots (de ce panier)
L'article partitif est de
en occitan, mais " du, de la, de l' " en français, voir l'onglet
"Étymologie" de de. Apparemment dès les
débuts de la langue, oc. de = fr.
de + article.
Cela est en continuité avec l'article indéfini pluriel : de en occitan, mais "des" en français.
- Génitif de possession (voir l'onglet "Étymologie" de de).
Il est à
moi = Es
de ieu
L'emploi en latin tardif de la préposition ad
> "la fille au roi" est typique du domaine d'oïl. En occitan, seule
la préposition de fut utilisée
> la filha dau rei. D'où la
différence :
À qui est ce livre ? = De cu es aqueu libre ?
Ce livre est à moi = Aqueu
libre es de ieu / es mieu.