J'utilise le vocable "deuxièmes palatalisations", conformément à la
terminologie de IPHAF:180 (l'auteur emploie "secondes
palatalisations"). Les deuxièmes palatalisations commenceraient à la fin
du IIe siècle.
Les consonnes c et g
suivies de e, i se trouvent en
En
/g/ évolue en /dj/ ou /dz/ selon les régions :
(
(
(/dj/ est souvent choisi dans la "norme",
mais de façon très discutable, voir réflexion
ci-dessous)
Lorsque l'étudiant en latin apprend que cĕntŭm "cent" se
prononçait avec /k/, il ne peut qu'être surpris : comment /k/ latin
a-t-il pu évoluer en /s/ actuel ? En français comme en occitan actuels,
le résultat est le même : cĕntŭm /ként
Le scénario très détaillé ci-dessous provient de IPHAF ; il faut remarquer
que l'
Étape 1 : Palatalisation
Dans une première étape, vers la fin du du IIe siècle ou au
début du IIIe siècle (voir datation IPHAF:180),
dans toute la
Cette palatalisation mène de /k/ à /
Note : le signe souscrit ̮ représente une palatalisation, c'est-à-dire que la consonne est prononcée avec la langue appliquée à un endroit du palais. De nos jours en langue d'oïl et d'oc, ces consonnes palatales ont disparu depuis longtemps.
PH-2020:227 : "La palatalisation consiste pour
l'agent palatal |I|,
qui est présent dans un segment (voyelle d'avant ou yod), à brancher sur
un segment voisin (consonne vélaire ou dentale), i.e. à s'y
introduire. Ainsi lors de la palatalisation romane le |I|
contenu dans le ī de vicīnu > voisin et le ē de
licēre > loisir branchera sur le k, le rendant palatal
: k + |I|
= [
Étape 2 : Basculement vers l'avant du palais
La palatalisation est suivie d'un basculement de la zone
d'articulation vers l'avant du palais, aboutissant respectivement
à t et d
palataux :
/k/ > /
/g/ > /
Cette dernière étape (/
Étape 3 : Assibilation et affrication
Puis très rapidement (début du IIIe siècle),
il y a assibilation
avec affrication
de la nouvelle consonne (IPHAF:81, 181, et je rajoute les variantes
dialectales /
/
/
Ensuite, à partir de la fin du VIe siècle, ces
/
Enfin vers l'an 1200, une désaffrication
(perte de la composante
Pour l'occitan :
/ts/ > /s/ ; /t
/dj/, /dz/ (en
général inchangés, voir gèns)
Pour le français (normé, hors dialectes) :
/ts/ > /s/ ("cendre")
/dj/ > /j/ ("gens")
Wilhelm Meyer-Lübke signale à juste titre que les sources épigraphiques ne sont pas d'utilité pour dater la palatalisation de C, puisque la tradition graphique conserve le C étymologique au long des siècles (ESRS:161 §145) :
(trad.all.) "Il est évident que le matériel épigraphique et manuscrit ne permet pas une détermination de l'âge : comme aujourd'hui dans le roum cerĭŭ, it cielo, fr "ciel", esp cielo, port ceo de coelum le e exprime un son complètement différent de celui de roum corn, it corno, fr "cor", esp cuerno, port corno, de cornu, cela peut déjà avoir été le cas au Ier ou au IIe siècle."
Voir aussi la partie suivante, notamment la translittération condīcere en κονδίτζερε (kondítzere).
Plusieurs linguistes pensaient logiquement que certains emprunts du germanique au latin s'étaient réalisés avant la palatalisation de CE, CI (type cĕllārĭŭm > Keller "Évolution de l'accent") (ces linguistes sont recensés dans PH-2020:229,2.b.).
De même les emprunts du gallois au latin LLHA:85 :
(trad.angl.) « Les mots gallois empruntés au latin (du premier au cinquième siècle) montrent que le c latin était dur dans toutes les positions, par exemple les mots gallois cwyr (latin cera ["cire"]), ciwdawd (latin civitatem ["cité"]) ».
Cependant, Wilhelm Meyer-Lübke (ESRS:161 §145) nuance cette pensée en commentant
les emprunts de l'allemand, du
(trad.all.)
« Même des formes comme a.h.all. kellari, ang-sax. keolor "Keller" ["cave,
cellier"] du latin cellarium ;
[1] L'auteur donne des translittérations
grecques de noms italiens du VIe siècle par
Voir le phénomène semblable pour le type normand et
picard kien "chien" < cănĕm, kièvre "chève"
< caprăm : dans ces idiomes romans, il y a eu sans doute une
palatalisation vers /
Une donnée grecque du Ve siècle
montre tout de même un stade
DERACVH:19 (trad.finn.) « En revanche, d'autres exemples sont connus dès le Ve siècle qui suggèrent que même alors, la voyelle /e/ avait déjà provoqué la palatalisation de la plosive précédente, par exemple condīcere κονδίτζερε (kondítzere) [l'auteur donne la source Bonioli, Maria 1962. La pronuncia del latino nelle scuole dall'antichità al rinascimento. Torino : 71, 19.]. »
De même pour l'allemand, dès que les mots empruntés au latin ont donné
z [ts] (type cepŭllă
→ Zwiebel "Évolution de l'accent"), le stade
Quatre grammairiens latins fournissent des éléments sur la prononciation de c latin. Les linguistes contemporains qui les ont étudiés sont souvent décevants car la traduction des propos latins est rarement donnée, et le raisonnement est peu étayé. Voir "Critique personnelle...". Je tente ci-dessous de reprendre les sources latines et leurs commentaires éparpillés dans la littérature philologique, et d'en faire l'analyse.
1. Ier siècle : Quintilien, De institutione oratoria, I, 7, 10) Nam K quidem in nullis verbis utendum puto, nisi quae significat, etiam ut sola ponatur. Hoc eo non omisi, quod quidam eam, quoties A sequatur necessariam credunt : quum sit C littera, quæ ad omnes vocales vim suam perferat.
"Quant au K, je crois qu'on ne doit jamais s'en servir, si ce n'est seul, car alors il a une signification. Je dis cela, parce qu'il y a des gens qui se persuadent que cette lettre est nécessaire toutes les fois qu'elle est suivie d'un A, comme si nous n'avions pas la lettre C, qui communique sa force à toutes les voyelles." (ŒCQ1:79).
Commentaire :
Elise Richter (BGR:83 §58) analyse cette déclaration ainsi : si Quintilien constate ce fait graphique à son époque, c'est justement qu'il semble que "les gens" (quidam) n'ont pas ressenti que c communiquait la même force à toutes les voyelles : (trad.all.) "Ils ont entendu une différence entre ca et ce et ont souhaité la retranscrire. C'est la première trace d'un changement dans le son c [...]."
Concernant la signification de K seul dont parle Quintilien, il était l'abréviation de Kalendæ, Calendæ, ou de Kæso, Cæso "Cæson, prénom des Fabius, des Quinctius, des Duilius" (DFL) (DFL:876).
2. IIIe siècle : Térencien (Terentianus Maurus), De litteris,194-198, 204-211.
Depuis longtemps, les latinistes se doutent que le passage de Térencien ci-dessous est corrompu, notamment pour 210-211 ; sa compréhension en est donc difficile. TM210 propose une correction pour 210 grâce au texte de Velius Longus ci-dessous ; les deux auteurs Térencien et Velius Longus se seraient en effet inspirés d'une source commune (à savoir Remmius Palaemon ?). 206 est également ambigu.
(GLTL:63 pour 204-211 : "Le texte latin de cet article me paraît altéré. Je l'ai traduit non pas tel qu'il est, mais tel que je l'ai supposé devoir être.")
[B et P...] | [Comparaison des lettres B et P...] |
194 Utrumque latus dentibus applicare linguam 195 C pressius urget ; dein hinc et hinc remittit, 196 quo vocis adhaerens sonus explicetur ore. |
(PGL:94, légèrement modifé, trad.angl.). 194-196 "C s'efforce de presser plus étroitement les deux côtés de la langue contre les dents, puis relâche la pression des deux côtés afin que le son de la voyelle suivante (ou "de la voix"?) puisse être produit dans la bouche. |
197 G porro retrorsum coit et sonum prioris 198 obtusius ipsi prope sufficit palato. |
197-198 G, d'autre part, provoque une fermeture plus en arrière, et fournit le son de la lettre précédente en plus émoussé, près du palais même." |
[D et T...] |
[Comparaison des lettres D et T...] |
204 K perspicuum est littera quod vacare possit, 205 et Q similis, namque eadem vis in utraque est. |
(GLTL:63) 204-205 "Il est évident que l'on peut se passer de la lettre K, et pareillement de la lettre Q ; car elles ont l'une et l'autre la même valeur [(la même force)]." |
206 quia qui locus est, primitus unde exoritur C, 207 quascumque deinceps libeat jugare voces, 208 mutare necesse est sonitum quidem supremum, 209 refert nihilum, K prior an Q siet an C. |
(TM210:40, trad.angl.) 206-209 "Quelle que soit la voyelle que vous ajoutiez au son C (c'est-à-dire, que vous utilisiez le nom CE ou KA ou QV), cela implique uniquement un changement du deuxième son, pas du premier." (GLLPS:49, trad.angl.) "Quelles que soient les
voyelles qu'il vous plaira de prononcer après avoir formé le
contact guttural pour C, vous devez modifier en
conséquence la dernière partie du son (c'est-à-dire la partie
voyelle de la syllabe CA, CU, CE, etc., mais il
importe peu que la première partie (c'est-à-dire la consonne)
soit K ou Q ou C. [Marius Victorinus
l'a dit avant lui, réf.]. Les deux, je pense, dans les mots supremum
sonitum (sonum) font référence non à l'ouverture des
organes par opposition à leur fermeture dans la prononciation
des occlusives, mais au nom des lettres, qui étaient les
symboles de leur prononciation."
(GLTL:63) "C'est la lettre Q qui
a donné naissance au C.
Quelles que soient les voyelles qu'on veuille
associer à ces lettres, et de quelque manière qu'on ait besoin
de changer le son final de la syllabe, il est indifférent de
se servir du K, du Q ou du C (...)".
|
210 aut G quoque vel C simili parique lege 210 corrigé par TM210 : aut CI quoque vel CO simili parique lege 211 addi, quasi desit, numero potest priorum. |
210 corrigé et 211 (TM210:41, trad.angl.) "Autant utiliser les voyelles restantes, I et O, et ajouter à CE KA QV les lettres *CI et *CO." (je traduis quelques mots : simili parique lege "par une règle similaire et identique", addi potest "il peut être rajouté", quasi desit "sous prétexte qu'il manque") L'auteur Benedict Einarson donne le passage de Velius Longus ci-dessous pour justifier sa correction du texte latin, où ce dernier se demande (ironiquement ?) s'il ne faudrait pas créer d'autres lettres pour écrire Cicero et Commodus. En effet, le texte n'a pas de sens si l'on garde "aut G quoque vel C". |
3. IVe siècle : Marius Victorinus, Ars grammatica, Keil VI. p. 32-33 (texte et traduction in LOT)
C etiam et G, ut supra scriptae, sono proximae oris molimine nisuque dissentiunt. | "C et G également, comme elles ont été écrites ci dessus, ont des sonorités très voisines et se différencient par l'effort et l'appui de la bouche. |
Nam C reducta introrsum lingua hinc atque hinc molares urgens haerentem intra os sonum vocis excludit : G vim prioris pari linguae habitu palato suggerens lenius reddit. |
En effet C, tandis que la langue est ramenée vers l'intérieur, tout en pressant d'un côté et de l'autre les molaires, fait sortir un son vocalique qui s'accroche à l'intérieur de la bouche ; le G exprime avec plus de douceur la puissance qu'il y a dans le C, avec un même positionnement de la langue, placée sous le palais. |
[D et T...] |
[Comparaison des lettres D et T...] |
K et Q supervacue numero litterarum inseri doctorum plerique contendunt, scilicet quod C littera harum officium possit implere. |
La plupart des savants discutent sur le fait que K et Q sont inutilement comptés au nombre des lettres, tout simplement parce que la lettre C peut remplir leur fonction. |
Nam muta et otiosa parte, qua C incipit, pro qualitate conjunctae sibi vocis supremum exprimit sonum. |
En effet, du fait de la partie muette et inutile, qui commence le C, cette lettre, selon la qualité de la voyelle qui se combine à elle, exprime la plus haute sonorité. |
[Non] nihil tamen interest, utra earum prior sit, C seu Q sive K. |
Toutefois il n'importe nullement de savoir à quelle lettre accorder la primauté entre C, Q, ou K. |
Quarum utramque exprimi faucibus, alteram distento, alteram producto rictu manifestum est. |
Il est évident que les unes et les autres sont gutturales, l'ouverture de la bouche étant large pour l'une, avancée pour l'autre." |
4. IIe siècle : Velius Longus, De orthographia, IV.6.1-2, texte et traduction VLDO:8-9, 35-36, trad.it.. Je présente ce passage car il sert notamment de référence pour la correction à Térencien ci-dessus.
[IV.6.1] Hinc supersunt ex mutis K et C et Q, de quibus quaeritur an scribentibus sint necessariae. | [IV.6.1]
Ainsi, parmi les muettes [( |
[IV.6.2] Et qui K expellunt, notam dicunt esse magis quam litteram, qua significamus ‘kalumniam’, ‘kaput’, ‘kalendas’ ; hac eadem nomen ‘Kaeso’ notatur. |
[IV.6.2] Et ceux qui excluent le K soutiennent qu'il s'agit plus d'un signe que d'une lettre, avec lequel on transcrit kalumnia, kaput, kalendae ; avec cette même lettre on abrège le nom Kaeso. |
Non magis igitur in numero litterarum esse oportere quam illam notam qua ‘centuria’ et qua [c conversum quo] ‘Gaia’ significatur. |
Ils soutiennent donc qu'il n'est pas plus approprié de l'inclure aux lettres que le signe avec lequel on indique centuria [c'est-à-dire C, |
Quod notae genus videmus in monumentis, cum quis libertus mulieris ostenditur : ‘Gaias’ enim generaliter a specie omnes mulieres accipere voluerunt. |
On voit ce genre de signe sur les monuments épigraphiques pour signaler une femme affranchie : les anciens voulurent en fait que toutes les femmes en général, à partir d'un cas précis, prissent le nom de Gaia. |
At qui illam [c'est-à-dire K TM210] esse litteram defendunt, necessariam putant iis nominibus quae cum A sonante [ou sequente TM210] ha[n]c littera[m] inchoant. |
À l'opposé, ceux qui défendent le fait que K soit une lettre, croient qu'il est nécessaire de l'utiliser dans les noms qui commencent par la lettre K quand celle-ci résonne avec le A [est suivie de A, |
Unde etiam religiosi quidam epistulis subscribunt ‘karissime’per K et A. |
De là, certains "très fidèles" signent également les épîtres avec 'karissime', avec K et A. |
Quod si ideo necessaria vide[n]tur, verendum est ne et alias litteras requiramus, quibus aut ‘Cicero’ scribatur aut ‘Commodus’. |
Et si cela s'avérait nécessaire, nous devons craindre d'avoir également besoin d'autres lettres avec lesquelles écrire 'Cicero' ou 'Commodus'. |
Commentaires et analyse (2, 3, 4 ci-dessus) :
L'interprétation des passages ci-dessus est assez complexe, mais il
est clair que Térencien et Marius Victorinus, décrivent l'articulation
de C non comme une
La situation est semblable pour G : il est décrit non comme
une vélaire (/g/), mais comme une palatale, à savoir peut-être /
Enfin, il faut noter le paradoxe qui apparaît dans les
phrases qui suivent : Térencien comme Marius Victorinus, contredisent leur première
affirmation en considérant que C, K et Q ont
la même valeur phonétique. Ce paradoxe pourrait s'expliquer par la
volonté de rester dans les schémas grammaticaux de la langue
classique, comme celui décrit ci-dessus par
Quintilien, et sans doute celui de sources plus anciennes. Ainsi ils
tenteraient d'harmoniser des schémas inconciliables : CE, CI
palatalisés à leur époque, et C invariablement
Wilhelm Meyer-Lübke propose une datation (peu étayée) de la palatalisation de C grâce aux descriptions de Térencien et Marius Victorinus (ESRS:163 §146) :
(trad.all.) "Le second [Marius Victorinus] dit de façon similaire, que c reducta introrsum lingua hinc atque hinc molares urgens haerentem intra os sonum vocis excludit et ajoute que c se prononce distento, et que k, au contraire, se prononce producto rictu. Si nous supposons maintenant que le grammairien prononce c comme ce, k comme ca, nous constatons une prononciation différente, et pour ce une description qui correspond déjà à un k' assez avancé. Si, semble-t-il, les deux propos remontent à une source commune, alors on arriverait au milieu du IIIe siècle."
Pier Enea Guarnerio, 1891(ILGce-ci:35) interprète ci-dessous la
description phonétique de C par Térencien et par Marius Victorinus. Les "notions les plus
élémentaires sur l'articulation des palatales" ne sont pas très
claires ; "post-, médio-, prépalatale" ci-dessous doivent correspondre
au type /
(trad.it.)."Par ailleurs, il convient de noter que l'un et l'autre [Térencien et Marius Victorinus ci-dessus] rappellent, parmi les caractéristiques de l'articulation du C, la position de la langue contre les dents. Or, les notions les plus élémentaires sur l'articulation des palatales nous disent qu'en prononçant la post-palatale et la médiopalatale, la langue se replie vers le voile du palais et touche à peine les molaires avec ses marges latérales, tandis que la consonne dont la caractéristique est d'être articulée avec la langue appuyant fortement (« vicinus urget ») contre les molaires, est indubitablement la prépalatale ; de ce fait on doit penser que les paroles des deux grammairiens se rapportent à cette consonne. Si l'on considère alors que la position de la langue dans la prononciation du ḱ est quasiment identique à celle du k prépalatal, on pourrait aussi supposer qu'ils décrivaient l'articulation propre à l'explosive gutturale lorsqu'elle commence à perdre son caractère franc. Il est vrai que le texte qui suit semblerait concerner le C en général, sans distinguer la qualité de la voyelle jointe ; mais la dernière particularité sur la disposition de la bouche, alléguée par Victorinus, par laquelle il différencie C de K et Q, suggère raisonnablement qu'en articulant C, on entendait ce positionnement des organes buccaux qui est nécessaire à l'articulation de ce, c'est-à-dire de la syllabe à partir de laquelle le nom de la lettre est obtenu. On peut donc conclure que la description, quoique succincte, de Térencien et de Victorinus, permet de tenir comme certaine, depuis le IIIe siècle au moins, en latin d'école et de culture, la prononciation de CE CI comme prépalatale, peut-être même déjà affectée, et l'ensemble permet de penser qu'à un âge beaucoup plus ancien le latin vulgaire tendait, dans une variété davantage, dans une autre moins, à ce déplacement vers l'avant du contact, qui est la cause efficiente de toutes les diverses évolutions de C."
Les syllabes ce, ci sont toujours prononcées ke, ki en sarde. (à continuer : de La Chaussée).
Pour /ké/, /ki/ en
France (voir carte 210 ALF "cendre") :
- /s/
(environ les quatre cinquièmes de la France romane) ;
- /
- /f/, /
Suisse :
- (franco-provençal : voir carte 210 ALF "cendre") : /s/,
/f/, /
- romanche et italien tessinois : ... ?
Belgique (wallon : voir carte 210 ALF "cendre") :
- /s/, /
Italie :
- /t
- (ladin) : /t
- ... ?
Espagne :
- (castillan) majoritairement /
- /s/ en catalan ;
- ... ?
Portugais :
- /s/...
Pour /gé/, /gi/ en
argènt /ardzè̃ŋ/
Pour l'évolution de ge, gi en
Voir aussi diversité géographique des palatalisations (Bilan sur les palatalisations).
L'évolution qui mène par exemple de /ké/ à /sé/ est complexe, elle
passe nécessairement par plusieurs étapes. L'étude des aboutissements
occitans et français actuels amène aux constatations suivantes :
• Les deux aboutissements occitans souvent considérés comme "normés"
(/s/ et /dj/) présentent une double
hétérogénéité, comme s'il y avait un manque de logique. Par
comparaison, l'italien (toscan) apparaît homogène avec les évolutions
/k/ > /t
- l'évolution de /k/ présente une désaffrication
(/ts/ > /s/), alors que l'évolution de /g/ conserve le caractère
- L'évolution de /k/ mène à une
• Il existe des régions du domaine d'oc et du domaine d'oïl, où l'aboutissement de /k/ est une
• Il existe de très nombreuses régions du domaine d'oc où l'aboutissement
de /g/ est la
• La série des verbes latins en -lgĕrĕ, -rgĕrĕ montre des
aboutissements de /g/ latin très souvent en /z/ (désaffriqué
aujourd'hui). Le plus connu dans le vocabulaire provençal actuel est móuser /mówzé/
"traire". La carte ALF 1323 montre que mŭlgĕrĕ a donné la
forme móuser dans la majorité
du domaine d'oc depuis l'Italie jusque vers le Tarn-et-Garonne, la
Haute-Garonne. À partir de ces départements en allant vers l'ouest, la
forme móuger /m
(Voir GIPPM-2:203, 208, 474).
(GIPPM-2:203 : l'AO avait "accomodé" [dj] à r alvéolaire dans érzer, dérzer, borzés, à côté de borgés)
Conclusion
Ces disparités géographiques représentent sans doute, pour une bonne part, des choix selon des critères du "bien parler". Voir Explication de la diversité des palatalisations.
latin
|
|
occitan
|
/ke, ki/ ce-, ci- -rce-, -rci- |
> |
/s/ ce-, ci- -rce-, -rci- |
ăccĕndĕrĕ |
AO
acendre, accendre
"allumer" (1) |
|
ăcĕrbŭs |
a asèbre
"dur, âpre", aseure (FEW 24:100b) |
|
ăv(ĭ)cĕllŭ(m)
> aucĕllŭ(m)
(2) |
AO
aucèl, auzèl > aucèu ; auzèu... ; (d) augel,
usèu (bord)
audet "oiseau" (2) |
|
baccĭllŭ(m) |
bacèu (battoir) |
|
baccīnŭ(m) |
bacin "bassin" |
|
calcĕ(m) |
calç, cauç "chaux" |
|
carcĕrĕ(m) |
càrcer "prison, a.fr. cartre" |
|
cĕntŭ(m) |
cènt "cent" |
|
cervŭ(m) |
cèrv "cerf" |
|
cīvĭtātĕ(m) |
ciutat "cité" |
|
*Cŏlōnĭcĕllă(m) (3) | La Collancelle, 58 (La
Courancelle en niv)
(3) (à comparer avec Colonzèlas, 26) |
|
*dŏm(ĭ)n(ĭ)cĕllă(m) |
AO doncèla
"demoiselle" (à comparer avec donzèla) |
|
mĕrcēdĕ(m) |
mercé "merci" |
|
quinque
> cinque |
cinc "cinq" |
|
*Vīnĭcĕllăm > Vincella (3) |
|
fr
Vincelles (39, 51, 71,
89) (3) (à comparer avec Vinzèla "Vinzelles") |
|
|
|
/ge, gi/ |
> |
/dj/, /dz/ |
-lgĕre, -rgĕre (ci-dessous) |
-zer... | |
-nge- (ci-dessous) |
-nhe- | |
gĕntĕs |
gènts "gens" | |
argĕntŭ(m) |
argènt "argent" | |
gĭngīvă(m) |
gengiva "gencive" | |
gīrŭ(m)
(gȳrŭm) |
gir (AO), (girolha...) |
|
spargĕre |
AO espàrger | |
|
|
|
Tableau : la palatalisation des sons ke, ki, ge, gi en position forte (à l'initiale, ou après consonne, sauf s et n, cas traités ci-dessous).
(1) Pour ăccĕndĕrĕ > accendre
: (DOM)
"La variante en acc‑ n'est
peut‑être qu'une latinisation graphique."
(2) Pour aucĕllŭm, voir effet de la diphtongue au.
(3) Pour *Cŏlōnĭcĕllăm > La Courancelle, *Vīnĭcĕllăm
> Vincelles, la syncope s'est probablement réalisée avant
les sonorisations
; voir DENLF:725, TGF1:353, 396. Voir significations de *cŏlōnĭcĕllă,
*vīnĭcĕllă
(troisièmes palatalisations).
Schéma général : cc + e, i > /s/
(contrairement à la position de Jules Ronjat, ci-dessous)
Position de Jules Ronjat : cc + e, i
> /
GIPPM-2:18 (r.g.f.d.a.) "Dans cc
[1] En fait, la suite de
la phrase montre que J. Ronjat ne distingue pas
[2] Le caractère ć
est sans doute celui défini comme ḱ à GIPPM-1:111, à savoir API ɕ (son intermédiaire entre
Le premier exemple que l'auteur donne ci-dessus, graph.mistr. bouci(n), est un
contre-exemple de sa théorie : *boici(n) n'est pas prouvé, au
contraire de boci(n) < *bŭccīnŭm (DOM "bosin", FEW 1:586b). Le second exemple, Saissac
"Saissac" (11), a plutôt une
origine Saxiacum (Saxius, nom d'homme latin +
Position personnelle : cc + e, i > /s/
Les exemples que je recense prouvent que cc + e, i donnent /s/.
Il y a très probablement assimilation du
premier k au second au stade /
(Rajouter les mots germaniques de type a.b.fr. skĭna (x spīna) > lat esquina, "échine", PHF-f3:701-702)
Schéma général :
sc, sc
(devant e, i) > /
gascon : sc, sc
(devant e, i) > /
(voir gascon : sc, voir cartes ALF 1052 "poisson" < pĭscĕm, pĭscĭōnĕm, 362 "croître" < crēscĕrĕ, 317 "connaître" < cognōscĕrĕ, 1653 "paître" < pascĕrĕ)
Le cas est similaire à celui de s + kĭ, kĕ en hiatus
(premières palatalisations).
Détails :
La palatalisation de ce, ci après consonne (décrite ci-dessus) entraîne l'apparition de i devant s, voir i diphtongal de transition (vascĕllŭm > vaissèu) : cela signifie que s a été également palatalisé. On peut donc proposer, de manière parallèle à s + kĭ, kĕ en hiatus, le scénario ci-dessous (IPHAF:75).
Il y a eu désaffrication rapide car /s
sc
(devant e, i)
> (IIIe
siècle) /s
> /s
latin
|
|
occitan (hors gascon)
|
/sk/ (devant e, i) -sc- |
> |
/is/ -is- |
dēscĕndĕrĕ |
> |
AO
deissendre "descendre" |
fascĕ(m) |
> |
fais "faix" |
fĭscĕllă(m) |
> |
feissèla "faisselle" |
fŭscĭnă(m) |
> |
foissina "fouëne, fouine
(trident)" |
pĭscĕ(m) |
> |
peis "poisson" |
vascĕllŭm |
> |
vaissèu "vaisseau" |
*vĭndascīnŭm
(1) |
> |
venaissin "venaissin" (1) |
gascon |
||
/ -(i)sh- |
||
Auscii |
> |
Aush ou Aux
s.l.g. [aw |
fascĕm | > |
haish, hèsh... "faix" |
pĭscĕ(m) | > |
pèish, pèsh... "poisson" |
|
|
|
Tableau : la palatalisation de sce, sci (cas général).
(1) Pour *vĭndascīnŭm > venaissin ("Comtat venaissin"), la démonstration phonétique est apportée notamment dans LCV(EÉ). À l'appui de cette démonstration, Ch. Rostaing fournit les formes anciennes (ETP:291, note 5) : in pago Vendascino, année 739 (testament d'Abbon, Pard., II, p. 374), in comitatu Vendaxino (à corriger en Vendascino), année 1030 (Cartul.S.Vict-G1:297, n° 274) (in ETP:291, note 5). Voir aussi nd > nn.
Le suffixe verbal latin
Remarque 1 : appārēscĕrĕ (< adpārērĕ) a exercé une action analogique sur pārērĕ "paraître" pour donner pārēscĕrĕ (attesté au Ve siècle, CNRTL "paraître"). En AO une conjugaison inchoative (paréis "il paraît") fait ainsi concurrence à une conjugaison non inchoative (par "il paraît"), voir MEAO:85.
Remarque 2 : certains de ces verbes du latin classique ont été empruntés
(AO
adolecen "adolescent", fr
"arborescent", "effervescent", "évanescent", "marcescent"...), suffixe
scientifique multilangue
Remarque 3 : dans le latin
populaire d'Italie et de France, outre les verbes en
Remarque : la différence de traitement de
Dans le domaine d'oc, en général ces infinitifs subissent l'
-
Dans le domaine d'oïl, il y a aussi palatalisation avec l'apparition du i diphtongal, pour aboutir aux verbes de type "croître" :
-
Dans le détail, deux scénarios sont envisageables pour expliquer cette
évolution. Ils sont tous les deux possibles ; ils diffèrent selon la
date de la
- scénario 1 : t est d'origine étymologique
Selon PHF-f3:821, 827 (si je le comprends bien), et
également PHF-p:176-177 ; le t de "croître" est
d'origine étymologique : il apparaît à la faveur de la palatalisation de
c devant ĕ. (J'ai modifié le scénario de PHF-p, qui ne donne pas
crēscĕrĕ
/kréskéré/
> */k r é
s
> (palatalisation
régressive, signalé par PHF-f3:821 "Remarque") */k r é
> */k r é
> */k r é
i̯
> (syncope) */k r é i̯
> (
> (différenciation)
croistre
> (amuïssement
du
s devant consonne)
croître
Il faut remarquer que la diphtongaison
française de é ne peut
pas expliquer /é/ > /éi̯/ puisque é
est
- scénario 2 : t est d'origine épenthique
Si on prolonge l'évolution de sc
> /i̯
crēscĕrĕ /kréskéré/
> */k r é
i̯
> (syncope) */k r é i̯
> (épenthèse
de t entre sifflante et r) */kréi̯
> (
> (XIIe siècle et
suivants : évolution comme tēlă
à partir de l'étape /téi̯la/) croistre
> (XIIe siècle : amuïssement
du
s devant consonne, s supprimé à l'écrit en 1740)
croître
Yves Charles Morin soutient le second scénario (SADP:160), c'est-à-dire où t dans "croître" est épenthique. Cet
auteur considère les aboutissements de
Puis Y. Ch. Morin donne cette analyse diachronique : « On sait que les
suites romanes [-sc-] < -sce,i,-
sont régulièrement devenues [
Dans "croître" (< crēscĕrĕ), "connaître", "naître", "paître", le t est donc épenthique.
Par contre dans a.fr. veintre
"vaincre" (< vĭncĕrĕ) (étudié ci-dessous), a.fr.
cartre (< carcĕrĕm "prison"),
t
provient de l'évolution de c
latin. Celui-ci subit une
Il en est de même pour "plaindre" (< plangĕrĕ) (étudié ci-dessous),
"sourdre" (< sŭrgĕrĕ) : le
d provient de l'évolution de g latin qui subit une
latin
|
|
occitan / français
|
-scĕrĕ |
> |
oc -isser / fr -istre > -ître |
appārĕscĕrĕ | > |
aparèisser "apparaître" |
cognōscĕrĕ |
> |
conóisser, conèisser
"connaître" |
crēscĕrĕ |
> |
crèisser "croître" |
*extrĕmēscĕrĕ (1) | > |
estreméisser (rouerg) (sens ?) (1) |
nāscĕrĕ |
> |
nàisser "naître" |
pascĕrĕ |
> |
pàisser "paître" |
|
|
|
Tableau : exemples d'évolution de sce, sci
dans les verbes en -scĕrĕ.
(1)
Remarque : la différence de traitement de
(GIPPM-2:474)
En AO,
un groupe de verbes suit préférentiellement la
voie /dz/ > /z/ : les infinitifs en
mŭlgērĕ > mŭlgĕrĕ |
> |
oc. | l, r + -zer molzer > móuser "traire" |
fr. | l,
r + -dre moldre
"traire" |
Il faut que je propose un scénario pour l'évolution phonétique en
français, menant à
Quelques uns de ces verbes ont été réarrangés en latin vulgaire :
- L'infinitif
- Les infinitifs classiques ērĭgĕrĕ, pŏrrĭgĕrĕ
avaient l'accent sur ĭ, mais
l'emploi des formes conjuguées ērĭgō "je mets
droit"... a entraîné la chute de ĭ
par syncope ; ce qui s'est répercuté par analogie dans les infinitifs
> *ērgĕrĕ, *pŏrgĕrĕ.
En dehors des verbes, il faut signaler les accusatifs fŭlgŭr > *fŭlgŭrĕm,
également (
latin
|
|
occitan / français
|
> |
/zé/...
/ /dr/ |
|
dēr(ĭ)gĕrĕ |
AO
d |
|
ēr(ĭ)gĕrĕ |
AO
|
|
exsŭrgĕrĕ |
AO
eis |
|
fŭlgŭr > *fŭlgŭră(m) > *fŭlgĕră(m) | 38 fóusera "foudre" | |
fŭlgŭr > *fŭlgŭrĕ(m) > *fŭlgĕrĕ(m) | AO
f |
|
mŭlgĕrĕ |
AO
m a.fr. moldre, moudre (différent de moudre < mŏlĕrĕ) "traire" |
|
pŏrr(ĭ)gĕrĕ |
AO
p |
|
spargĕrĕ | AO esparzer (NTOP-2:173), esparger, esparser "répandre" | |
sŭrgĕrĕ | AO
s |
|
tergĕrĕ |
(AO)
t |
|
|
|
|
Tableau : évolution des verbes en -lgĕrĕ, -rgĕrĕ.
(1) Pour AO
d
(2) Pour móuser, móuger...
"traire", voir conservation
de /ó/ dans móuser, sóupre.
Voir juste ci-dessous palatalisation de n velaire.
Le n
- /ŋg/ dans angŭlŭs "angle" ;
- /ŋk/ dans vĭncĕrĕ "vaincre" ;
- /ŋn/ dans lĭgnŭm "bois" (pour ce dernier cas, il faudrait présenter ici l'évolution /gn/ > /ŋn/).
Remarque : en occitan, la nasalisation n'est qu'incomplète (lenga, enclaus) et on admet qu'on entend légèrement le n vélaire, voir nasalisation partielle en occitan.
Dans la deuxième moitié du IIe siècle après J.-C., il y a palatalisation de ge,
gi en position forte, qui entraîne elle-même la
palatalisation de /
-ng-
/
Àu stade, /
/
Le stade /
Cela concerne notamment une série de verbes latins en -ngĕrĕ
qui ont donné des verbes occitans en -nher
et des verbes français en -indre (craindre, joindre...). Mais aussi longē "loin".
INFINITIF : plangĕrĕ /pla
en français
: (voir comparaison de l'évolution de crēscĕrĕ et vĭncĕrĕ
ci-dessus)
début IIIe s.
en occitan
(pr, l) : (achèvement de l'assimilation
réciproque) */plaññéré/
> (simplification
des
géminées) */plañéré/
> (
(pour l'occitan ci-dessus, c'est ma
proposition)
Ici, la divergence oc / oïl à partir du début du IIIe siècle
est ainsi à relier à une résistance fréquente de l'occitan à la
Sur ce phénomène, voir évolution
des
proparoxytons latins. En Espagne et en Italie, la
Par ailleurs, en français comme en occitan, les phénomènes d'analogie se
sont sans doute réalisés, entraînant l'extension de la même
terminaison -indre ou -nher
à tous les infinitifs du même type.
PARTICIPE PRÉSENT : l'assimilation
réciproque n'est pas contrariée, elle se réalise en français comme
en occitan, menant à /ññ/ > /ñ/. En français, on a obtenu */plañẽnt/
> "plaignant" /pléñɑ̃/, par analogie sur les formes conjuguées. Ce
phénomène a sans doute été favorisé par la graphie ancienne -ign-
représentant /ñ/, voir ci-avant la discussion sur -ign-.
en français
: plangĕntĕ(m) /pla
en occitan
: plangĕntĕ(m) /pla
(pour l'occitan ci-dessus, c'est ma proposition)
(pour la terminaison -ant, -ènt, voir conservation des voyelles du latin tardif dans les nasales provençales).
INDICATIF PRÉSENT : "il plaint"
: l'assimilation
réciproque se réalise là aussi en français et en occitan. En
français, il y a
en français
: plangĭt /pla
(voir IPHAF pp. 72, 136, 137).
en occitan
: plangĭt /pla
(pour l'occitan ci-dessus, c'est ma proposition)
En conclusion, par cette voie, on obtient des mots – essentiellement
des verbes – en -nh-.
Le
- évolution du latin n + ĭ, ĕ en hiatus (vīnĕăm > vinha) ;
- évolution de nd + ĭ, ĕ en hiatus (vĕrēcŭndĭăm > vergonha).
- (il existe une quatrième voie ci-dessous : -gn- > -nh-).
Il faut noter qu'en italien et en espagnol, cette évolution n'a pas eu
lieu :
(esp) fingir,
plañir, constreñir
(pour ces deux derniers verbes, l'assimilation réciproque ng
> ñ s'est produite mais il y a eu déplacement de l'accent
tonique) ;
(it) fingere,
costringere, piangere.
En catalan, elle a parfois eu lieu : (cat)
constrènyer, plànyer, mais ungir, fingir,
(a.cat.) fengir.
Ainsi l'évolution -ng- > -ñ-
avec conservation de l'accent tonique latin est typique du domaine
occitan (et dans une moindre mesure, du domaine catalan).
Tableau : la palatalisation du son -nge-.
La démarche est tirée de IPHAF:72 qui concerne le français ; j'ai extrapolé pour l'occitan.
Ici, on montre l'aboutissement de vĭncĕrĕ
"vaincre" avec l'apparition d'un i diphtongal en français,
forcément lié à des palatalisations anciennes.
Dans ce cas encore, la palatalisation du n vélaire dépend de celle de la consonne suivante : c, donc elle ne se réalise que si c se trouve devant e ou i : voir ci-dessus palatalisation de ce, ci, ge, gi en position forte. On a donc :
-nc-
/
INDICATIF PRÉSENT : vĭncĭt "il vainc" :
en français
: */véñt̮ét/ > (début
IIIe s.) */véñ
(ci-dessus, F. de La Chaussée hésite sur le moment où est apparu le i diphtongal, mais la comparaison avec l'occitan ci-dessous, où il n'y a pas de i diphtongal, fait pencher plutôt pour */véñ͜tsét/, le i diphtongal ne serait apparu qu'au moment de la syncope pour le français)
en occitan
: */véñt̮é/ > (début
IIIe s.) */véñ
(pour l'occitan ci-dessus, c'est ma proposition)
INFINITIF : vĭncĕrĕ "vaincre" :
en français
(voir comparaison de l'évolution de crēscĕrĕ et vĭncĕrĕ
ci-dessus) : */véñt̮éré/
> (
en occitan
: */véñt̮éré/ > */véñ
(pour l'occitan ci-dessus, c'est ma proposition)
La démarche est tirée de IPHAF:71 qui concerne le français ; j'ai extrapolé pour l'occitan.
Comme en français, la prononciation latine de -gn-
/
-gn-
/
Ce cas est voisin de celui de -cl-,
où il y a assimilation réciproque de /k/ et de /l/ pour donner /
latin
|
|
occitan
|
gn
/ |
nh
/ñ/ |
|
agnĕllŭ(m) |
anhèu "agneau" |
|
dĭgnārĕ |
denhar "daigner" |
|
dĭgnĭtātĕm |
AO
denhtat, deintat, dintat
"(objet précieux ; mets délicat)", voir a.fr.
deintié |
|
ĭnsĭgnārĕ |
ensenhar "enseigner" |
|
lĭgnŭ(m) | lenha "bois de chauffage" |
|
pŭgnŭ(m) |
ponh "poing" |
|
|
|
|
Tableau ci-dessus : la palatalisation
de