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Évolution de l
24-03-2025

(En chantier)


(Ronjat tome 2 p. 148, DLID)



I. Deux l différents en latin


A. Résumé : l pinguis et l exilis

Remarque 1. La diphtongaison de i, u devant l en occitan peut sans doute être expliquée par l'effort pour prononcé l pinguis.


Remarque 2. La différence entre les deux l latins semble avoir joué un rôle fondamental pour les apophonies.


Selon PHL4:9, il existait deux l en latin :


l pinguis, "l gras", souvent appelé l vélaire par les linguistes (comme dans PHL4:9) :

- en position finale (en dernière lettre d'un mot) ;

- à l'intérieur devant a, o, u (ă, ā ; ŏ, ō ; ŭ, ū), sans doute aussi devant ē, mais devant ĕ, c'est discuté ;

- devant consonne.


l exilis, "l maigre", souvent appelé l palatal par les linguistes (comme dans PHL4:9), maintenant plutôt l apical :

- à l'initiale (première lettre d'un mot) ;

- devant la voyelle i (ĭ, ī) ;

- dans une géminée (ll).




(PHL4:9) "L'l latin était tantôt une consonne palatale et tantôt une consonne vélaire. On avait l palatal devant à l'initiale et à l'intérieur devant i et dans le cas de la géminée ll, par contre l vélaire en position finale et à l'intérieur devant a, o, u et devant consonne. Devant e, le timbre de l'l semble avoir été vélaire s'il s'agissait d'un e long ou bien d'un e bref terminant le mot, mais palatal devant e bref dans les autres positions."

(Remarque : ci-dessous, A. Meillet et C. Touratier estiment que l était palatal devant tout e : ĕ ou ē).


(HLLF-CR:181) "Après M. Havet, j'ai admis que ɫ est de règle non seulement devant les voyelles post-palatales, mais aussi devant e (bref ou long, et non pas devant ē, comme le dit M. Sommer) ; ceci est démontré par le verbe volō, dont M. Sommer s'abstient de citer les formes décisives uolens, uolentis et volēbam, en face de volō, uolumus et de uelim, uelle."


Le l pinguis, souvent appelé aujourd'hui l vélaire, doit correspondre au dark l des anglais (dans little, hill) (spirante latérale alvéolaire vélarisée voisée, Wikipédia), selon IPHAF:99 : "l apico-alvéodental pharyngé". Sa notation en API est [ɫ].


Le dark l employé en anglais (Wikipédia), peut présenter la variante vélarisée ou la variante pharyngée, selon que c'est l'arrière de la langue ou le pharynx qui rétrécit le canal buccal à l'arrière. Il y a des discussions de spécialistes sur les variantes du dark l, présent dans d'autres langues actuelles que l'anglais (LINGSM:134-136). F. de La Chaussée (IPHAF:101) signale que "le cacuminal" "est celui de l'anglais WELL, MILL, qu'il ne faut pas confondre avec le ɫ, en dépit des ressemblances acoustiques". Pourtant les sources actuelles indiquent que le l cacuminal est employé dans certaines variétés de corse, de sarde, de sicilien (Wikipédia).


L clear et dark

Schéma ci-dessus : articulation du clear l et du dark l en anglais. schémas d'après plusieurs sites : speakmoreclearly.com, sandiegovoiceandaccent.com, adaptés) Ces articulations sont sans doute très proches du l gracilis et du l pinguis. Le clear l représente le l "normal" du français (l gracilis latin) : le bout ou l'avant de la langue touche l'avant du palais (alvéole) ; le dark l, absent du français, présente en plus un relèvement de la racine de la langue vers l'arrière du palais (voile du palais, velum). Ce second cas concerne la variante vélarisée du dark l ; on peut reconnaître aussi la variante pharyngalisée : c'est alors le canal vertical à l'arrière de la bouche qui se rétrécit. Ainsi le dark l correspond bien à la description de Térencien ci-dessous (l pinguis latin).


La distribution entre ces deux l varie un peu selon les auteurs latins, dont certains distinguent un l medius ("l moyen") en début de mot ; les auteurs latins ne mentionnent jamais l'influence de ĭ, ī, il s'agit d'une supputation des linguistes modernes.


Je ne trouve pas l'origine de cette supputation ; J. Ronjat (GIPPM-2:148) cite Meillet (HLLF-CR:181-183) et Juret ("Fon. 228-9, 337" : je ne trouve pas la référence), qui ne permettent pas de retrouver les mentions antérieures. L'extrait ci-dessous montre un raisonnement fondé sur la phonétique : l pinguis devait avoir une "résonance inhérente comparable à celle d'une voyelle d'arrière (u, o)".

Voir aussi dans le même extrait ci-dessous le cas Siculi [sikuɫiː], prononcé avec un l gras.


Les phonéticiens modernes ont comparé les deux l du latin avec les deux l de l'anglais : l exilis peut être assimilé au l clair anglais (clear l), et l pinguis peut être assimilé au l sombre anglais (dark l) (ILLL:137) :

«

"En anglais ce son a deux variétés différentes - l'une appelée l "clair", qui se trouve devant voyelles (comme par exemple dans look, silly, l'autre l "sombre" qui se trouve ailleurs (par conséquent devant une consonne dans field et en finale dans hill). Le l "sombre" implique une remontée de la partie arrière de la langue (en plus du contact avec l'avant), tandis que le l "clair" n"implique pas une telle remontée. Cette différence dans l'articulation produit des impressions acoustiques différentes, le l "sombre" ayant une résonance inhérente comparable à celle d'une voyelle d'arrière (u, o), et le l "clair" comparable à celle d'une voyelle d'avant (i, e)" (VL:33 in ILLL:137-138).

Comme en anglais ces deux prononciations du l ne s'opposent jamais, il s'agit donc de deux variantes d'un même phonème, variantes qui ne peuvent qu'être en distribution complémentaire. Mais cette distribution n'est pas forcément la même qu'en anglais. Nous pouvons, par exemple, admettre que

"la latérale latine est apicale au moins lorsqu'à l'intérieur du signifiant d'un morphème, elle se trouve devant une voyelle fermée [i] et qu'elle est vélaire dans les autres cas. C'est ainsi que dans Sicili-a "Sicile", on aura une latérale apicale [l], mais dans Sicul-us "sicilien", on aura une latérale vélaire [ɫ], latérale vélaire qui continuera d'apparaître même lorsque du fait de la déclinaison, elle se trouvera occasionnellement devant un [i], comme dans le génitif singulier ou le nominatif pluriel Sicul-i [sikuɫiː]" (Touratier, 2005, p. 84-86).


Ceci permet d'expliquer l'alternance apparente du verbe "vouloir" entre le subjonctif présent uelim, uelim, uelīs, uelit, uelīmus, etc. et l'indicatif présent uolō, uolumus, uolunt, l'imparfait uolēbam, uolēbās, etc. au futur uolam, uolēs, uolet etc. et au perfectum uolui [woɫuwiː], uolueram, uoluerō, uoluerim, uoluissem, etc.

Tout ceci veut dire que le phonème l interieur quand il est explosif, n'est exilis que lorsqu'il est toujours devant un i, étant pinguis devant toute autre voyelle. Par contre, quand il est implosif, il doit, comme en anglais, être pinguis, ce qui, en vertu de la neutralisation de l'opposition /o/ ~ /u/ "devant une latérale et une consonne en coda ou devant une coda en latérale suivie d'une attaque consonantique, donne uult "il veut" en face de uolō "je veux", cultus "cultivé" en face de colō "je cultive" ou exsultare "être transporté" réalisation phonétique de /eks+salta+re/" (Touratier, 2005, p. 221-222).

Par contre, l géminée devait être exilis, si on se fie au subjonctif imparfait uelle-m, uel-lē-s, uel-le-t, etc. et à l'infinitif dit présent uel-le "vouloir", ce qui rejoint l'opinion de Pline, rapportée par Priscien (2, 29) :

[ci-dessous]

»



B. Descriptions antiques des prononciations du l


Attestations antiques :

Les nombreuses attestations antiques des grammairiens sont recensées dans DLID:189-193. Elles montrent que la bonne prononciation du l était importante pour les latins. Je donne ci-dessous quelques citations.

1. Térencien (332. 230 ff. K.)
Térencien semble décrire ci-dessous la description du l pinguis (PGL:78) :
(j.m.c.g.)

                        F.L.M.N.R.S.X.
(...)
Adversa palati supera premendo parte
Obstansque sono quem ciet ipsa lingua nitens
Validum penitus nescio quid sonare (/ tinire) cogit,
Quo littera ad aures veniat secunda nostras,
Ex ordine fulgens cui dat locum sinopis
.

(prop.tradu.)
(la traduction de GLTL:64 est trop approximative ; le sens général dégagé dans TMMAP:40 est imprécis ; seul PGL:78 est attentif à l'adverbe penitus ligne 3 : "far back in the mouth" ; je propose ma propre traduction).
                         F.L.M.N.R.S.X.
(...)
En appuyant vers le haut sur la partie du palais qui lui est opposée,
Et en faisant obstacle au son qu'elle-même produit en se raidissant, la langue
Force à émettre un son qui a un je ne sais quoi de vigoureux loin à l'arrière de la bouche,
C'est ainsi que cette lettre vient à nos oreilles en second,
Dans l'ordre dans lequel notre liste la place brillamment.

Commentaires : Si on accepte cette traduction (qui me semble la meilleure), ce passage de Térencien est fondamental car il décrit de façon non équivoque un l de type dark l, avec intervention de l'arrière de la bouche ([ɫ]). Par ailleurs dans l'alphabet latin, c'est donc ce l pinguis qui était prononcé, et non le l exilis. Le l est considéré "par défaut" comme pinguis.


2. Consentius (392. 8)
(j.m.c.g.)
Per detractionem fiunt barbarismi sic : litterae ut siquis dicat vilam pro villam, mile pro mille [...]. Labdacismum vitium in eo esse dicunt, quod eadem littera vel subtilius a quibusdam vel pinguius ecfertur. Et re vera alterutrum vitium quibusdam gentibus est. Nam ecce Graeci subtiliter hunc sonum efferunt. Ubi enim dicunt ‘ille mihi dixit’, sic sonant duae l primae syllabae, quasi per unum l sermo ipse consistat. Contra alii sic pronuntiant ‘ille meum comitatus est iter’ et ‘illum ego per flammas eripui’, ut aliquid illic soni etiam consonantis ammiscere videantur, quod pinguissimae prolationis est. Romana lingua emendationem habet in hac quoque distinctione. Nam alicubi pinguius, alicubi debet exilius proferri ; pinguius, cum vel b sequitur ut in ‘albo’, vel c ut in ‘pulchro’, vel f ut in ‘adelfis’, vel g ut in ‘alga’, vel m ut in ‘pulmone’, vel p ut in ‘scalpro’; exilius autem proferenda est, ubicumque ab ea verbum incipit, ut in ‘lepore’ ‘lana’ ‘lupo’, vel ubi in eodem verbo et prior syllaba in hac finitur, et sequens ab ea incipit, ut ‘ille’ et ‘Allia’.

(traduction DLID:191-192, trad.angl.)
Les barbarismes se manifestent par des soustractions de la manière suivante : soustraction de lettres, ainsi, quand on dit vila pour villa ou mile pour mille. [...] L’erreur appelée "lambdacisme" se trouve dans le fait que certaines personnes prononcent de la même façon la lettre latine soit trop fine (subtilis), soit trop grasse (pinguis). Et en effet, l'une ou l'autre de ces erreurs peut être trouvée chez certains peuples. Les Grecs, par exemple, prononcent ce son finement (subtiliter). Car quand ils disent : ille mihi dixit ["il m'a dit"] les deux l de la première syllabe sonnent comme s’il n’y avait qu’un seul l. À l’inverse, d’autres prononcent : ille meum comitatus est iter ["il m'accompagne dans mon voyage"] et : illum ego per flammas eripui ["je l'ai pris à travers les flammes" (vers de Virgile)] de manière à sembler le mélanger à un son consonantique de prononciation très grasse (pinguis). L'élocution romaine fait mieux cette distinction. Car il doit être prononcé dans certaines positions plus grasse (pinguis) et dans d'autres positions plus maigre (exilis) ; plus grasse (pinguis) quand b suit comme dans albus ["blanc"], ou c comme dans pulcher ["beau"], ou f comme dans adelfi ["sorte de datte"], ou g comme dans alga ["algue"], ou m comme dans pulmo ["poumon"] ou p comme dans scalper [”outil tranchant"] ; mais il doit être prononcé plus mince (exilis) chaque fois qu'il est en position initiale comme dans lepus ["lièvre"], lana ["laine"], lupus ["loup"] ou lorsque, dans le même mot, la syllabe précédente se termine par lui et la suivante commence par lui comme dans ille ["celui-là"] et Allia [nom de rivière].

Commentaires : Consentius distingue clairement les deux allophones du l, en précisant les situations où l'on doit prononcer l pinguis et l exilis. L'auteur suivant, Priscien, se fondant sur Pline, distingue un troisième cas : l medius, à l'initiale (comme dans lectum). Le type de lambacisme consistant à prononcer ll de façon grasse ("d’autres prononcent...") montre que ce "défaut" était sans doute répandu, et on peut proposer la perpétuation de ce mode de prononciation en Gaule, qui expliquerait le type caballos > fr "chevaux", oc cavaus.



3. Priscien (GLK II 29, 8-12)
(j.m.c.g.)
  L triplicem, ut Plinio videtur, sonum habet : exilem, quando geminatur secundo loco posita, ut ille, Metellus ; plenum, quando finit nomina vel syllabas et quando aliquam habet ante se in eadem syllaba consonantem, ut sol, silva, flavus, clarus ; medium in aliis, ut lectum, lectus.

(traduction ILLL:138)
"L a trois prononciations, comme il semble à Pline (1) : maigre, quand elle est géminée, placée en seconde position, comme dans ille, Metellus ; pleine (2), quand elle termine un nom ou une syllabe et quand, dans la même syllabe, elle est précédée d'une consonne, comme sans sol, silva, flavus, clarus ; et moyenne, dans les autres cas, comme lectum, lectus."

(1) Je pense que Priscien fait référence à une œuvre perdue de Pline l'Ancien : Dubii sermonis ("Les équivoques du langage"). Cela est confirmé dans ILVDP:2.
(2) C. Touratier précise : "ici, le terme plenus, dans la mesure où il est opposé à exilis doit correspondre au terme pinguis des autres grammairiens" (ILLL:138).



 

C. Effets de l sur la voyelle antécédente en latin archaïque

Certains faits phonétiques concernant l'influence de l ont été décrits, à partir du latin classique, par exemple : in + săltārĕ > insŭltārĕ (évolution ă > ŭ). Les aboutissements étant déjà fixés dans la langue littéraire (exemple : insŭltārĕ), on doit déduire que ces changements se sont produits pendant la période pré-littéraire, pendant la période du latin archaïque.


1. Apophonies

Voir les apophonies :

- effet du l exilis ; Mασσαλία (Massalía) > Măssĭlĭă ;

- effet du l pinguis : in + săltārĕ > insŭltārĕ.



2. Type vĕllĕ / vŏ

Les étudiants en latin ne peuvent qu'être surpris devant l'originalité de l'infinitif vĕllĕ "vouloir" : d'une part on n'y retrouve pas le -rĕ de l'infinitif, d'autre part le radical n'est pas le même que dans vŏlō "je veux".

   - Concernant l'absence de -rĕ, le latin populaire n'a pas manqué de refaire un infinitif d'apparence plus cohérente : *vŏlērĕ, sur le modèle hăbŭĭ-hăbērĕ (voir Étymologie de oc voler "vouloir"). L'origine de lat.class. vĕllĕ est un ancien *vĕlsĕ (de vĕl-, avec l'ancien suffixe *-ĕsĕ [ézé] : *welō, Etymology of -ere).

   - Concernant l'alternance vocalique ĕ/ŏ, Hermann Osthoff propose l'action de l'un ou l'autre des allophones du l latin, qu'il estime retrouver dans plusieurs autres mots (DUHLIL) ; cette proposition a été par la suite largement acceptée. C'est cet aspect qui est développé ici.


Voici la loi que propose H. Osthoff :


(DUHLIL:51) (trad.all., j.m.c.g.) "Le groupe el originel a subi la mutation pour aboutir au latin ol (ul) (erlitt die Brechung zu lat. ol (ul)), lorsqu’il est immédiatement suivi par l'une des voyelles sombres du protolatin (Urlatein) ă/ā ŏ/ō ŭ/ū ; cependant, el est resté inchangé devant les voyelles s'il s'agissait des sons ĕ/ē ou ĭ/ī."


Concernant l'explication phonétique, l'auteur invoque une analogie avec les langues baltiques et slaves (mais il ne précise pas le mécanisme exact d'évolution de el en ol) :


(DUHLIL:56-57) (trad.all.) [devant a, o, u, la liquide l a un son plus sombre que devant e et i] "comme on sait qu'il se produit assez régulièrement dans la langue baltique et dans plusieurs variantes de la langue slave, où selon la nature de la voyelle suivante, l "dure" et l "douce" alternent, celle qui précède les voyelles dites "sombres" a sa place devant les voyelles "claires". En lituanien, par ex. se place devant a, o, u, ů, alors que "l", c’est-à-dire l' se place devant e et i ; il en va de même en letton, ainsi qu'en russe, en polonais et dans certaines autres langues slaves."

[en effet, voir par exemple Л pour le russe]


● ela > ola


ŏlīvă "olive" < *ŏlaivā < gr ἐλαίϝα (elaíwa) (DUHLIL:51). Il en est de même pour ŏlīvŭm "huile d'olive" < gr ἔλαιϝov (élaiwon). Voir DELL:460a (archive.org). "L’o de olīua, olīuum atteste un l vélaire qui est normal devant ai et encore devant la forme ei (d’où ī lors de la réduction de ei à ī) issue de ai en syllabe intérieure." (ibid.).

Volaterrae (Volterre, n.d.v.tosc.) < étr Velathri (𐌅𐌄𐌋𐌀𐌈𐌓𐌉) (DUHLIL:51)


● elo > olo :


ŏlŏr, -ōrĭs "cygne" < sûrement un pr-it. avec elo-, voir gr ἑλώριος (elо́rios "poule d'eau") d'un pr-i-e. *h₁el- (Etymology of ŏlŏr). (DUHLIL:51).


ŏlŭs (hŏlŭs), -ĕrĭs "herbe potagère" < anc.lat. hĕlŭs (Paul.Diac. 100) < pr-it. *helos < pr-i-e. from*ǵʰélh₃-s ~ *ǵʰl̥h₃-és (Etymology of hŏlŭs). (source : DUHLIL:51, qui donne un "double vocalisme hŏlŭs/hĕlŭs résultant de l'ancienne flexion supposée holus, génitif *heleris", génitif où, si je comprends bien, -ele- ne subit pas de mutation en ole d'après la loi énoncée par H. Osthoff ; donc par influences analogiques, deux variantes se seraient maintenues assez longtemps : en ŏ et en ĕ ; voir aussi "helitōres dans les gloses pour holitōres", ibid.)


mŏlō "je broie" < pr-it. *mĕlō "je broie" (Etymology of mŏlō). (DUHLIL:52, l'auteur propose une ancienne flexion, sur le modèle de vŏlō "je veux" : (trad.all.) "molo, molimus [plutôt *molumus ?], molunt, subj. molam etc. à côté de *melis, *melit, *melitis, imper. *mele, *melitō, participe *melent-.")


vĕlō > vŏlō dans le paradigme de vĕllĕ "vouloir" : la racine vĕl- (*welō) est conservée dans inf vĕllĕ (ci-dessus), subj vĕlĭm, vĕlīs..., alors qu'elle s'est transformée en vŏl- dans vŏlō, vŏlŭmŭs (DUHLIL:52, 53, 54), 




II. Aboutissements de l latin





III. Évolution de l préconsonantique et final



(GLR1:430, §476) "Le roumain, de même que l'italien littéraire, conserve l devant les consonnes. Mais toutes les autres langues et la
plupart des dialectes lui font subir, dans une mesure plus ou moins grande, diverses modifications." [...]

"Pour toute la Gaule, la Rhétie, une grande partie de l'Italie et pour l'Espagne, il faut aussi admettre, à une époque préhistorique, l'existence de ɫ qui est ensuite généralement devenue u. Pour l'émission de l, la racine de la langue occupe la même position que pour l'émission de u : le premier phonème ne se distingue du second que par l'occlusion que forme la pointe de la langue; le passage de l à u ne s'accomplit donc qu'autant que cette occlusion disparaît. Ce passage s'est accompli presque partout, seulement à des époques différentes, et ni devant toutes, ni devant les mêmes consonnes."



. Continuité depuis l pinguis jusqu'à l'élément de diphtongue u ?


Certains auteurs estiment clairement que c'est la prononciation l pinguis du latin, maintenue dans les langues romanes naissantes, qui est à l'origine de la vocalisation de l en position préconsonantique :


(ÉVCLLR) (u.s.p.s.) "Le l latin final d'une syllabe a souvent abouti dans les langues romanes à u et o, comme nous le verrons dans la suite ; or ce passage est bien plus facile à expliquer si l'on suppose un timbre grave au l latin en question, justement en raison de l'affinité qui existe entre [ɫ] et les voyelles."

(ÉVCLLR:94) (u.s.p.s.) : [Certains auteurs ont mentionné que [ɫ] pourrait être "importé de l'Allemagne", ou "qu'il vient du celtique".] "Mais toutes ces suppositions, plus ou moins fantaisistes, deviennent inutiles lorsqu'on admet, comme nous l'avons fait, la prononciation dure du l devant consonne en latin, qui se serait conservée également en vieux français. A ce point de vue les causes de la vocalisation du l suivi d'une consonne en français remontent au latin, le [ɫ] roman ne venant pas d'un plus ancien [l], comme semble le penser Meyer-Lübke (Gram. rom. §§ 49, 476, 530, p. 74, 431, 470.)."

(ÉVCLLR:95) : (cabals, vassals, mals > chevaux, vassaux, maux, travailz > travaux)





Au contraire, d'autres auteurs semblent dire que la prononciation des deux l latins a été "effacée" dans les langues romanes :  


(IPHAF:99) "Le ɫ "dur" du français prélittéraire n'est pas le "l pinguis" du latin. Dans talis et bellus, le l n'était pas "pinguis", et il s'est pourtant vocalisé".

Pour talis et bellus, en effet :

tālĭs > a.fr. CSSM teus, tieus (CNRTL "tel", tels étant analogique) ;

bĕllŭs > a.fr. CSSM beus "beau".


(Cependant je pense qu'on pourrait opposer l'argument suivant : tālĭs comme bĕllŭs ont subi l'apocope pour donner le cas sujet > *tals, *bels. Si l'habitude latine de prononcer "l gras" devant consonne se poursuivait, ce seraient bien ces "l gras" qui auraient subi la vocalisation ; à étudier).


Pour le français : l devant consonne se vocalise très progressivement, de la fin du VIe siècle au XIVe siècle (IPHAF:99,102-103,118-121). 


En occitan, dans certains dialectes, elle n'a même jamais eu lieu (rouerg salt "saut").

Pour l'occitan, la vocalisation est parfois plus tardive (à étudier).

Étudier LNDFA:239 : "On peut affirmer que Alde se prononçait Aude. En somme, dès le XIe siècle, la prononciation actuelle Aude est née."


En finale : "mal", "sel", "cheval" : le -l demeure en français. Mais aux anciens CSS et CRP, -l- s'est vocalisé en -u- car il était bien devant -s final. D'où "maux", "chevaux".


Contrairement au français, dans la majeure partie du domaine d'oc, l final s'est vocalisé : mau, sau, cavau (à expliquer).


Remarque (extrait de thèse sans titre et sans nom sur internet)  :

Leys d’Amors (II, 208) rejettent les formes en au comme gasconnes. « Alqu dizon qu’om pot dire en rima leyau per leial... E nos dizem que en rima ni fora rima no deu hom dire mas leyals, quar liau es mots gasconils. Quar leumen li Gasco viro e mudo l, quant es en fi de dictio, en u, coma nadau per nadal, vidau per vidal, hostau per hostal e leyau per leyal. » Ce qui est reproché ici comme un gasconisme était aussi un poitevinisme ; mais on trouve également dans des dialectes de l’Est de l’Occitanie ce traitement de l finale. La vocalisation paraît s’être produite d’abord après a. »



-el > -et en gascon



Le suffixe -el (< -ĕllŭm) semble évoluer en -et en gascon, c'est-à-dire dans le triangle aquitain. Il s'agit probablement d'un changement de suffixe : -ĕllŭm changé en -ĭttŭm. À étudier.


Voir ALF:580 "fléau", 938 "oiseau".