(En chantier)
(Ronjat tome 2 p. 148, DLID)
Remarque 1. La diphtongaison de i, u devant l en occitan peut sans doute être expliquée par l'effort pour prononcé l pinguis.
Remarque 2. La différence entre les deux l latins semble
avoir joué un rôle fondamental pour les apophonies.
Selon PHL4:9, il existait deux l en latin :
● l pinguis, "l gras", souvent appelé l vélaire par les linguistes (comme dans PHL4:9) :
- en position finale (en dernière lettre d'un mot) ;
- à l'intérieur devant a, o, u (ă, ā ; ŏ, ō ; ŭ, ū), sans doute aussi devant ē, mais devant ĕ, c'est discuté ;
- devant consonne.
● l exilis, "l maigre", souvent appelé l palatal par les linguistes (comme dans PHL4:9), maintenant plutôt l apical :
- à l'initiale (première lettre d'un mot) ;
- devant la voyelle i (ĭ, ī) ;
- dans une géminée (ll).
(PHL4:9) "L'l latin était tantôt une
consonne palatale et tantôt une consonne vélaire. On avait l
palatal devant à l'initiale et à l'intérieur devant i et dans le
cas de la
(Remarque : ci-dessous, A. Meillet et C. Touratier estiment que l était palatal devant tout e : ĕ ou ē).
(HLLF-CR:181) "Après M. Havet, j'ai admis que
Le l pinguis, souvent appelé
aujourd'hui l
Schéma ci-dessus : articulation du clear l et du dark l
en anglais. schémas d'après plusieurs sites :
speakmoreclearly.com, sandiegovoiceandaccent.com, adaptés) Ces
articulations sont sans doute très proches du l gracilis et du l
pinguis. Le clear l représente le l "normal" du
français (l gracilis latin) : le bout ou l'avant de la langue
touche l'avant du palais (alvéole) ; le dark l, absent du
français, présente en plus un relèvement de la racine de la langue vers
l'arrière du palais (voile du palais, velum). Ce second cas concerne la
variante vélarisée du dark l ; on peut reconnaître aussi la
variante pharyngalisée : c'est alors le canal vertical à l'arrière de la
bouche qui se rétrécit. Ainsi le dark l correspond bien à la
description de Térencien ci-dessous (l
pinguis latin).
La distribution entre ces deux l
varie un peu selon les auteurs latins, dont certains distinguent un l medius ("l moyen") en début de mot ; les auteurs latins ne mentionnent jamais
l'influence de ĭ, ī,
il s'agit d'une supputation des linguistes modernes.
Je ne trouve pas l'origine de cette supputation ; J. Ronjat (GIPPM-2:148) cite Meillet (HLLF-CR:181-183) et Juret ("Fon. 228-9, 337" : je ne trouve pas la référence), qui ne permettent pas de retrouver les mentions antérieures. L'extrait ci-dessous montre un raisonnement fondé sur la phonétique : l pinguis devait avoir une "résonance inhérente comparable à celle d'une voyelle d'arrière (u, o)".
Voir aussi dans le même extrait ci-dessous le cas Siculi
[sikuɫiː], prononcé avec un l
gras.
Les phonéticiens modernes ont comparé les deux l du latin avec les deux l de l'anglais : l exilis peut être assimilé au l clair anglais (clear l), et l pinguis peut être assimilé au l sombre anglais (dark l) (ILLL:137) :
«
"En anglais ce son a deux variétés différentes - l'une appelée l "clair", qui se trouve devant voyelles (comme par exemple dans look, silly, l'autre l "sombre" qui se trouve ailleurs (par conséquent devant une consonne dans field et en finale dans hill). Le l "sombre" implique une remontée de la partie arrière de la langue (en plus du contact avec l'avant), tandis que le l "clair" n"implique pas une telle remontée. Cette différence dans l'articulation produit des impressions acoustiques différentes, le l "sombre" ayant une résonance inhérente comparable à celle d'une voyelle d'arrière (u, o), et le l "clair" comparable à celle d'une voyelle d'avant (i, e)" (VL:33 in ILLL:137-138).
Comme en anglais ces deux prononciations du
l ne s'opposent jamais, il
s'agit donc de deux variantes d'un même
"la
Ceci permet d'expliquer l'alternance
apparente du verbe "vouloir" entre le subjonctif présent uelim,
uelim, uelīs, uelit, uelīmus, etc. et l'indicatif présent uolō, uolumus, uolunt, l'imparfait
uolēbam, uolēbās, etc. au futur
uolam, uolēs, uolet etc. et au
perfectum uolui [wo
Tout ceci veut dire que le
Par contre, l
»
Certains faits phonétiques concernant l'influence de l ont été décrits, à partir du latin classique, par exemple : in + săltārĕ > insŭltārĕ (évolution ă > ŭ). Les aboutissements étant déjà fixés dans la langue littéraire (exemple : insŭltārĕ), on doit déduire que ces changements se sont produits pendant la période pré-littéraire, pendant la période du latin archaïque.
Voir les apophonies :
- effet du l exilis ; Mασσαλία (Massalía) > Măssĭlĭă ;
- effet du l pinguis : in + săltārĕ > insŭltārĕ.
Les
étudiants en latin ne peuvent qu'être surpris devant l'originalité de
l'infinitif vĕllĕ "vouloir" : d'une part on n'y retrouve pas le
- Concernant l'absence de
- Concernant l'alternance
vocalique ĕ/ŏ, Hermann Osthoff propose l'action de l'un ou
l'autre des
Voici la loi que propose H. Osthoff :
(DUHLIL:51) (trad.all., j.m.c.g.) "Le groupe el originel a subi la mutation pour aboutir au latin ol (ul) (erlitt die Brechung zu lat. ol (ul)), lorsqu’il est immédiatement suivi par l'une des voyelles sombres du protolatin (Urlatein) ă/ā ŏ/ō ŭ/ū ; cependant, el est resté inchangé devant les voyelles s'il s'agissait des sons ĕ/ē ou ĭ/ī."
Concernant l'explication phonétique, l'auteur invoque une analogie avec les langues baltiques et slaves (mais il ne précise pas le mécanisme exact d'évolution de el en ol) :
(DUHLIL:56-57) (trad.all.) [devant a, o, u, la liquide l a un son plus sombre que devant e et i] "comme on sait qu'il se produit assez régulièrement dans la langue baltique et dans plusieurs variantes de la langue slave, où selon la nature de la voyelle suivante, l "dure" et l "douce" alternent, celle qui précède les voyelles dites "sombres" a sa place devant les voyelles "claires". En lituanien, par ex. l̃ se place devant a, o, u, ů, alors que "l", c’est-à-dire l' se place devant e et i ; il en va de même en letton, ainsi qu'en russe, en polonais et dans certaines autres langues slaves."
[en effet, voir par
exemple
● ela > ola
ŏlīvă "olive" < *ŏlaivā < gr ἐλαίϝα (elaíwa) (DUHLIL:51). Il en est de même pour ŏlīvŭm "huile d'olive" < gr ἔλαιϝov (élaiwon). Voir DELL:460a (archive.org). "L’o de olīua, olīuum atteste un l vélaire qui est normal devant ai et encore devant la forme ei (d’où ī lors de la réduction de ei à ī) issue de ai en syllabe intérieure." (ibid.).
Volaterrae (Volterre, n.d.v.tosc.) < étr Velathri (𐌅𐌄𐌋𐌀𐌈𐌓𐌉) (DUHLIL:51)
● elo > olo :
ŏlŏr, -ōrĭs "cygne" < sûrement un pr-it. avec elo-, voir gr ἑλώριος (elо́rios "poule
d'eau") d'un pr-i-e. *h₁el- (
ŏlŭs (hŏlŭs), -ĕrĭs "herbe potagère" < anc.lat. hĕlŭs (Paul.Diac. 100) < pr-it. *helos < pr-i-e. from*ǵʰélh₃-s ~ *ǵʰl̥h₃-és (
mŏlō "je broie" < pr-it. *mĕlō "je broie" (
vĕlō > vŏlō dans le paradigme de vĕllĕ
"vouloir" : la racine vĕl- (
(GLR1:430, §476) "Le roumain, de même que
l'italien littéraire, conserve l devant les consonnes. Mais
toutes les autres langues et la
plupart des dialectes lui font subir, dans une mesure plus ou moins
grande, diverses modifications." [...]
"Pour toute la Gaule, la Rhétie, une grande partie de l'Italie et pour l'Espagne, il faut aussi admettre, à une époque préhistorique, l'existence de ɫ qui est ensuite généralement devenue u. Pour l'émission de l, la racine de la langue occupe la même position que pour l'émission de u : le premier phonème ne se distingue du second que par l'occlusion que forme la pointe de la langue; le passage de l à u ne s'accomplit donc qu'autant que cette occlusion disparaît. Ce passage s'est accompli presque partout, seulement à des époques différentes, et ni devant toutes, ni devant les mêmes consonnes."
Certains auteurs estiment clairement que c'est la prononciation
(ÉVCLLR) (u.s.p.s.) "Le l latin final d'une syllabe
a souvent abouti dans les langues romanes à u et o,
comme nous le verrons dans la suite ; or ce passage est bien plus facile
à expliquer si l'on suppose un timbre grave au l latin en
question, justement en raison de l'affinité qui existe entre [
(ÉVCLLR:94) (u.s.p.s.) : [Certains auteurs ont mentionné que [
(ÉVCLLR:95) : (cabals, vassals, mals > chevaux, vassaux, maux, travailz > travaux)
Au contraire, d'autres auteurs semblent dire que la prononciation des deux l latins a été "effacée" dans les langues romanes :
(IPHAF:99) "Le ɫ "dur" du français prélittéraire n'est pas le "l pinguis" du latin. Dans talis et bellus, le l n'était pas "pinguis", et il s'est pourtant vocalisé".
Pour talis et bellus, en effet :
tālĭs > a.fr. CSSM teus, tieus (CNRTL "tel", tels étant analogique) ;
bĕllŭs > a.fr. CSSM beus "beau".
(Cependant je pense qu'on pourrait opposer l'argument suivant : tālĭs comme bĕllŭs ont subi l'apocope pour donner le cas sujet > *tals, *bels. Si l'habitude latine de prononcer "l gras" devant consonne se poursuivait, ce seraient bien ces "l gras" qui auraient subi la vocalisation ; à étudier).
Pour le français : l devant consonne se vocalise très progressivement, de la fin du VIe siècle au XIVe siècle (IPHAF:99,102-103,118-121).
En occitan, dans certains dialectes, elle n'a même jamais eu lieu (rouerg salt "saut").
Pour l'occitan, la vocalisation est parfois plus tardive (à étudier).
En finale : "mal", "sel", "cheval" : le -l
demeure en français. Mais aux anciens CSS et CRP, -l-
s'est vocalisé en -u- car il
était bien devant -s final.
D'où "maux", "chevaux".
Contrairement au français, dans la majeure partie du domaine d'oc, l final s'est vocalisé : mau, sau, cavau (à expliquer).
Remarque (extrait de thèse sans titre et sans nom sur internet) :
Leys d’Amors (II, 208) rejettent les formes en au comme gasconnes. « Alqu dizon qu’om pot dire en rima leyau per leial... E nos dizem que en rima ni fora rima no deu hom dire mas leyals, quar liau es mots gasconils. Quar leumen li Gasco viro e mudo l, quant es en fi de dictio, en u, coma nadau per nadal, vidau per vidal, hostau per hostal e leyau per leyal. » Ce qui est reproché ici comme un gasconisme était aussi un poitevinisme ; mais on trouve également dans des dialectes de l’Est de l’Occitanie ce traitement de l finale. La vocalisation paraît s’être produite d’abord après a. »
Le suffixe
Voir ALF:580 "fléau", 938 "oiseau".