(GIPPM-2:70, 81...)
Ce chapitre présente l'évolution des consonnes latines
Précision sur les consonnes sourdes : Les consonnes sourdes sont celles qui se prononcent sans utiliser les cordes vocales, à savoir : [p - t - f - s - k - ʃ]. Les autres consonnes, qualifiées de sonores ou voisées , ont besoin des cordes vocales pour être articulées (on peut le constater en plaçant les doigts sur la pomme d'Adam, qui vibre) : [b - d - v - z - g - j - l - m - n - r] .
Une sonorisation
(ou voisement) est la transformation d'une consonne
Vers l'an 400, les consonnes
/p/ > /b/, /t/ > /d/, /k/ > /g/
Pour être plus complet, voici un tableau montrant la sonorisation de toutes les consonnes, ainsi que les étapes postérieures à la sonorisation pour le français :
latin LPC
|
|
occitan
|
|
français
|
-p-
rīpă(m) |
> |
-b-
riba |
|
> - rive |
-pr- | > |
-br-
|
|
> - |
-pl-
|
>
|
-bl-
|
|
-bl-
|
-t-
vītă(m) |
> |
-d-
vida |
|
> - vie |
-tr- | > |
-dr-
> -ir- |
|
> - |
tĭ,
tĕ (devant voyelle) > /(i̯) rătĭōnĕ(m) |
> |
/(i̯) rason |
|
/i̯z/ raison |
|
|
|
|
|
-c-
(devant a, o, u ) sēcūrŭ(m) |
> |
-g-
segur |
|
> - seür > sûr |
-cl- | > |
-/ |
|
-/ |
-cr-
|
>
|
-gr-
(> -yr- parfois )
|
|
-
|
voyelle + c /k/ + e, i : |
||||
-c-
(devant e,
i) > / plăcērĕ |
> |
/ plaser |
|
-/i̯z/- plaisir |
|
|
|
|
|
-s-
|
>
|
-/z/-
|
|
-/z/-
|
-f-
(1)
|
>
|
-v-, ∅
|
|
-v-, ∅
|
|
|
|
|
|
Tableau ci-dessus : sonorisations
des consonnes sourdes intervocaliques vers l'an 400. Pour le
français, la sonorisation est souvent suivie d'autres étapes, qui mènent
à l'
(1) Le f intervocalique
latin a une prononciation incertaine : [
Les auteurs datent les sonorisations ainsi :
IPHAF:43 : "Dans la
IPHAF:187 : "sonorisations : vers 400" ;
HDLL:68 : "au début du Ve siècle".
Plus précisément Ronjat d'après Gaston Paris (GIPPM-2 :70) donne : "Les inscriptions, textes vulgaires, chartes, etc... ont fréquemment
- d pour t dès le IIe s. après J.-C.,
- b pour p seulement au VIe ,
- g pour pour c au VIIe ou au VIIIe, et encore rarement ; cf. aglsax. eced < acētu emprunté vers le VIe."
Mais ces datations ne sont pas reprises par les ouvrages récents : elles ont été probablement remises en cause.
Rappelons que la date "vers l'an 400" n'est qu'une hypothèse de travail, et qu'elle ne demande qu'à être critiquée pour le domaine d'oc. Voir notamment les incertitudes sur la datation t > d.
Il s'agit donc d'étudier la sonorisation des consonnes p,
t, k, s, f, ainsi que
de la consonne néoformée /
La sonorisation des sourdes intervocaliques est l'un des deux traits
principaux qui définissent la Romania occidentale par rapport à
la
L'autre second trait important caractérisant la
Pour l'Italie, il faut remarquer que la situation est complexe :
1. Des sonorisations existent au sud de la ligne La Spezia–Rimini. Le toscan, à la base de l'italien, situé au sud de la ligne, montre certaines sonorisations.
(VSLR :146) "Pourtant, leur position intermédiaire
[celle des dialectes toscans] au milieu des isoglosses qui séparent les
dialectes du nord de ceux du sud, la sonorisation n'est pas exclue: strata > strada, lacus > lago, locus
> luogo, pauperu > povero, ripa > riva, etc.". Mais
ici l'auteur ne précise pas que la sonorisation n'aurait pas dû donner povero
et riva, mais
(RLHI:46-47) (trad.angl.) "Le destin de /p t k/ originaux en
italien est variable et discuté. Alors que notre schéma indique que
ripa "rive" > riva
episcopu "évêque" > vescovo
pauperu "pauvre" > povero
recipere "recevoir"> ricevere
spatha "épée" > spada
strata "pavée" > strada
metipsimu "même" > medesimo
quirītat "crie" > grida
lacu "lac" > lago
locu "lieu" > luogo
lactuca "laitue" > lattuca
precare "prier" > pregare
Les résultats de ce type seraient
Là encore, l'auteur ne signale pas que la
sonorisation de
2. Surtout,
Pour
lŭpŭ(m) > tosc. it. lupo,
sard.logud. lupu, val., h.engad. luf, frioulan lof, lŭpă(m) > piém.
lova (FEW 5:461a,b) (
rīpăm > tosc. it. ripa, obeng. riva, it. nord. riva, mais sard.logud. riba, frl. rive (FEW 10:414a).
Ce comportement est le même que celui du français ; il faut rechercher (dans la littérature ?) un scénario cohérent proposant l'évolution des occlusives en Italie du nord, et dans l'ensemble de la Romania occidentale.
De façon générale, on sait qu'une consonne en position intervocalique est "en position faible", c'est-à-dire qu'elle a tendance à s'user, à perdre de sa force (lien).
De façon plus précise, plusieurs linguistes justifient l'évolution <voyelle-sourde-voyelle> vers <voyelle-sonore-voyelle>.
(HDLL:68) "Notez qu'une telle consonne [consonne sourde] se trouve dans la situation suivante : vibration de cordes vocales, non-vibration de cordes vocales, vibration de cordes vocales. En effet, selon la théorie de l'économie des changements phonétiques, il est plus facile, pendant ce temps très court, de laisser vibrer les cordes vocales au lieu de déclencher ces vibrations."
(IPHAF:43) "Quand une consonne sourde se trouve à l'intervocalique, on est en face de la situation suivante : vibration des cordes vocales + non-vibration + vibration. Il faut donc une précision neuro-musculaire importante pour déclencher, bloquer et redéclencher ces vibrations en un temps très court.
En période d'imprécision articulatoire, cet effort risque de n'être pas accompli, ou de l'être mal, et la consonne sera contaminée par les vibrations immédiatement antécédentes et subséquentes. Il en résulte qu'en période d'imprécision articulatoire, la position intervocalique est, pour une consonne sourde, une position périlleuse, qui l'expose à la sonorisation. De fait, la sonorisation (passage de l'occlusive ou de la spirante sourde à la sonore correspondante) est le premier degré de l'affaiblissement, car en même temps, le contact de la langue avec le palais s'il s'agit d'une linguale, ou celui des deux lèvres s'il s'agit d'une bilabiale, perdra de son énergie, caractéristique des sourdes."
Peter Machonis compare la sonorisation antique de t avec la
sonorisation de t en anglais américain (butter, city, artist...),
et introduit la notion d'inconscience du processus :
(HDLL:45-46) (c.g.t.o.) "En outre il faut comprendre que ces
changements se passent inconsciemment de la part des individus
qui parlent. C'est-à-dire qu'à part quelques rare exceptions, on ne
contribue pas à un changement phonétique intentionnellement. Par
exemple, en anglais américain, pour le mot butter même si on
dit [b
On peut tenter d'aller plus loin : pourquoi ce changement ? Les sononorisations n'ont affecté que la Romania occidentale (ci-dessus) ; par ailleurs on dit toujours "cité", "habiter", "têtu" avec [t], et les anglais prononcent toujours butter, city, artist avec [t].
François de La Chaussée invoque une "période d'imprécision articulatoire" (ci-dessus), mais cela reste vague.
Il me semble qu'on doit rapprocher les sonorisations de la mutation consonantique du corse (et du sarde ?).
La langue corse est bien connue par son phénomène de mutation consonantique, c'est-à-dire par des adoucissements de consonnes en position intervocalique. Ce phénomène s'appelle aussi sandhi (ELC:108 "sandhi initial").
Voir transformation
de certaines consonnes initiales. Ci-dessous, le cas échéant, les
sonorisations des consonnes initiales sont mentionnées.
Les effets de la diphtongue latine au
sont en général différents d'une simple voyelle sur la consonne
Pour Jules Ronjat, la diphtongue au se comportait comme toute autre voyelle concernant son action sur la consonne subséquente :
(GIPPM-2:71) (j.d.a.r.g.) "À l'intérieur d'un mot le traitement
est le même entre deux voyelles simples latines et entre diphtongue
latine et voyelle simple
(Ci-dessus pour audīre J. Ronjat adoptait un scénario abandonné pour d ; pour paubre "pauvre", voir la synthèse ci-dessous : paupĕrŭm > paure).
Cela conduit l'auteur à donner le latin
Dans une longue note (GIPPM-2 :72, note 1), il développe sa position
sur le fait que au fonctionne
comme une voyelle en occitan, mais qu'elle fonctionne comme [aw] en a.esp. : "(...) le [w] de
[*páwk
Voici ma position personnelle :
En domaine d'oc, la diphtongue au a agi
comme une consonne, au moins sur c
et t
Mes arguments sont présentés dans "arguments..." ci-dessous.
En domaine d'oc, pour comprendre l'évolution phonétique de "au
+ consonne sourde", une difficulté notable est l'apocope.
En effet, les "masculins" pauc
"peu", trauc "trou", rauc
"rauque", étaient prononcés avec /k/ en AO et sont souvent encore prononcés ainsi dans
certaines régions (voir /trawk/ dans les dialectes alpins : carte,
et plusieurs dialectes à l'ouest du Rhône). L'étude de ces seuls mots ne
permet pas de décider lequel des deux scénarios ci-dessous est le bon :
sans sonorisation ou avec sonorisation. Alors que pour it, esp
poco, port pouco
"peu", la prononciation /k/ montre qu'il n'y a pas eu sonorisation.
Scénario
1 (sans sonorisation) :
paucŭ(m)
> (V e s. :
-u > -ó) *pauco
> (VIII e s. : apocope) oc pauc "peu"
Scénario
2 (avec sonorisation) :
paucŭ(m)
>
(vers l'an 400 : sonorisation) * paugu
> (V e s. :
-u > -ó) *paugo
> (VIII e s. : apocope) oc
*paug
>
(juste après l'apocope : durcissement
de la consonne devenue finale) pauc
"peu"
En domaine d'oïl, la sonorisation (suivie de la spirantisation et de l'amuïssement) de la consonne après au (évoluée en ò ?) est sûre : aucăm > "oie" comme jŏcārĭ > "jouer", *gautăm > "joue" comme rŏtăm > "roue".
Mais il se pose le problème de la chronologie "sonorisation par
rapport à
monophtongaison de au
". Bien que les deux scénarios ci-dessous mènent au même résultat, il
convient de savoir lequel est le bon (par exemple pour comprendre ce qui
s'est passé au nord par rapport au sud de la Gaule et dans les
péninsules ibérique et italienne). Le scénario 2 a la faveur de F. de La
Chaussée (IPHAF:117, 189) mais la situation n'est pas
claire.
Scénario 1 : (1) monophtongaison, (2) sonorisation : la
voyelle /ò/ (< au) est une
voyelle simple, donc la sonorisation se réalise normalement comme dans jŏcārĭ > *jogar > (spirantisation
puis amuïssement etc.) "jouer" (oc jogar).
Par
paucŭm > *pòcu
> *pògu > *pò
Scénario 2 : (1) sonorisation, (2) monophtongaison, cela impliquerait que la sonorisation se réalise derrière au :
C'est le bon scénario selon IPHAF :117, 189 (ci-dessous de façon plus détaillée : paucŭm)
paucŭm > *paugu
> *pògu > *pò
Les sonorisations sont réputées dater de l'an 400 environ, mais elles semblent débuter bien plus tard dans certaines régions, et on peut se demander combien de temps elles ont agi. Quant à la monophtongaison de au, elle daterait de la fin du V e siècle (IPHAF :117, 189). Donc selon les régions, la chronologie d'un phénomène par rapport à l'autre a pu être variable.
Bien que la chronologie soit mal établie, pour F. de La Chaussée, en domaine d'oïl, la sonorisation précède la monophtongaison : voir paucŭs ci-dessous. Il est vrai que le latin médiéval traugum (< * traucŭm "trou") semble montrer une sonorisation derrière au .
Fragilité du scénario 2 ?
- La sonorisation de c après au serait un comportement unique dans la Romania (voir α3 ci-dessous), différent de l'occitan, de l'espagnol, du portugais, de l'Italie du nord. W. Meyer-Lübke constate le phénomène (ci-dessous pour aut), mais en le survolant et sans se poser la question de savoir si le scénario 1 ou le 2 est le bon. Voir ci-dessous prononciation variable de au.
- Certains indices montrent une monophtongaison française très précoce
(voir ci-dessous aucĕllŭm
> oiseau ; voir aussi
nausĕăm > noise).
Dans la
Pour -auc- (ci-dessous) :
paucŭ(m) > esp poco, port pouco ;
aucă(m) > esp oca ;
raucŭ(m) > port rouco ;
Dans ces mots, le /k/ ne peut s'expliquer que par l'effet du
Dans des contextes vocaliques similaires, les évolutions fŏcŭm > esp fuego, jŏcŭm > esp juego, port jogo, lŏcō > esp luego ; *nŭcālĕm > esp nogal, offōcăt > port ofoga, montrent une sonorisation de /k/ pour l'espagnol et le portugais.
Pour
Concernant la consonne t, on peut peut-être déduire le même phénomène : autŭmnŭ(m) > esp otoño "automne", fautŭ(m) > esp hoto in GLR1:386, a.esp. enfoto (à moins que ces mots espagnols aient subi une influence savante). Dans un contexte vocalique similaire, l'évolution rŏtă(m) > esp rueda, port roda "roue" montre une sonorisation.
Ces constatations permettent de conclure qu'en Espagne et au Portugal,
la diphtongue au a empêché la sonorisation de se réaliser pour
une consonne
Ci-dessous, les évolutions aucĕllŭm
> aucèu "oiseau", *gaută(m) >
gauta "joue", etc. montrent que la consonne subséquente à au
ne s'est pas sonorisée (sinon on aurait obtenu ausèu, qui existe
bien dans l'ouest du domaine d'oc, et
Cette partie est construite à partir d'une réflexion personnelle (juillet 2019).
Les dérivés montrent une double opposition :
1. Opposition entre les familles occitanes en au et les familles occitanes en ó, ò ...
• familles en au
: /k/ > /k/
paucŭm > pauc → pauquet, pauquetat, pauquẹza, pauca, apaucar, espaucat ;
• familles en ó,
ò : /k/ > /g/
fŏcŭm
> fòc, fuòc → afogar,
fogairon, fogau, foganha, fogatge, fogu
On voit que ces dérivés ont une consonne
Voir le raisonnement au paragraphe
"Durcissement de la consonne devenue finale" :
Étude des dérivés : lobet,
fogau..., pauquet.... Par déduction, les dérivés de type
pauquet. .. ont des
- soit après les sonorisations, à partir de *paucu / *pauco qui aurait échappé aux sonorisations ;
- soit avant les sonorisations : *pauquettu...,
qui auraient par la suite échappé aux sonorisations.
Cela est
un argument en faveur de la proposition : "en domaine d'oc, la
diphtongue au
empêcha la sonorisation de la consonne
Cela est cohérent aussi avec les variantes
n.oc.m. trauchar
"trouer", enrauchar
"enrouer"... Ces formes supposent l'existence d'
2. Opposition entre les familles
occitanes en au
et les familles françaises en
ó < au
• occitan : /k/ > /k/
raucŭm,
raucăm > rauc, rauca → AO rauquet,
rauquejar, rauquezir, rauqu
aussi en n.oc.m. : enrauchir,
enrauchar ...
*traucŭm > trauc → AO trauquet, traucar, traucable, traucador, trauquilhar, trauquilhós.
aussi n.oc.m.
trauchar (TDF, FEW 13/2:230b) ,
trauchilhar FEW 13/2:231a)
• français : /k/
>
∅
raucŭm,
raucăm > a.fr.
ro / roe → roeté, raueteit, roueüre,
esrouer, esrouement... "enrouer" ;
* traucŭm
> "trou" → dial traouet, trouet, troueüre, entrouer,
"trouer".
On voit que les dérivés occitans ont une
consonne restée
En conclusion, l'étude des
dérivés fournit des arguments pour prouver qu'il n'y a pas eu de
sonorisation des consonnes sourdes après la diphtongue au
en domaine d'oc. La diphtongue
au,
dans son segment final, avait donc un comportement de consonne.
- Certes pour les adjectifs féminins (rauca
"rauque", cauta "prudente"),
on pourrait penser qu'ils ont subi l'influence analogique
du masculin (rauc, caut avec
consonne finale prononcée partout en AO).
- Cependant pour les noms féminins aucă
"oie", craucă "terrain
caillouteux", *gaută "joue",
également pour le masculin naută
"matelot" (> nautanier), il
y a absence de sonorisation de c, t
après au. Les cas de oc paucha
"servante", pauta "patte" ne
sont pas clairs car il a peut-être existé des
- Des féminins nord-occitans sont
affectés par la
palatalisation ca > cha
: aucha "oie, raucha
"rauque". Normalement, cela n'est possible qu'avec c
en
En conclusion, l'étude des
féminins montre également que le segment final de au
a agi comme une consonne.
Les arguments qui précèdent
permettent de considérer les mots occitans concernés comme un
ensemble cohérent, sans sonorisation de c,
t après au.
Pour p, on a trop peu
d'exemples pour faire des déductions. Pour f,
on n'a aucun exemple.
Pour s, la situation est complètement différente : il y a sonorisation en occitan après au (/s/ > /z/), avec des traitements dialectaux particuliers : aus > auv, av.
Par conséquent, dans les paragraphes qui suivent, je donne des scénarios avec pour hypothèse de travail :
• au réalisé *[aʋ̯], ce qui autorise une sonorisation (domaine d'oïl) (si la chronologie de F. de La Chaussée ci-dessus est juste) ;
• au réalisé *[aw], ce qui bloque la sonorisation (domaine d'oc) (comme dans la réflexion de J. Ronjat pour l'espagnol ci-dessus).
La notation phonétique *[aw] amène à réfléchir sur certains problèmes :
- Concernant la genèse de [aw], il est
possible que [aʋ̯] fût parfois réalisé [awʋ], voir
w épenthique inséré dans la diphtongue au.
On peut alors imaginer une syncope [awʋ] > [aw
- En Gaule du sud, il n'est pas impossible
que ce [w] évoluât selon le scénario : [
Vue d'ensemble sur -aucă-,
-aucŭ- :
En domaine d'oc, c
ne s'est pas sonorisé dans -aucă-,
-aucŭ-.
Cela est prouvé par :
- l'étude des dérivés (ci-dessus) ;
- l'étude des féminins (ci-dessus).
Il est remarquable que cette absence de sonorisation se trouve aussi
dans aucĕllŭm
> aucèu (ci-dessous).
En domaine d'oïl, il y a toujours eu sonorisation de c (suivie d'amuïssement). De plus il semble y avoir deux traitements dialectaux : -auc- > -ou- et - oi- (FEW 25:771b "auca"). Dans ce domaine se pose le problème de la chronologie sonorisation / monophtongaison :
- si la sonorisation a lieu après la monophtongaison, on a une sonorisation banale en français : par exemple : aucăm > *oca > a.fr. oue / oie ;
- si au se monophtongue après la sonorisation, cela implique que au s'est comporté comme une voyelle, contrairement à l'occitan.
Dans les langues voisines, en it, esp, cat, oca "oie" est sans doute issu partout d'une monophtongaison tardive au > ó , postérieure à la sonorisation (voir dates de la monophtongaison de au). De même pour it , esp poco , port pouco "peu". Ces langues montrent donc un traitement identique à l'occitan pour l'évolution de - c- dans -aucă-, -aucŭ-.
Ci-dessous je propose une étude de chaque mot latin concerné.
Pour oc auca
"oie", il n'y a pas eu de sonorisation de c
: l'évolution de c se réalise
comme si cette consonne n'était pas en position intervocalique. Jules
Ronjat (GIPPM-2 :71, voir ci-dessus)
propose un étymon latin ancien
La variante n.oc. aucha "oie" est cohérente avec ce scénario (ci-dessus).
Ainsi je pense qu'il y a eu une évolution directe :
lat
aucă(m) [awka]
> oc auca
(sans oublier l' origine
possible de [aw])
Dérivés :
aucat "oison", aucon "oison", auc "jars"
Pour le domaine d'oïl, la sonorisation (suivie d'amuïssement) s'est bien réalisée : aucăm > a.fr. oue ; également en fr-pr oya.
(La variante actuelle fr "oie" peut s'expliquer de diverses manières ; traitement dialectal, ou peut-être par influence de "oiseau" voir FEW 25:771b).
*craucă "terrain caillouteux,
stérile" (
(Les variantes et l'étymologie proviennent de FEW 2:1295b).
En occitan, AO crauca /
grauca "terre stérile" ne montre pas de sonorisation de -c-. Voir l'étude
des féminins ci-dessus.
Cela laisse supposer une évolution directe :
lat *craucă(m) [krawka] > AO crauca (sans oublier l' origine possible de [aw])
En domaine d'oïl, il y a une sonorisation
(suivie d'amuïssement) : craucăm
> poit. groie.
(Pour gr , voir
cr- > gr-).
glaucŭm, glaucam > AO glauc, glauca "glauque"
Cet adjectif semble
*mauka
"ventre" ou "intestins" ?
mauka serait d'origine
*mauka > AO mauca, maucha, maucut... maugueta, amaugueta "un des estomacs du ruminant".
Les dérivés sont tantôt avec /k/, tantôt avec /g/. L'origine
En espagnol et en italien, poco
< paucŭm montre l'absence d'une sonorisation (sinon on
aurait eu
Féminin :
Les féminins lim paucha
"servante", dial.C.
pauque "femme ou fille,
servante" (mot venant du sud ?) (FEW 8:53b) pourraient montrer qu'il n'y a pas eu
sonorisation. Voir l'étude des féminins
ci-dessus. Mais P. Fouché (PHF-f2 : 311) a supposé l'existence d'un étymon *paucca , qui entraîne la résistance
de /k/ à la sonorisation. Il invoque aussi un *pauccu
pour expliquer le wallon poc
"peu". Voir carte ALF:1007 : en wallon oriental (Vielsalm, Malmédy,
Dolhain en Belgique), "peu" se dit [pók], [póːk]. On pourrait aussi proposer une absence de
l' amuïssement
au stade /g/, suivi logiquement d'un renforcement
en position finale > /k/. Mais l'absence d'un wallon
Dérivés :
AO
pauquet, pauquetat, pauquẹza, pauca,
apaucar, espaucat.
L'étude des dérivés (ci-dessus) montre qu'il n'y a jamais eu de sonorisation de c en Gaule du sud.
Le scénario est donc très probablement l'évolution "directe" (sans sonorisation : scénario 1 ci-dessus) :
paucŭ(m)
*/pawkʋ/ (sans oublier l' origine possible de [aw]) |
|
> (V e siècle : -u > -ó) */pawkó/ | |
> (VIII
e s. : apocope)
*/pawk/ |
→ l , g pauc /pawk/ |
> (amuïssement consonne finale) */paw/ | → pr pauc /paw/, /pòw/ |
Pour la Gaule du nord, je donne le scénario de F. de La Chaussée :
- sonorisation derrière au (IPHAF :56) (mais voir ci-dessus : la chronologie est incertaine dans cette région) ;
- amuïssement de ɣ avec
paucŭ(m)
*/pa |
|
> */paʋ̯gʋ/ | |
> (vers
l'an 400 : sonorisations) */paʋ̯ |
|
> (au > ò) */pòɣʋ/ | |
> (amuïssement de ɣ
=> |
→ Alexis pou */pòʋ̯/ |
Pour pou > "peu", je donne le scénario de P. Fouché (PHF-f2 :309) :
*/pòʋ̯/ | |
> (assimilation d'aperture de ò avec ʋ) */póʋ̯/ | |
> (même évolution que flōrem depuis le stade /flóʋ̯ré/) */pë/ | → peu /pë/ |
L'AO rauc, rauch, avec ses dérivés montrent qu'il n'y a sans doute jamais de sonorisation de c.
Féminin :
Voir l'étude des féminins ci-dessus.
Le féminin nord-occitan raucha
"rauque" (TDF,
FEW 10:128b). Le masculin rauch
/rawt
Dérivés :
AO
rauquet, rauquejar, rauquezir, rauqu
L' étude des dérivés (ci-dessus) montre qu'il n'y a jamais eu de sonorisation de c en Gaule du sud.
Par contre en a.fr.,
il y a sonorisation
(suivie d'amuïssement) : raucŭs
> rois , roie
(f.), ro
; dér. a.fr. rouet
, fr "enrouer" (voir FEW 10:128b). Le français actuel "rauque" serait
un
Pour l'occitan il y a donc eu très probablement l'évolution "directe" (sans sonorisation) :
raucŭ(m) */rawkʋ/ > */rawkó/ > (VIII e s. : apocope) */rawk/
(sans oublier l' origine possible de [aw])
Pour l'AO,
pris isolément, trauc "trou"
< *traucŭm ne permet pas de
conclure sur une éventuelle sonorisation de c
(voir les deux scénarios ci-dessus).
Dérivés :
trauc → AO trauqu
aussi n.oc.m. trauchar (TDF, FEW 13/2:230b), trauchilhar FEW 13/2:231a)
L'étude des dérivés (ci-dessus) montre qu'il n'y a jamais eu de sonorisation de c en Gaule du sud.
Le latin médiéval traugum (Lex Ripuaria, VIII e siècle) est très intéressant : il représente sans doute une étape d'évolution en domaine d'oïl (et pays germaniques) vers le français "trou", avec sonorisation c > g derrière au. Le g sera par la suite spirantisé puis amuï (il l'était déjà sans doute en langue vulgaire dès le Ve siècle).
Pour l'occitan il y a donc eu très probablement l'évolution "directe" (sans sonorisation) :
*traucŭ(m) */trawkʋ/ > */trawkó/ > (VIIIe s. : apocope) */trawk/
(sans oublier l' origine possible de [aw])
Depuis les Hautes-Alpes jusqu'à l'Aveyron et au Cantal, on a le type aucèl, aucèu "oiseau". Ailleurs en général, on a le type ausèl, ausèt (carte 0938 de l' ALF).
- Le type avec aucèl, aucèu
montre une évolution /ké/ > /sé/ : voir deuxièmes
palatalisations (
- Le type ausèl, ausèt
montre une évolution /ké/ > /zé/ : voir troisièmes
palatalisations (
L'étude de aucĕllŭs paraît ainsi montrer un comportement variable de au selon la région. La sonorisation en domaine d'oc occidental semble rejoindre la sonorisation dans paupĕrĕm > paubre (ci-dessous).
Je propose les deux scénarios suivants :
voie 1 : aucĕllŭm
> aucèl, aucèu : palatalisation, pas de
sonorisation (au réalisé [a
aucĕllŭ(m) /awkéllʋ/
> (IIe-IIIe siècles :
2 es palatalisations) */aw
> (vers l'an 400 jusqu'à ? : sonorisation de c
/
> (u final > ó) /aw
> (VII e s. : dépalatalisation,
apocope)
*/awtsèl/
> (vers 1200 : désaffrication)
aucèl
/awsèl/
→ aucèl (
> (vocalisation de -l) aucèu /awsèʋ̯/, /ówsèʋ̯/ → aucèu (Provence)
voie 2 : aucĕllŭm
> ausèl : palatalisation, sonorisation (au
réalisé [a
* ăucĕllŭ(m) /aʋ̯kéllʋ/
> (1 e moitié du III e siècle :
3 es palatalisations) */aʋ̯
> (vers l'an 400 : sonorisation) * /aʋ̯
> (u final > ó) */aʋ̯
> (VII e s. : dépalatalisation,
apocope)
*/a
> (vers 1200 : désaffrication)
ausèl
/aʋ̯zèl/
> (consonification ʋ̯ > w?) ausèl
/awzèl/
→ ausèl
(l)
Pour le français :
aucĕllŭm > oiseau : monophtongaison précoce, palatalisation, puis sonorisation.
*aucĕllŭ(m) /aʋ̯kéllʋ/
> (1 e moitié du III e siècle :
3 es palatalisations avec i
diphtongal, et avec monophtongaison précoce ?) */ói̯
> (vers l'an 400 : sonorisation) */ói̯
> (fin V e s. :
u final > ó)
*/ói̯
> (VII e s. : dépalatalisation, apocope) */ói̯dzèl/
> (évolution de ói̯ se calquant sur meitié > "moitié")
*/ʋé̯dzèl/
> (vers 1200 : désaffrication, bascule des diphtongues) /ʋ̯ézèl/
> (étudier /èl/ > /ó/) /wazó/ oiseau
caupŭlŭm > AO caupol "sorte de navire"
Il est possible que ce mot présente une influence savante (absence de
syncope pŭl
> pl). Il faut remarquer que
Antĭpŏlĕm > Antíbol
"Antibes" montre une sonorisation de p,
mais pas caupŭlŭm > caupol
: effet de la diphtongue au ?
Pour les descendants de caupŭlŭm,
l'espagnol coble et l'ancien
breton caubal (
paupĕr "pauvre"
(devenu paupĕrŭs
au IV e siècle : FEW 8:59a)
paupĕrŭm > AO paubre ~ paupre ~ paure ~ praube, dér. paubret, empaurir, empaubrir, empaubrezir, paubrẹza, paurẹza, praubẹza...
En OM, dans
les deux tiers orientaux du domaine d'oc, le mot est paure.
À l'ouest on trouve surtout praube,
également paubre vers la
Dordogne et la Haute-Vienne (carte ALF :981). Praube provient de la
métathèse de paubre (voir type comprar > crompar). Le TDF
donne aussi bord praue
[prawé] (type gascon,
voir b intervocalique). Il y a
aussi un mystérieux pauber (DPF-H:818),
sans localisation géographique (peut-être a.g.,
de type negue(r) "noir").
Problèmes de la syncope et de la
dissimilation de labiales
La
En tout cas, je pense que la variante occitane la plus fréquente paure provient d'une dissimilation de labiales : sur les deux p présents, le second s'est effacé, que ce soit au stade *paupere, ou au stade *paupre.
Dans l'ouest du domaine d'oc, paubre (et son avatar praube) montrent bien une sonorisation de p, comme dans cabra/craba "chèvre". La sonorisation après au en domaine occidental semble en conformité avec la sonorisation de aucĕllŭ(m) > ausèu dans à peu près le même domaine. Voir ci-dessus aucĕllŭs.
La variante AO paupre
ne semble plus exister aujourd'hui. Jules Ronjat (GIPPM-2
:224) donne : "
(GIPPM-2 :374 "Loi VIII", r.g.f.d.a.) "De même encore le type très répandu paure (§ 344) s'explique non par un latin *pauv(e)ru à tous égards très improbable, mais par une dissimilation VIII ou XVI de paubre < paup(e)ru."
Dans tous les cas, s est sonorisé en français comme en occitan : /s/ > /z/.
Exemple :
causam
/ka
Voir aussi
aus + ĭ, ĕ en hiatus
> aus /aʋ̯z/ : *clausĭōnĕm
> clauson, nausĕăm
> AO
nauza, n
Il reste à expliquer le blocage de la sonorisation dans -auc-, -aup-, -aut- et non dans -aus-. La question n'est pas simple à résoudre. Voir
latin LPC
|
|
occitan
|
-s- | > | -z- |
ausăt |
|
ausa "(il) ose" |
causă(m) |
|
causa "chose" |
clausūră(m) |
|
AO clauzura "clôture ; enceinte" |
* lausă(m) |
|
lausa (pierre plate) |
pausăt |
|
pausa "(il) pose" |
|
|
|
Tableau : évolution de -aus- .
Certains mots dans plusieurs régions du domaine d'oc sont du type cauva,
cava (< causa) "chose" : voir /z/
intervocalique roman.
Le cas de -aut- est
semblable à -aucă-,
-aucŭ- ci-dessus : en domaine d'oc, t
n'est jamais sonorisé ; en domaine d'oïl, il y a eu en général
sonorisation de t (suivie
d'amuïssement). Dans ce domaine se pose le problème
de la chronologie sonorisation / monophtongaison. Je cite FEW 25:1176a (autŭmnŭs)
: "L'absence de sonorisation du -t-
dans la
Il faut rajouter le cas de la diphtongue grecque ευ /è
(1) ↑ Il s'agit de GRS1:358 (bibliographie DEAF) (ou GLR1:383) : "Partout, à l'exception de la France
du Nord, au exige un phonème
Selon FEW 25:1176a : "Au total [pour la France continentale]
seuls les représentants occitans de autumnus
de type autoun, dans le
sud-est, peuvent être
En tout cas, AO autọm
(et ses représentants actuels : auton
/awtʋ̃/,
/ówtʋ̃/),
pourraient très bien être des
cautŭs
"entouré de garanties ; qui se tient sur ses gardes", cautēlă
"défiance, précaution"
Il semble que ces mots soient passés aux langues romanes par la voie savante (français caut "avisé, rusé", XIIIe siècle, cautèle "ruse", vers 1270)
FEW 2:547b : (trad.all.) "comme pour les formes françaises, les formes it cauto, cat caut, esp port cauto sont aussi empruntées au latin".
Dérivés :
cautŭm, cautam > caut → cautęla (cautelọs, cautelozament), encaut (encautar, encautatiu) (mais FEW 2:547a : caudad "donné à caution", Toulouse, année 1179).
Comme il semble qu'on ait affaire à des mots empruntés au latin, on ne
peut pas conclure sur l'évolution phonétique.
fautŏr "celui qui favorise" (voir "fauteur de trouble")
(făvĕō, fāvī, fautŭm, făvēre
"être favorable")
fautōrem > AO fautor "fauteur"
C'est probablement un emprunt au latin (mais voir l'espagnol fautum > hoto in GLR1 :386)
Il est possible que *gaută
provienne d'une ancienne forme *gabŏtă,
*gabŭtă ( FEW 4:10a). Il y a plusieurs points obscurs sur
l'origine et l'évolution de *gaută
, mais toujours est-il qu'en occitan, le -t-
est conservé : gauta, (lim , d
, a) jauta.
Voir l' étude des féminins ci-dessus : au réalisé [aw] bloquerait la sonorisation.
En français il s'est sonorisé
puis amuï : "joue".
Le scénario en latin populaire serait (CNRTL "nautonier", FEW 7:57) :
n naută
*/nawta/, acc nautăm
( |
|
> n naută
*/nawta/, acc *nautānĕ(m)
( |
→ (dér) AO nautanier |
> n nautō */nawtoː/, acc *nautōnĕ(m) (1) | → AO *nauton
(selon moi, voir ci-dessous) → (dér) AO nautonier |
(1) Les formes *nautānĕm et *nautōnĕm entrent bien dans
le schéma de
En France, les représentants romans de nauta par la voie populaire sont :
- AO
nautanier, nautonier >
(
- a.fr. noon ; a.fr. noton
provient à mon avis d'un
De façon surprenante, FEW 7:57 tente d'expliquer la perte de t
dans noon par une analogie
avec noer "nager", alors cette
perte du t est
- AO
: CS nautre
/ CR nautọr
"nautonnier". Je pense qu'on peut raisonnablement poser un
Donc l'étude de la famille de naută
permet là aussi de montrer qu'il n'y a pas de sonorisation de t
après au en occitan. On peut
même déduire que la diphtongue au
empêche -tr-
Le cas de *paută
"patte" est difficile car il semble y avoir eu parfois une
(FEW 8:77b "pauta") : (trad.all.) "Parmi les dérivés classés sous 1, dans les régions où -t- devrait disparaître après au , on trouve aussi des formes avec -t- (par exemple "ang. norm. bmanc."), si bien qu'on doit admettre qu'à côté de la forme * pauta a existé une forme * pautta . Cela est probablement une forme renforcée par la gémination expressive de la consonne. Une distinction des deux types [* pauta et * pautta ] serait difficile à réaliser, puisque le comportement des occlusives intersyllabiques après -au- n'est pas clairement établi, faute d'un nombre suffisant d'exemples parallèles".
Le cas de plautŭs
"à pieds plats" est également délicat : des interactions avec le mot
précédent ont dû se réaliser, ainsi qu'avec plòt
"billot de bois" (< plautus
x m.néerl. block
: CNRTL "plot"). Les
descendants de plautŭs sont
assez localisés : ils sont représentés dans le sud-est de la France
(franco-provençal, nord-occitan, rarement dialectes d'oïl), en Suisse et
en Italie. Pour la France et la Suisse, ils ne montrent jamais de
sonorisation de t, par exemple
(FEW 9:53b) d
plauta "patte d'animal", Barc. piauta
"idem", Lyon plota
"patte d'un animal ; pied d'un meuble", Vien.
piaute "patte", for plotta
"patte d'animal", Gen.
piote "patte", sav. piottenâ
"trépigner". Par contre dans les dialectes italiens, certains
descendants sont sonorisés : (FEW 9:53b) Arb. piòda
"plaque de pierre", Côm.
piœuda "idem", mais piém., également Dante piota
"plante des pieds"... Il y a peu de représentants dans les dialectes
d'oïl ; W. von Watburg (ibid.) cite 89
ploute "berge de lavoir ;
poutrelle". Ainsi dans le domaine occitan et franco-provençal, il semble
ne jamais y avoir de sonorisation de t
dans les descendants de plautŭs
, mais il a pu y avoir
Voir l'évolution de la diphtongue eu grecque.
La diphtongue grecque a été assimilée à au
, et les attestations en AO sont taute,
tautenon "calamar".
Donc on constate que, là aussi, t n'est pas sonorisé après au en occitan.
Dans d'autres régions de la "Grande Grèce", le mot est aussi représenté : sic. tòtanu, cal. tòtanu, tòtinu, tòtaru, nap. tótare. Les pêcheurs italiens emploient aussi totano, todaro (treccani.it). La dernière variante est sonorisée (t > d).
Remarque : les groupes p + ĕ, ĭ + voyelle ont auparavant subi les premières palatalisations.
Pour la comparaison avec le français, voir évolution de p (clivage oc/oïl).
En
Schéma général :
p-
> p-
(rarement
p- > b- )
pr- > pr-
pl-
> pl-
(rarement pl- > bl-
)
D'après les cartes de l'
À noter souvent ch-
à Fontan (
Voir ci-dessous les types italiens cl- > ki-,
fl- > fi-.
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
p-
|
> | p- |
|
|
|
pāvōnĕ(m)
|
|
pavon "paon" |
paupĕrŭ(m)
|
|
paubre, paure "pauvre" |
pĕllĕ(m)
|
|
pèu "peau" |
pĭlŭ(m)
|
|
peu "poil" |
pŭngĕrĕ
|
|
pónher "piquer" |
pūrŭ(m)
|
|
pur "pur" |
|
|
|
p- |
> | b- |
portŭlācă(m)
|
|
bortolaiga "pourpier" |
|
|
|
|
|
|
pr-
|
|
pr-
|
|
|
|
prædă(m)
|
|
presa "proie" |
prātŭ(m)
|
|
prat "pré" |
prĕhĕndĕrĕ
> prēndĕrĕ
|
|
prendre "prendre" |
prĕtĭŭ(m) |
|
pretz "prix" |
Prōvĭncĭă(
m) |
|
Provença "Provence" |
|
|
|
|
|
|
pl-
|
|
pl-
|
|
|
|
plānă(m)
|
|
plana "plaine" |
plēnŭ(m)
|
|
plen "plein" |
plŏvĕrĕ
|
|
plòure "pleuvoir" |
plūmă(m)
|
|
pluma "plume" |
|
|
|
pl- |
|
bl- |
plătănŭ(m) |
|
blai "érable à feuilles d'obier" |
|
|
|
Tableau : évolution de p, pr, pl à l'initiale.
Schéma général :
-Cp- > -Cp-
-Cpr- > -Cpr-
-Cpl- > -Cpl-
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
- C p- |
> | - C p- |
|
|
|
impĕrātŏr |
|
emperaire "empereur" |
sĕrpĕntĕ(m)
|
|
serpènt "serpent" |
tălpă(m) |
|
taupa "taupe" |
|
|
|
|
|
|
- C pr- |
> | - C pr- |
|
|
|
adprŏpĭārĕ
> apprŏpĭārĕ
|
|
aprochar "approcher" |
*ĭmprĕhĕndĕrĕ
|
|
AO
empr |
|
|
|
|
|
|
- C p |
> | - C pr- |
|
|
|
cŏmpărārĕ > |
|
AO comprar > OA crompar "acheter" |
rŭmpĕrĕ > |
|
rompre "rompre" |
sēpărārĕ > |
|
sebrar "séparer" (voir
"sevrer") |
|
|
|
|
|
|
- C pl- |
> | - C pl- |
|
|
|
amplŭ(m)
|
|
ample |
complĕrĕ
|
|
complir |
tĕmplŭ(m)
|
|
tèmple |
simplĭcĕm
|
|
semple |
|
|
|
Tableau : évolution de p, pr, pl après consonne.
Pour la comparaison avec le français, voir évolution de p (clivage oc/oïl).
Schéma général :
p > b
pr > br
pl > bl
Voir aussi comparaison occitan / français.
(GIPPM-2 :81)
Schéma général :
p > b
p > b > v (quelques régions alpines et auvergnates)
-p- > -b- > -p (si b parvient en position finale par apocope)
Voir aussi comparaison occitan / français.
Détails :
Vers l'an 400, p
intervocalique est sonorisé
en b ; de même les muta
cum liquida : pr > br
et pl > bl ( IPHAF :44). De même pour les muta
cum liquida
Évolution de type français (p > b > v) :
Je cite GIPPM-2 :81 (e.d.l.a.) "Le changement de p en v s'observe le long de la ligne de faîte des Alpes et sur une bande de terrain au Nord, des Alpes jusque vers l'Auvergne ; plus à l'Ouest au contraire p > b s'étend assez loin au Nord en domaine français".
(Ronjat : GIPPM-2:81 et suivantes).
Vers le VII e siècle, au moment des apocopes, si b parvient en position finale, il "redevient" p (durcissement des consonnes devenues finales) : lŭpŭm > */lóbó/ > */lób/ > lop.
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
|
|
|
-p-
|
> | -b- |
|
|
|
Antĭpŏlĕ(m) |
|
Antíbol "Antibes" (1) |
ăpĭcŭlă(m) |
|
abelha "abeille" (2) |
ăpŭd
|
|
* abó > AO ab
"avec" |
adrīpārĕ
|
|
arribar "arriver" |
căpĭllōs
|
|
cabèus "cheveux" |
cæpă(m)
|
|
ceba (oignon, voir "cive") |
crĕpārĕ
|
|
crebar "crever" |
lŭpă(m) |
|
loba "louve" |
nĕpōtĕ(m)
|
|
nebot "neveu" |
rāpă(m)
|
|
raba "rave" |
rīpă(m)
|
|
riba "rive" |
săpă(m)
|
|
saba "sève" |
săpērĕ
|
|
saber "savoir" |
sāpōnĕ(m) |
|
sabon "savon" |
sāpōrĕ(m) |
|
sabor "saveur" |
scōpă(m) |
|
escoba "balai" |
* trĭpālĭārĕ |
|
trabalhar "travailler" |
* trŏpārĕ |
|
trobar "trouver" |
|
|
|
|
|
|
En position finale (voir
p : durcissement de
la consonne devenue finale) |
||
-p- |
> |
-p |
lŭpŭ(m) |
|
lop "loup" |
|
|
|
Tableau : sonorisation de p intervocalique.
(1) Pour Antĭpŏlĕm ,
remarquer la différence d'évolution avec
Grātĭānŏpŏlĕm > Grenòble
(ci-dessous).
(2) Pour ăpĭcŭlă, le
français "abeille" est un
(Le
En
Occitan :
Le latin ăpŭd a donné l'AO ab "avec", puis l'OM amé, ambé, emé, etc.
ăpŭd
*/ap
> */ab
> */abó/
> AO ab
> ambé,
amé...
Français :
Le latin ăpŭd
a donné l'a.fr.
En français (d'après PHF-f3:659) :
*/ap
> */abʋ/
> */a
> */a
> (avant -ʋ
> -ó) */a
> (au > ò, ó en position
atone) /ó/ → a.fr.
> (épenthèse de consonne devant initiale vocalique) → a.fr. od, ot...
ob utilisé dans Léger pourrait provenir d'un croisement avec la forme ab, voir remarque ci-dessous (PHF-f3:659, remarque IV).
Remarque.
Deux textes a.fr.
comportent ab (
L'autre forme commune pour dire "avec" provient de
> *apŏque
> (diphtongaison romane) avuec
> (réduction de diphtongue) "avec".
Schéma général :
pr
, p
pr,
p
Voir aussi comparaison occitan / français.
Exemples :
latin LPC
|
|
occitan
|
|
|
|
-pr- | > | -br- |
aprīcārĕ |
|
abrigar "abriter" (1) |
ăprīlĕ(m) |
|
abrieu "avril" |
căpră(m) |
|
cabra "chèvre" |
|
|
|
-p |
> | -br- |
jŭnĕpĕru(m)
> |
|
genèbre "genièvre" |
lĕpŏrĕ(m)
> |
|
lèbre "lièvre" |
ŏpĕră(m)
> |
|
òbra "œuvre" |
paupĕrĕ(m) > |
|
paubre (> paure) "pauvre" |
pĭpĕrĕ(m) > |
|
pebre "poivre" |
|
|
|
|
|
|
Tableau : sonorisation de pr intervocalique.
Schéma général :
pl
, p
Exemples :
latin LPC
|
|
occitan
|
|
|
|
-pl- |
|
|
dŭplŭ(m) |
|
doble "double" |
|
|
|
-p |
> | -bl- |
căpŭlŭ(m) |
|
cable "câble" |
cōpŭlă(m) |
|
coble "couple" |
Grātĭānŏpŏlĕ(m) |
|
Grenòble "Grenoble" (1) |
stŭpŭlă(m) |
|
estobla "éteule" |
|
|
|
Tableau : sonorisation de pl intervocalique.
Remarque : les groupes t + ĕ, ĭ + voyelle ont auparavant subi les premières palatalisations .
Pour la comparaison avec le français, voir évolution de t (clivage oc/oïl).
En
Schéma général :
t-
> t-
tr- > tr- (tr- > dr-)
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
t-
|
> | t- |
|
|
|
tăbŭlă(m)
|
|
taula "table" |
tēlă(m)
|
|
tela "toile" |
tīnă(m)
|
|
tina "cuve à vin" |
tondērĕ
> *tondĕrĕ
|
|
tondre "tondre" |
tūtārī
> *tūtārĕ
|
|
AO
tudar, tuar "tuer" |
|
|
|
tr-
|
|
tr-
|
|
|
|
trăgŭlā(m)
|
|
tralha "traille (corde)"
|
gaul trĕbārĕ
|
|
trevar "fréquenter (un
lieu)" |
trēs |
|
tres "trois" |
trīstĕ(m)
|
|
triste "triste" |
* trŏpārĕ
|
|
trobar "trouver" |
|
|
|
|
|
|
tr- |
|
dr- |
trăgŭlā(m) |
|
dralha "chemin pour les
moutons" |
|
|
|
Tableau : évolution de t, tr à l'initiale.
Schéma général :
-Ct- (lt, nt, rt, st, xt) > -Ct-
-ct-
> -it-, -ch-
-pt-,
-dt- > -tt- > -t-
-Ctr- > -Ctr-
-ttr-
> -tr-
-st
En français, il faut signaler
l'évolution parfois observée -rt-
> -rd- : voir Gortona
(I er siècle) > Gordonicum
castrum (année 1012) (ancien nom de Sancerre, 18), monasterium
Gurthonensim (VI e siècle) > "Gourdon", 71 (TGF1 :55). Il est possible que ce type
d'évolution ait eu lieu aussi en occitan, à étudier.
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
-C t- (lt, nt, rt, st, xt) |
> |
- C t-
|
|
|
|
altŭ(m) |
|
alt > aut "haut" |
Antĭpŏlĕ(m)
|
|
Antíbol "Antibes" |
cantārĕ
|
|
cantar "chanter" |
crŭstă(m) |
|
crosta "croûte" |
extĕndĕrĕ |
|
estèndre "étendre" |
partīrĕ
|
|
partir "partir" |
|
|
|
-ct- |
|
-it-, -ch-
|
(voir
ct > it, ch
) |
||
lāctūcă(m) |
|
laituga, lachuga "laitue"
|
|
|
|
-pt- |
|
-t- |
* Aptŭm (Aptă)
|
|
At(e) "Apt" (84) |
aptŭ(m)
|
|
AO
at "besoin" |
rŭptŭm
|
|
rot "rompu" |
|
|
|
-tt- (< adt- > att-) |
|
-t- |
attĕndĕrĕ
|
|
atèndre "attendre..." |
attĭngĕrĕ
|
|
aténher "atteindre" |
|
|
|
|
|
|
- C
|
> |
(variable) |
(voir
consonne- T )
|
||
|
|
|
- C tr- |
> | - C tr- |
castrārĕ
|
|
castrar, crestar ...
"castrer" |
cŏntrā |
|
còntra "contre" |
extrăhĕrĕ
|
|
estraire "extraire" |
ĭntrārĕ
|
|
entrar "entrer" |
|
|
|
-ttr-
(adtr- > attr-) |
> | -tr- |
ăttrăhĕrĕ
|
|
atraire "attirer" |
|
|
|
|
|
|
- C t |
> | - C tr- |
ĭntĕr
|
|
entre "entre" |
a.b.fr.
martar
|
|
martre "martre" |
marty̆rĕ(m), marty̆ră(m)
|
|
AO
martre, martra "martyre"
|
n. pastŏr, ac. pastōrĕ(m) |
|
AO
CS
pastre / CR past |
n. sartŏr, ac. sartōrĕ(m) |
|
AO
CS
sartre / CR sart |
|
|
|
-st *-stl- (emprunt) |
> | -scl- |
(voir
altération analogique stl
> scl ) |
||
* ărĭstŭlăm
|
|
arescle, ariscle
"éclisse" |
ūstŭlārĕ
|
|
usclar "brûler" |
|
|
|
gaul. *bistlos |
|
AO
b |
|
|
|
|
|
|
(ăpŏstŏlŭm) |
|
(apòstol "apôtre") |
|
|
|
Tableau : évolution de t, tr, tl après consonne .
Le groupe tl n'existe pas
dans les schémas consonantiques du latin (voir
muta cum liquida). Ce
groupe est donc forcément secondaire (t
Pour la comparaison avec le français, voir évolution de t (clivage oc/oïl).
Schéma général :
t
> d (∅ en vivaro-alpin
ci-dessous, et rarement /z/)
tr > /i̯r/ (rarement dr)
t
(GIPPM-2 :82)
Schéma général :
t > d
t
> d >
-t- > -d- > -t (si d parvient en position finale, ci-dessous)
Parfois :
t > /z/ (ci-dessous)
t (atone) > ∅ (ci-dessous)
Détails :
Vers l'an 400, t
intervocalique est sonorisé
en d
dans le futur domaine d'oc, comme dans toute la
Dans la majeure partie du domaine d'oc, cette évolution s'arrête au stade d, tout comme en espagnol, catalan et portugais (tableau synthétique de d et t intervocalique).
Mais en vivaro-alpin,
l'évolution de d se poursuit
jusqu'à son
Remarque : en Italie du nord, t intervocalique s'amuït
aussi : "(...) avec amuissement du
Vers le VIIe siècle, au moment des apocopes, si d parvient en position finale, il "redevient" t (durcissement des consonnes devenues finales) : prātŭm > *prado > *prad > prat.
Incertitudes sur la datation t > d
Pour
la sonorisation de t
: près du domaine catalan, pour
le fleuve "Aude" (
Concernant le nord-est de la France, on peut citer Martina Pitz (PMJNH:11) : (j.m.c.g.) "(...) l’accomplissement de la sonorisation des occlusives sourdes intervocaliques, fait phonétique intervenu relativement tard, à savoir à partir du 7e siècle, dans les parlers du nord-est du domaine d’oïl, d’après les recherches de Max Pfister (1992)".
Voir aussi ci-dessous l'évolution tr > ir attestée "entre les années 560 et 675 environ".
latin LPC
|
|
occitan
|
-t- | > | -d- |
-ātă(m) (amātăm) |
|
-ada "-ée" (amada "aimée) |
-ātōrĕ(m) (ĭmpĕrātōrĕm) |
|
-ador "-eur" (emperador "empereur") (1) |
-ātōrĭŭ(m) |
|
-ador "-oir" (tirador "tiroir") (2) |
*batārĕ |
|
badar "béer ; bâiller" |
bētă(m) |
|
bleda "blette" |
cătēnă(m) |
|
cadena "chaîne" |
căthĕdră(m) |
|
cadiera "chaise" |
fātă(m) |
|
fada "fée" |
fătīgārĕ |
|
AO se fadiar "s'efforcer en vain" |
fātŭŭ(m) |
|
AO fat "sot, niais" |
fœtă(m)
|
|
feda "brebis" |
gaul Lŭtēvă(m) |
|
Lodeva "Lodève" (34) |
mātūrŭ(m) |
|
madur "mûr" |
mūtārĕ |
|
mudar "muer" |
nātālĕm
|
|
nadau "noël" |
nătārĕ |
|
nadar "nager" |
*oblītārĕ |
|
oblidar "oublier" |
rŏtă(m)
|
|
ròda "roue" |
rŏtŭndŭm
> *rĕtŭndŭ(m) |
|
redon "rond" (voir aussi
rezonhar
ci-dessous) |
gaul Rŭtēnŏs |
|
Rodés "Rodez" (12) |
sætă(m)
|
|
seda "soie" |
sternūtārĕ
|
|
esternudar "éternuer" |
vītă(m) |
|
vida "vie" |
|
|
|
dialecte vivaro-alpin | ||
-t- | > | ∅ |
Catŭrrĭgăs > Catorigas >
*Caorgas > *Caurgas (3) |
|
Chòrjas "Chorges" (05) (3) |
|
|
|
|
|
|
-aut- + voyelle |
|
-aut- + voyelle |
(voir
blocage de la sonorisation dans -aut-
) |
||
*gaută(m)
|
|
gauta "joue" |
|
|
|
cas de syncope |
||
-ātŏr > *-ātre (ĭmpĕrātŏr) voir ci-dessous -t'r- |
|
-aire "-eur" (emperaire "empereur") (1) |
vĕtŭlŭ(m) > *vĕtlŭ voir ci-dessous -t'l- |
|
velh > vielh "vieux" |
|
|
|
En position finale (voir
t : durcissement de
la consonne devenue finale ) |
||
prātŭ(m)
|
|
prat "pré" |
|
|
|
|
|
|
Tableau : évolution de t intervocalique .
(1) -ātōrĕ(m)
et -ātŏr
sont respectivement la forme accusative et la forme nominative du même
suffixe, voir ci-dessous
(2) -ātōrĭŭm suit l'évolution de r + ĭ, ĕ en hiatus (en finale).
(3) Caturrigas est donné
dans IA, Catorigas
dans IB (IAAH :323).
(GIPPM-2 :83)
Pour le t intervocalique
latin, certains mots occitans ne suivent pas le modèle ci-dessus (t > d), mais montrent une
évolution t > /z/ : spăthăm
> espasa "épée", crātīcŭlăm > grasilha
"grille, gril", quătĕrnī
> AO caz
Le CNRTL et le DHLF donnent à AO caz
Voir aussi une autre explication à la note ci-dessous : casèrna.
Jules Ronjat, en reprenant Maurice Grammont, proposait comme explication de ces mots en /z/, un processus d'emprunts de parler à parler. GIPPM-2 :83-84 : "un parler où t, d sont en train de devenir d, z transforme en grazir un *gradir emprunté à un parler où t, d > d, z est déjà un fait accompli."
Les détails de ce raisonnement ne peuvent pas être donnés, en raison des incohérences de "l'ancien raisonnement" (raisonnement sur d et t).
(juillet 2019)
Le scénario de J. Ronjat et M. Grammont ci-dessus peut être ajusté au
regard d'une valeur /
Par exemple *grātīrĕ (de grātŭs) aurait évolué en gra
-t-
> (vers l'an 400 :
sonorisation) -d-
> (VI e siècle : spirantisation : nord)
/
Il faut remarquer que le a
Pour pŏtestātĕm
"puissance", je pense qu'il est possible de faire intervenir une dissimilation
ancienne : pŏtestātĕm > pŏdestātĕm
/po
Pour Rŭthēnĭcŭm
"Rouergue" et spăthăm "épée",
n'est-il pas possible d'envisager une prononciation /
Tableau des mots recensés :
latin LPC
|
|
occitan
|
-t-
|
> |
/z/ |
*ālūtă(m) |
|
aluda / alusa "fourmi
ailée" |
*crātālĕ(m) |
|
grasau "grand plat ;
graal ?" (1) |
crātĕ(m) |
|
grasa "claie" (1) |
crātīcŭlă(m) |
|
grasilha "grille" (1) |
grātŭ(m) |
|
→ grasir / gradir "accueillir avec faveur" |
pŏtestātĕm |
|
AO podestat / pozestat / poestat "puissance" |
pl.n.
quătĕrnă |
|
casèrna "caserne (e.o.)" (2) |
quătĕrnī |
|
AO
caz |
rĕtŏrtă(m) |
|
AO
red |
*rĕtŭndĭārĕ |
|
AO redonhar / rezonhar "rogner"(redon ci-dessus) |
Rŭthēnĭcŭ(m) |
|
AO Rodergue / Rozergue / Roergue "Rouergue" |
spăthă(m) |
|
espada / espasa "épée" |
|
|
|
Tableau : évolution t intervocalique > /z/.
(1) Pour les mots latins en crā-,
voir
cra- > gra- .
(2) Pour casèrna , certains auteurs préfèrent un dérivé de casa "maison" sur le modèle de "caverne", "taverne" (EWRS1:91, DEO:200, 201).
Pour quelques mots, on observe que t intervocalique latin > ∅ dans le sud du domaine d'oc, où normalement t > d.
(GAP:150)
: "Enfin dans certains mots, t
intervocalique est tombé sans laisser de traces après une voyelle
labiale, o ou un i
:
● On note le phénomène surtout quand t
est dans une syllabe
- peut-être Ar(ĕ)lātĕ(m) > *Arlate ou *Arlite > *Arlete > *Arlee > Arle "Arles" (voir Arĕlatĕm)
-
lēgĭtĭmŭ(m) > lèime (lèime
à "Évolution des proparoxytons")
- mītĭgārĕ > miar / mītĭgăt
> mia
- plătănŭm : πλάτανος (plátanos) > *blătănŭm > *blătĭnŭm > *blaenu > *blainu > blai (comme plantāgĭnĕm > *plantaine > pr.ma. plantai) ; l'étape *blaenu est étayée par l'attestation blave (ALF:478 "érable" pla06), qui montre une résolution d'hiatus par insertion de v ;
ou bien :
*blătĭnŭm > (t > /z/) *blazenu > (z > ∅) blai comme *asenu > ai (la forme avec z : blazi, est attestée en rouerg).
Il faut exclure une syncope *blătănŭm
>
- pŏtestātĕm > poestat : voir pŏtestātĕm ci-dessus.
- Sātŭrnīnŭm
> *Saornin > Savornin, Sernin, Sarnin ; pour Savornin,
il y a résolution
d'hiatus par insertion de v
; pour Sernin, Sarnin il y a
- sătŭrējăm >
(l) sauriueja,
sauriaja, fr.pr. savoriá...
Pour savoriá, il y a résolution
d'hiatus par insertion de v.
- trītĭcŭm : bien que sans descendance connue en domaine d'oc, je rajoute trītĭcŭm "froment, blé" ; son évolution s'apparente à mītĭgārĕ ci-dessus (mītĭgăt > mia) : trītĭcŭm > esp, port trigo, log trigu, nuor tricu, Côme triga (contre Bormio tridik, obw. tredi, a.sard. tridigu) (FEW 13/2:308b).
● Dans quelques car plus rares, on note le phénomène quand t est dans une syllabe tonique :
- Aquītānăm > lim Aiguiana /aygiyano/a/, oc Guiana /giyano/a/ "Guyenne" /güiyèn/ (voir uy > üiy en français)
- Pour
Rŭthēnĭcŭm
> AO
Rodèrgue / Roèrgue / Rozèrgue
"Rouergue", je propose de traiter ce mot à part (ci-dessus).
Pour le groupe -tr-, je cite
GIPPM-2 (p. 220) : "
Voir le tableau de comparaison avec le français dans la partie 1 (ici).
D'après NAPG, (
GIPPM-2 cite un certain nombre d'exceptions dans des dialectes nord-occitans : medre < met(e)re, tonèdre < tonitru, teissedre < texitor , noms de famille Teissèdre, Sudre < sūtor, Péchadre < peccātor , etc., (pr) cocedra < culcitra, sadrèia < sat(u)reja . L'auteur propose une analogie avec -dor < -tōre (analogie que je ne comprends pas bien) ou bien une influence savante (pour cocedra et sadrèia : "mots de deuxième couche").
Pour certains mots latins masculins, une autre explication pourrait être l'apocope après muta cum liquida (nĭgrŭm > negre).
Tableau : évolution de tr intervocalique .
(1) Le fr. "araire" est un emprunt du XIII e siècle à l'AO (CNRTL).
(2) Pour arbĭtrĭŭm, FEW 25:87b donne un i long : arbītrĭŭm. Ce i long n'est pas justifié (voir la racine arbĭtĕr et la discussion dans DOM "albire").
(3) : -ātōrĕ(m)
et -ātŏr
sont respectivement la forme accusative et la forme nominative du même
suffixe, voir ci-dessus
(4) Pour būtȳrŭm "beurre", l'accent tonique respecte l'accent de l'étymon grec, en opposition avec les règles de l'accent latin (voir emprunts au grec).
Le groupe
(1)
Altération par analogie sur le groupe kl
, puis évolution en /
(2) soit subir des traitement divers pour aboutir à /l/, /
latin LPC
|
|
occitan
|
|
|
|
-t |
> |
/ |
bŏtŭlŭ(m) > *bŏtlŭ |
|
AO
b |
căpĭtŭlŭ(m) > *căpĭtlŭ |
|
cabelh "épi" capítol "chapitre" (2) |
vĕtŭlŭ(m) > *vĕtlŭ |
|
velh > vielh "vieux" |
|
|
|
-t |
> |
/l/, /ll/, / |
spăt(h)ŭlă(m) |
|
espala (espatla) ; l , a espalla
; l ,
g espaula
; l , d espanla
"épaule" |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tableau : évolution de tl intervocalique . ( En rouge : voie savante).
(1) pour bŏtŭlŭm , AO b
(2) pour căpĭtŭlŭm > capítol,
l'évolution semble "plus savante" que dans
Antĭpŏlĕm > Antíbol
puisque le p latin est
conservé dans le premier, mais il est sonorisé en b
dans le second.
Voir
évolution de d en regard de
celle de t .
Le latin classique n. căpŭt,
ac. căpĭtĕm, gén. căpĭtĭs a été
refait en
(Par contre, la racine
Selon Pierre Fouché (PHF-f3:657) : "Dans le latin du Nord de la Gaule,
comme partout ailleurs, on a eu *capu
au lieu de caput ; d'où v.fr. chief,
auj. chef."
Sans aucun doute, l'auteur veut dire comme ci-dessus que ac. capu(m)
a remplacé ac. căpĭtĕm, d'où
"chef" (a > e,
Ainsi dans căpŭt, on ne
dispose pas d'indice pour apprécier l'évolution phonétique de
Remarque :
P. Fouché regroupe la forme conjuguée at
< (hăbĕt) "il a" avec et
et aut
("monosyllabes") (PHF-f3:658-659). Pour le sud de la Gaule, le
latin vulgaire at < (hăbĕt)
suit le modèle des verbes conjugués cantăt, cantănt... : le
Pour le latin et, aut "ou", le scénario que je propose est semblable à celui de P. Fouché pour le français (PHF-f3:658-659). Je rajoute certains aspects notamment pour le domaine d'oc.
Voici mon scénario :
Plus tard, devant initiale consonantique,
Par contre devant initiale vocalique,
- En domaine d'oc, en
évoluant en z vers le XIe
siècle. Ce
- En domaine d'oïl, "d'où le français le
plus ancien ɑ
Remarque : l'orthographe française actuelle est "et" : il s'agit d'une graphie latinisante. "Et" est toujours prononcé [é], même devant voyelle (il n'y a pas de liaison). Par contre en a.fr., une consonne a dû être prononcée devant voyelle, voir ci-dessous.
Les variantes AO e, ez, es, ed sont attestées (DOM). (Également etz, i, pour i voir ea > ia). La variante ez [éz] était employée (PSW 2:311a) devant des mots à initiale vocalique :
E pueish las barbacanas els novels bastimens / An lhivradas als comtes ez als baros prendens (CroisAlb-1228:9455-56) = (prop.tradu.) Et puis les barbacanes et les nouveaux bâtiments / Ont livrés aux comtes et aux barons prenant.
Année 1375 : (...) los Bretons que son en Venaisin e-z-en Proensa (HLPA:83) = (...) les Bretons qui sont en Venaissin et en Provence (livre de raisons de Jean Teisseire, marchand de cordes, chanvres et sparterie).
Dans SFoi, "et" devant voyelle est écrit et
; cette orthographe est sans doute latinisante mais une consonne était
bien prononcée (sans doute
Ab elz concordan Hiebuseu / Et
Arabid e Ferezeu
Herminin tegrun tot lur feu / Et
Amazonas e Pigmeu,
Hermafroditas et Hebreu / E Corbarin et
Amorreu (fac s. SFoi:486-491
in CSFA:30).
Avec eux concordent Jébuséens / Et Arabes et Pharisiens.
Arméniens tinrent d'eux tout leur fief / Et Amazones et Pygmées,
Hermaphrodites et Hébreux / Et Corbarins et Amorrhéens (CSFA:31).
De même dans PassClerm, en dehors de &, on a et devant voyelle et e devant consonne :
41 Canten li|gran e|li|petit [...]
46 et el la|vid el las|garded [...] (fac s. de PassClerm)
Chantent les grands et les petits [...]
Et qu’il la vit, il la regarda [...]
Mais
65 Cum cho ag dit et per cuidat [...]
Après qu’il eut dit ceci, et haut répété [...]
Les variantes AO
Tug li rim o son estramp. oz acordan. oz ordinal. o dictional = Toutes les rimes sont ou estrampas (c'est-à-dire, estropiées, boiteuses), ou accordantes, ou ordinales, ou dictionnelles (LeysAm in LeysAmG 3:144-145)
Voir pour l'occitan :
Remarque 1 : avant les
sonorisations, les sons latins ke, ki
en
Remarque 2 : avant les sonorisations, les groupes kĕ, kĭ + voyelle ont subi les premières palatalisations.
Pour la comparaison avec le français, voir évolution de c(k) (clivage oc/oïl).
Schéma général :
ca- | >
|
s-o ca- / n-o cha- | (ga-
/ ja-) |
co-, cu- | >
|
co-, cu- | (go-,
gu-) |
ce-, ci-
/ké/, /ki/ |
> |
ce-, ci-
/sé/, /si/ |
|
|
|
|
|
cr-
|
>
|
cr-
|
(gr-)
|
cl-
|
>
|
cl-
|
(gl-)
|
|
|
type arverno-suisse :
[ |
|
|
|
type italien : [ky]-
|
|
(carte 0301 de l'ALF "clé"). Pour une grande bande ouest-est
depuis la Charente-Maritime et la Loire-Atlantique où la bande est en
pointillé, jusqu'en Suisse où la bande est très large, à cheval sur les
domaines d'oc et d'oïl, et en domaine franco-provençal, on rencontre
l'aboutissement noté [
(carte 0301 de l'ALF "clé")
Depuis le Morbihan, la Charente-Maritime, puis en descendant vers le
domaine d'oc jusqu'au nord de Vaucluse (où j'ai enregistré quiar
pour clar "clair"), puis en
formant un grand coin jusqu'en Meurthe-et-Moselle et en Italie :
l'aboutissement est souvent de type italien [ky]- (quiar
[kyar] pour clar "clair"). Ce
type et le type précédent (arverno-suisse) s'interpénètrent largement.
Voir les types italiens pl-
> pi- ci-dessus, et fl- > fi- ci-dessous.
À noter le type ch-
à Fontan (06) : [t
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
ca-
|
> |
s-o ca- / n-o
cha-
|
( n-o cha- : quatrièmes palatalisations ) | ||
cannăbĕ(m)
|
|
s-o canebe
/ n-o
chanebe "chanvre" |
c a
pră(m) |
|
s-o cabra
/ n-o chabra
"chèvre" |
|
|
|
co-,
cu- |
> |
co-,
cu- |
cŏllŏcārĕ
|
|
colcar, cochar "coucher"
|
cōrtĕ(m)
|
|
cort "cour" |
cŭrsŭ(m)
|
|
cors "cours" |
cūră(m)
|
|
cura "cure" |
|
|
|
|
|
|
ce-,
ci- /ké/, ki/ |
> |
ce-,
ci- /sé/, /si/ |
(voir deuxièmes
palatalisations ) |
||
cēpă(m)
|
|
ceba "oignon" |
cervŭ(m)
|
|
cèrv "cerf" |
cīcādă(m) |
|
cigala "cigale" |
cĭrcŭlŭ
(m) |
|
ceucle, cercle "cercle" |
cīvĭtātĕ(m)
|
|
ciutat "cité" |
|
|
|
|
|
|
ca-, co- |
> |
ga-, go-
|
căvĕă(m)
|
|
gabia "cage" |
cŏrbĭcŭlă(m)
|
|
gorbelha "corbeille" |
|
|
|
|
|
|
cr-
|
> |
cr-
|
crēdĕrĕ
|
|
creire "croire" |
crĕpārĕ
|
|
crebar "crever" |
crētă(m)
|
|
creda "craie" |
chrĭstĭānŭ(m)
|
|
crestian "chrétien" |
crŭcĕ(m)
|
|
crotz "croix" |
crūdŭ(m)
|
|
crus, crut "cru" |
|
|
|
|
|
|
cr- |
> |
gr- |
crassŭ(m) |
|
gras "gras" |
crŏcŭ(m) |
|
AO
gr |
|
|
|
|
|
|
cl-
|
> |
cl-
|
clārŭ(m)
|
|
clar "clair" |
claudĕrĕ
|
|
claure "clore" |
clāvĕ(m)
|
|
clau "clef" |
clērĭcŭ(m) |
|
clerc "clerc" |
clīnārĕ
|
|
clinar "incliner,
pencher" |
clūdĕrĕ
|
|
AO cluire "clore" |
|
|
|
|
|
|
cl- |
> |
gl- |
(voir
transformation de cl-, cr-
)
|
||
|
|
glaira "glaire" |
Claudĭŭ(m)
|
|
Glaudi... "Claude
( |
|
|
|
Tableau : évolution de c, cr, cl à l'initiale.
Schéma général :
-Cca- | >
|
s-o -Cca- / n-o -Ccha- |
-Cco-, -Ccu- | >
|
-Cc(o-), -Cc(u-) |
|
|
|
|
|
|
-CcĕV-,
-CcĭV- /CkéV/, /CkiV/ |
> |
-CçV-,
-CçV-
... /CsV/, /CsV/ |
|
|
|
-CceC-,
-CciC-
/CkéC/, /CkiC/ |
>
|
-CceC-,
-CciC-
... / C sé C /, / C si C / |
|
|
|
|
|
|
-Ccr-
|
>
|
-Ccr-
|
-Ccl-
|
>
|
-Ccl-
|
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
-Cca- |
|
s-o -Cca- / n-o - Ccha- |
( n-o - C cha- : quatrièmes palatalisations ) | ||
brĭscă(m)
|
|
bresca / brescha "rayon de miel" |
ēscă(m)
|
|
esca / escha "appât ; arénicole" |
*discalcĕŭ(m)
|
|
descauç / deschauç "pieds nus" |
scālam
> *iscālam
|
|
escala / eschala "échelle" |
|
|
|
-Cco-, -Ccu- |
> |
-Cc(o-), -Cc(u-) |
brūscŭ(m)
|
|
brusc "ruche" |
ĕpīscŏpŭ(m)
|
|
evesque "évêque" |
ĭndĕūsquĕ
|
|
enjusca "jusque" |
lĕntīscŭ(m)
|
|
AO lentisc "lentisque" |
viscŭ(m)
|
|
vesc, visc "glu" |
|
|
|
-CcĕV-,
-CcĭV-
/CkéV/, /CkiV/ |
> |
-CçV-, -CçV- ... /CsV/, /CsV/ |
(voir premières palatalisations ) | ||
călcĕārĕ
|
|
cauçar "chausser" |
lăncĕăm
|
|
lança "lance" |
|
|
|
|
|
|
-CceC-,
-CciC- /CkéC/, /CkiC/ |
> |
-CceC-, -CciC-
... /CséC/, /CsiC/ |
(voir deuxièmes
palatalisations ) |
||
baccīnŭ(m)
|
|
bacin "bassin" |
carcĕrĕ(m)
|
|
càrcer "prison" |
mĕrcēdĕ(m)
|
|
mercé "merci" |
nāscĕrĕ
|
|
nàisser "naître" |
|
|
|
|
|
|
-Ccr- |
> |
-Ccr- |
concrĕārĕ
|
|
AO
concriar, congriar, congruar "produire ; naître" (1) |
concrēdĕrĕ
|
|
AO
concreire "confier ; concéder" |
*ĭncrēdĕrĕ
|
|
encreire "accroire" |
scrībĕrĕ
|
|
escriure "écrire" |
|
|
|
|
|
|
-Ccl- |
> |
-Ccl- |
exclūsă(m)
|
|
AO escluza "écluse" |
ĭnclīnārĕ
|
|
AO enclinar "incliner" |
ĭnclūdĕrĕ
|
|
AO encluzir "inclure" |
|
|
|
-Cc |
> |
-Ccl- |
ăvŭncŭlŭ(m)
|
|
oncle, avoncle "oncle" |
cĭrcŭlŭ(m)
|
|
AO
c |
*lactūscŭlă(m)
|
|
AO lachuscla "euphorbe" |
mĭscŭlārĕ
|
|
mesclar "mêler" |
|
|
|
|
|
|
Tableau : évolution de c, cr, cl après consonne .
(1) Pour concrĕārĕ > congriar, on peut expliquer la sonorisation de deux manières : analogie sur d'autres mots, comme congregar, ou influence de l'accent tonique sur la première syllabe dans les formes conjuguées : congria "il produit" : cela pourrait entraîner la sonorisation cr > gr ? (à étudier)
Remarque pour sc'l
: pour le français, une évolution scl
> l existe :
brūstŭlārĕ > brusler > brûler ;
mĭscŭlārĕ
> mêler
muscŭlŭm
> moule (mollusque) ;
*rāsĭcŭlārĕ
> râler / racler.
En occitan peut-être aussi : mescla
> mela ; bruslar : notamment FEW 14:76a.
Pour la comparaison avec le français, voir évolution de c(k) (clivage oc/oïl).
Schéma général :
c
(suivi de a, o, u
) > g
( c
suivi de a en
nord-occitan >
j ,
-VcĕV-, -VcĭV- > -VçV-
/VkéV/, /VkiV/ /VsV/
-VceC-, -VciC- > - VceC-, -VciC-
/VkéC/, /VkiC/ /VséC/, /VsiC/
kr > gr , /i̯r/
kl > /
Schéma général :
c (suivi de a, o, u ) > g
c
(suivi de a en
-VcĕV-, -VcĭV- > -VçV-, -VçV-
/VkéV/, /VkiV/ /VsV/, /VsV/
-VceC-, -VciC- > -VseC-, -VsiC-
/VkéC/, /VkiC/ /VzéC/, /VziC/
-c- > -g- > -c (si g parvient en position finale par apocope )
Détails :
Au premier siècle, les groupes "voyelle + cĕ, cĭ + voyelle" subissent les premières palatalisations .
Dans les années 200 après J-C., les groupes "voyelle + /ké/, /ki/ + consonne" subissent les troisièmes palatalisations .
Vers l'an 400, k
intervocalique devant a, o, u
est sonorisé
en g dans le futur domaine
d'oc, comme dans toute la
(Ronjat : GIPPM-2 :84 et suivantes).
Pour ka en nord-occitan :
Voir plĭcārĕ > plejar . Voir l'étude de GIPPM-2 :85-8.
Devant a , selon W. von Wartburg, en lang., le k peut disparaître (voir l'étude epikarsios > biais ). (ex : jŏcārĭ > ( l ) joar , dans une région où la dissimilation jojar > joar ne semble pas possible).
Vers le VIIe siècle, au moment des apocopes , si g parvient en position finale, il "redevient" c ( durcissement des consonnes devenues finales ) : ămīcŭ(m) > *amigo > *amig > amic .
latin LPC
|
|
sud-occitan
|
s-o /ka/ | > | s-o ga |
ămīcă(m) |
|
amiga "amie" |
ἀποθήκη (apothēkē) |
|
botiga "boutique" (1) |
aprīcārĕ |
|
abrigar "abriter" |
ăquă(m) |
|
aiga "eau" |
căcārĕ |
|
cagar "chier" |
*fīcă(m) |
|
figa "figue"(2) |
jŏcārĭ |
|
jogar "jouer" |
măstĭcārĕ |
|
mastegar "mâcher" |
nĕcārĕ |
|
negar "noyer" |
pācārĕ |
|
pagar "payer" |
pĭcārĕ |
|
pegar "poisser" |
plĭcārĕ |
|
plegar "plier" |
prĕcārĕ |
|
pregar "prier" |
sĕcārĕ |
|
segar "faucher" |
|
|
|
n-o /ka/ | > | n-o ja / ia / a |
(voir plĭcārĕ > plejar ) | ||
plĭcārĕ |
|
lim , d plejar
; d pleiar
; a, rouer plear
|
|
|
|
-aucă- | > | s-o -auca , n-o -aucha |
(voir blocage de la sonorisation dans
-aucă-, -aucŭ-
) |
||
aucă(m)
|
|
auca "oie" |
|
|
|
/ko/, /ku/ | > |
/go/, /gu/ |
ăcūcŭlă(m) |
|
agulha "aiguille" (3) (4) |
ăcūtŭ(m) |
|
agut "aigu" (3) |
cŭcŭrbĭtă(m) |
|
cogorda "courge" (5) |
sēcūrŭ(m) |
|
segur "sûr" |
|
|
|
En position finale (voir
c : durcissement de
la consonne devenue finale ) |
||
-/ko/-, -/ku/- |
|
-/k/ (amuï dans la
plupart des régions) |
fŏcŭ(m) |
|
fuòc, fuec "feu" (6) |
|
|
|
-VcĕV-,
-VcĭV-
/VkéV/, /VkiV/ |
|
-VceC-,
-VciC-
/VsV/, /VsV/ |
(voir premières
palatalisations ) |
||
mĭnācĭă(m)
|
|
menaça "menace" |
|
|
|
-VceC-,
-VciC-
/VkéC/, /VkiC/ |
|
-VseC-,
-VsiC-
/VzéC/, /VziC/ |
(voir troisièmes palatalisations ) | ||
măcĕllŭ(m)
|
|
masèu "abattoir" |
|
|
|
Tableau : évolution de k intervocalique.
(1) Pour ἀποθήκη (apothēkē), voir botiga.
(2) Pour *fīcăm > figa, le
français "figue" est un
(3) Pour ăcūcŭlă(m) > agulha,
ăcūtŭ(m)
> agut, les mots français "aigu", "aiguille" sont
probablement issus d'une influence occitane (IPHAF:116, note 1 : "Le traitement de
(4) Pour ăcūcŭlă(m)
> agulha, la prononciation actuelle du fr "aiguille" /égüiy/
est due à une mauvaise interprétation graphique : en a.fr., on prononçait /agu
(5) Pour cŭcŭrbĭtăm, l'aboutissement est souvent cocorda, par "redoublement" k-k (GIPPM-2 :364, 480).
(6) Pour fŏcŭm , voir diphtongaison devant k .
Pour le groupe kr
Pour kr
À étudier .
latin LPC
|
|
sud-occitan
|
/kr/ | > |
/gr/, /ygre/, /yr/
|
*ācrĭfŏlŭ(m) |
|
agrieu, agreu ... |
ācrĭs
+ -otta |
|
agriòta "griotte" |
ācrŭ(m) |
|
agre, aigre "aigre" |
lăcrĭmă(m) |
|
lagrema "larme" (1) |
măcrŭ(m) |
|
magre, maigre |
|
|
|
/k |
> | /yr/ |
condūcĕrĕ > condūcrĕ |
|
conduire (condurre) |
făcĕrĕ > făcrĕ |
|
faire |
|
|
|
|
|
|
Tableau : évolution de k, kr, kl intervocaliques.
Schéma général :
À l'intervocalique, le groupe kl
Le groupe kl
/k
Exemples :
latin LPC
|
|
sud-occitan
|
|
|
|
/kl/ (1) |
|
|
|
|
|
/k |
> |
/ |
*aurĭcŭlă(m) > *aurĭclă |
|
aurelha "oreille" |
măcŭlă(m) > *măclă |
|
malha "maille" |
|
|
|
en finale |
||
*sōlĭcŭlŭ(m) > *sōlĭclŭ |
|
solelh (> soleu) "soleil" |
|
|
|
Tableau : évolution de k, kr, kl intervocaliques.
(PHF-f3:657)
latin LPC
|
|
occitan
|
s- [s] | > | s- [s] |
săpĕrĕ > *săpērĕ
|
|
saber, saupre "savoir" |
sōl → *sōlĭcŭlŭ(m) |
|
solelh, soleu "soleil" |
sūdārĕ |
|
susar "suer" |
|
||
s |
||
spīnă(m) |
|
espina
"épine" (N-O : e |
|
|
|
Tableau : exemples de l'évolution de s initial.
Après consonne, s est conservé, avec la valeur [s], souvent avec une assimilation de la consonne précédente à s.
latin LPC
|
|
occitan
|
-s- | > | -z- |
absĭnthĭŭ(m) | aussent "absinthe (plante)" | |
by̆rsă(m), bŭrsă(m) | borsa, bolsa "bourse" | |
-ns- > -s- (amuïssement
de n devant s et f) |
||
dēfensă(m) |
AO
dev |
|
|
|
|
Tableau : exemples de l'évolution de s après consonne.
En position intervocalique, le s latin est toujours prononcé [z] en occitan.
Pour le latin, l'histoire du s intervocalique est particulière (PHL4:3, 94-96) : s s'est sonorisé très tôt (ou bien il serait sonore dès son apparition ?, voir pr-it., voir flōs, flōzes, à étudier), puis il s'est transformée en r vers -350 (rhotacisme). Théoriquement donc, le s intervocalique ne devrait plus exister en latin ; cependant certains faits ont mené à son existence dans plusieurs mots :
- dans les composés comme dēsĭnō "je cesse" (dē (éloignement) + sĭnō "je laisse libre") (sentiment de composition) (PHL4:95) ;
- création postérieure au rhotacisme : dēsŭpĕr, rĕsēmĭnō (PHL4:95) ;
- emprunts postérieurs au rhotacisme : basis, nausea, pausa (emprunts au grec), asinus (probablement emprunt à l'Asie mineure par l'intermédiaire de tribus thraces), (PHL4:95-96) ;
- sorte de dissimilation
préventive : miser "malheureux" est conservé (sinon on aurait eu
- évolution -ss- > -s- : caussa > causa, cāssus > cāsus, divissio > dīvīssĭō >dīvīsĭō (PHL4:96, 121).
latin LPC
|
|
occitan
|
-s- | > | -z- |
causă(m) /kaʋ̯sa/ |
|
causa / kaʋ̯za/ "chose" |
pausārĕ /paʋ̯sa:ré/ |
|
pausar /paʋ̯za/ "poser" |
ūsūră(m) /ʋ:sʋ:ra/ |
|
usura /uzura/o/ "usure" |
|
|
|
Tableau : évolution de s intervocalique .
Le f latin intervocalique est rare ; il n'existe qu'à l'occasion d'emprunts à d'autres langues italiques, ou au grec, ou à la formation de mots composés (PHL:71, MPL:31, GIPPM-2:109).
Exemples :
- mots empruntés à d'autres langues italiques : rūfŭs "roux", scrōfă "truie", văfĕr "rusé, madré" (PHL4 :94, voir ci-dessous alternance f / b) ;
- mot empruntés au grec : cŏphĭnus > "coffre" (voir ci-dessous emprunts au grec) ;
- mots composés : dēfŏrĭs "dehors", prŏfŭndŭs "profond", rĕfĕrō "je rapporte".
"La fricative labiale de l'
Xavier Gouvert présente une synthèse bibliographique et une nouvelle conclusion sur la prononciation du f latin (PPDP :28-38 : "/F/ protoroman était-il bilabial ?"). Je présente ci-dessous son analyse.
- Dans un premier temps, les linguistes se sont accordés pour une prononciation /f/ pour f latin (f labiodental, comme aujourd'hui en français).
- Dans un
deuxième temps à partir de 1950, certains auteurs se sont
démarqués en considérant que f
était d'abord prononcé /
- phase du latin archaïque (Maniet in PPDP :29) ;
- I er siècle après J.-C. (Bec in PPDP:29) ;
- III e siècle après J.-C. pour
les f intervocaliques (IPHAF:52). F. de La Chaussée estimait qu'à
l'initiale, l'évolution /
Les arguments de ces auteurs sont :
- l'existence de graphies archaïques comme comfluont correspondant à la graphie classique confluont (Maniet 1975 in PPDP:29) ;
- la prononciation /h/ du f
latin en Espagne du nord et en Gascogne : selon Chambon et Greub (in PPDP:29), le scénario le plus probable est une
prononciation /
- je rajoute d'autres arguments de
phonétique historique, voir ci-dessous arguments
de Pierre Fouché .
- Dans un troisième temps, X.
Gouvert (PPDP :35-38) déduit une prononciation latine /f/
(donc c'est un retour au "premier temps" ci-dessus), tout en
reconnaissant que le sujet est très controversé encore actuellement.
Cette prononciation /f/ aurait subi des évolutions
régionales par influence des
- en domaine ibérique et en Gascogne, des
habitudes articulatoires préexistantes auraient provoqué la réalisation
/
- en Calabre et en Sicile, les habitudes
articulatoires fortement influencées par le grec auraient mené à /
- en Sardaigne, "peut-être sous l'influence
d'une langue antérieure à la présence romaine" (phénicien ?) : /f/ >
/
- en domaine grec (aroumain), une palatalisation aurait causé une
évolution /f/ > /
La prononciation du f latin
est incertaine, et de toute façon elle a dû varier selon les époques et
les régions de l'Empire romain. Je propose ci-dessous un raisonnement
prédictif suivi d'une confrontation avec les faits. Cela me mène à
distinguer deux régions :
- Pour la Gaule sauf la Gascogne,
f latin avait une prononciation
/
-
Pour la Gascogne et une bonne part de la péninsule ibérique,
tous les linguistes s'accordent pour une réalisation /
Par contre dans ce même
domaine gascon et ibérique, f
latin aurait été prononcé /f/ à l'intervocalique :
il évolue en b /
- que ce soit au contact avec o,
u (Christophorum
> Cristóbal) ;
- ou bien au contact d'autres voyelles (Stĕphănŭm > Esteban).
Ce traitement différent à l'initiale et à l'intervocalique en gascon
et en castillan est remarquable ; il va à l'inverse de ce qu'on connaît
dans la majeure partie de la Gaule où l'initiale est en général "dure",
et où l'intervocalique est adoucie. On doit peut-être rapprocher ce
traitement d'un ensemble de cas comme par exemple clāvĕ(m)
> esp llave
"clé" alors que *aurĭc(ŭ)lăm
> esp
oreja "oreille".
Pendant l'Antiquité, pour certains mots latins, il y avait hésitation entre f et b intervocaliques :
- rūfus / rŭber ; "roux ; rouge"
-
scărăbæus / *scărăfaius
"scarabée"
(> it. scarafaggio "cafard", voir étymologie de escarrabilhar )
- scrōfa / scrŏbis ; "truie ; trou"
- sīfĭlāre / sībĭlāre ; "siffler ; siffler"
- tūbĕr
/ *tūfĕr
(> "truffe")
- tăbānus / d.i.a. tafano "taon, et autres insectes"
Cette hésitation correspond à une opposition entre latin "correct" (rŭber, scrŏbis, sībĭlāre, tūbĕr
...) et latin "dialectal" (rūfus,
scrōfa, sīfĭlāre, tūfĕr...) (LLHA:80). Ou bien encore entre latin et d'autres
langues italiques (
Cette alternance est à rattacher à la double origine de /
Prob 179 témoigne de l'alternance f / b :
"sibilus non sifilus" "sibilus, pas sifilus " (sibilus "sifflement ; sifflant").
Nonius Marcellus (IV e -V e siècle après J.-C.) écrit aussi :
"sifilare quod nos, vilitatem verbi (e)vitantes, sibilare dicimus " = (traduction PHL4 :93) " sīfĭlāre ["siffler"], que nous [c'est-à-dire les gens cultivés] remplaçons par sībĭlāre pour éviter la prononciation vulgaire".
Le français a donc hérité de la forme rurale sīfĭlāre > "siffler", alors que le provençal a hérité de la forme urbaine sībĭlāre > siblar.
Il faut peut-être faire entrer dans cette catégorie l'
La prononciation de φ grec est très souvent expliquée de façon incomplète ou obscure dans la littérature scientifique ; il en résulte une grande confusion.
En grec, φ a pris successivement trois valeurs :
- avant
-300 environ : φ était réalisé [
(son origine était le phonème pr-i-e. [
- à
partir de -300 environ (dans la
-
probablement à partir du IIIe
siècle après J.-C. (en grec
Conséquence : les emprunts anciens au grec (avant -300) ont
complètement assimilé φ à p, alors que les emprunts postérieurs
l'ont assimilé à f latin
(prononcé [f] ou [
(ÉFV :42) « Le mot AMPELOPHOROS est entré
dans la langue des Gaulois avant 300 av. J-C., étant donné que le -ph- grec, d'explosif
(DHANJ:164) « En d’autres termes, ces trois
A quelle époque s’est produit ce changement
? C’est pour le φ que la question est le moins obscure; elle offre une
grande analogie avec celle du β (p. 159). Entre le son ancien et le son
moderne, l'intermédiaire a été un f
Voir DHANJ.
Dans les emprunts de type savant, les latins ont retranscrit le φ grec
avec le
Exemples :
ἀμπελοφόρος (ampelophóros) "qui porte des vignes" > (réfection conservant le suffixe, ÉFV) * vineoporus > (p > b) AO vinhobre > fr vignoble.
ἀσφάραγος (aspháragos) "asperge sauvage" > aspărăgus ; (a)sparigus, apargus (apophonie de aspháragos).
κόλαφος (kólaphos)
"soufflet (gifle)" > *cŏlŏpŭs "coup" (apophonie de kólaphos), (percŏlŏpāre
"frapper" CGL ) > it
colpo, AO c
τύφειν (túphein)
"fumer, dégager de la fumée" qui a été emprunté dans le sud de la Gaule
sous la forme * tūpāre > tubar, (p > b) estubar,
voir l'étymologie de estubar.
φαντάζω (phantázō)
"faire naître une idée, se figurer, imaginer" >
φάντασμα (phántasma) >
Italie du sud pantazma,
pandazma, pandaz
Exemples :
κόφινος (kóphinos)
"corbeille" >
cŏphĭnus
"corbeille" > AO c
νέφος (néphos)
"nuage" > pr.ma.
nèfo "nuage,
nuée que le vent pousse dans l'air" (TDF).
τύφειν (túphein) "fumer, dégager de la fumée" a été emprunté une deuxième fois au grec en Italie du Sud, pour aboutir à stufare "cuire à l'étouffée", voir l'étymologie de estubar.
φαντασία (fantasía)
> phantăsĭă
> (empr)
"fantaisie", AO fantazia
, OA fantasiá.
(ion)
Le f intervocalique est rare
en latin (ci-dessus) ; de plus, la
valeur phonétique de f latin
est incertaine (ci-dessus). Donc
son étude est difficile, mais l'étude des aboutissements actuels peut
justement permettre d'approcher la prononciation latine. Je tente ici
d'approfondir l'étude et de proposer un scénarios cohérent tenant compte
du français, de l'occitan/catalan, du gascon et du castillan.
En
Schéma général :
f- > f-
fl-
> fl-
fr- > fr-
Pour le gascon et le castillan, f-
suivi de voyelle s'amuït. Par exemple : farinam
> harina "farine", filium
> hijo "fils", ferrum
> hierro "fer", foliam
> hoja "feuille", fundam
> honda "fronde".
Pour fl- :
En domaine gascon :
flămmăm
> (e)hlama [
Le type flōs > hlos [
En castillan : flămmăm > esp flama / llama ; flōrĕm > flor .
Voir carte 582 de l'ALF "les
fleurs" (même chose pour 579 "flamme", 580 "fléau"). Le
type italien (
- marginalement en domaine d'oc : à Menton (06) : fior
[fy
- souvent en domaine
- dans des régions du domaine d'oïl : Côte-d'Or, Vosges, également
dans l'ouest : Manche, Ile-et-Vilaine, Morbihan, Mayenne, Sarthe... [fy
Voir aussi ci-dessus les types italiens pl- > pi-,
cl- > ki-.
Parfois [f
Parfois une palatalisation de f
est également notée : type [
À noter le type ch-
à Fontan (06) [t
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
f-
|
> | f- |
|
|
|
făbă(m)
|
|
fava "fève" |
făbrĕ(m)
|
|
AO
fabre, faure "forgeron" |
fĕbrĕ(m)
|
|
fèbre "fièvre" |
*fīcă(m)
|
|
figa "figue" |
*fŏliă(m)
|
|
fuelha "feuille" |
fŏntĕ(m) |
|
fònt "fontaine" |
fŭrcă(m) |
|
forca "fourche" |
|
|
|
fl-
|
|
fl-
|
|
|
|
flămmă(m)
|
|
flama "flamme" |
Flāvĭācŭ(m) |
|
Flaujac "Flaujac"
( |
flōrĕ(m)
|
|
flor "fleur" |
|
|
|
fr-
|
|
fr-
|
|
|
|
fractă(m)
|
|
fracha "fissure..." |
frātrĕ(m)
|
|
fraire "frère" |
frīgĭdŭ(m)
|
|
freg "froid" |
frŏntĕ(m) |
|
frònt, front "front" |
frūctŭ(m)
|
|
fruch "fruit" |
|
|
|
Tableau : évolution de f, fl, fr à l'initiale.
Schéma général :
- C f- > - C f-
fl-
> fl-
fr-
> fr-
Remarque pour le groupe nf
: en latin, souvent
nf > f. Mais n
a été restitué lorsque le sentiment de composition était possible
(reconnaissance des préfixes in
et con, d'où ĭnfantĕm,
cŏnflārĕ ). Par contre plus tard, en AO, n a
pu à nouveau s'amuïr, d'où des variantes AO efans
"enfant", OM (lang) coflar
"gonfler"...
Exemples :
LPC
|
|
occitan
|
- C f- |
> | - C f- |
|
|
|
|
|
calfar, caufar "chauffer"
|
cŏnfīnĕ(m)
|
|
confin "confins,
frontière" |
ĭnfantĕ(m)
|
|
enfant "enfant" |
|
|
|
- C fl- |
|
- C f- |
|
|
|
cŏnflārĕ
|
|
gonflar "gonfler" |
ĭnflārĕ |
|
enflar "enfler" |
ĭnfrangĕrĕ |
|
enfranher "enfreindre" |
|
|
|
fr-
|
|
fr-
|
|
|
|
a.b.fr. fridu → exfrĭdārĕ |
|
AO esfredar
"troubler" |
|
|
|
f géminé |
||
ăffĭrmārĕ
|
|
AO afermar "attacher ; consolider" |
|
|
|
Tableau : évolution de f, fl, fr après consonne.
(Voir notamment STPfI).
L'étude de f intervocalique
est délicate car :
- f latin a une prononciation incertaine ;
-
peu de mots latins contiennent f
intervocalique.
Sentiment
de composition ou non :
Dans les mots purement latins, où f intervocalique n'existe que dans les formes composées :
- soit le sentiment de la composition demeure, d'où une persistance de f (dēfŏras > defòra "dehors" ?) ;
- soit ce sentiment a disparu, d'où une évolution phonétique (GLR2 :402).
Pour les mots d'origine étrangère, notamment grecque (Stĕphănŭs), le f était sans doute prononcé populairement comme en latin (dont la valeur est mal connue !). Il a subi une évolution phonétique.
Évolution phonétique :
Selon GLR2 :402 : f
intervocalique évolue de la même manière que v
latin ; en italien f persiste
; pour le roumain les exemples manquent. Il s'agit sans doute d'un bon
résumé, mais je tente de détailler l'étude. Voir aussi EPF:396 : "Le traitement de f
médial étant ordinairement identique à celui du v
(...)", et STPfI:174. Voici mon modèle un peu plus détaillé
:
1. Évolution de type occidental (péninsule ibérique + Gascogne + parfois ouest du Rhône)
f > b / v /
(scrōfăm > escroba, escorba
"écrou")
En espagnol (ou ancien espagnol) : Africus > Abrego, Christophorum (Χριστοφόρος, Christophóros) > Cristóbal, raphanum > rábano, Stĕphănŭm > Esteban, triphulon > trebol, *aquifolum > acifolu > acebo "houx"; inscription pontivicatus < pontificatus (LEAI :121).
Aussi (Gerhard Rohlfs, 1956, Studien zur romanischen Namenkunde, page 20) : 21–24. trifinium > Treviño (Burg., Sant., La Cor.) ; Cuadroveña (Ov.) < quadrifinia y Peña Trevinca < trifinica en un lugar donde se encuentran las provincias de Orense, León y Zamora ; véase J. Piel, Rev. Port. de Fil., vol. 4, 1951, pág. 32.
Cependant : dēfe(n)săm > esp dehesa (AO devẹza, rouerg debesa), mais il s'agit
certainement d'un sentiment de composition (juste ci-dessus),
voir ci-dessus :
2. Évolution de type oriental (est du Rhône + parfois Languedoc...)
- au
contact de o,
u :
f > ∅
parfois résolution
d'hiatus par épenthèse, avec insertion de v,
y, g.
- hors contact avec o, u :
f
> v
- si f
latin avait la valeur /
Cette dernière consonne est
Pour le contact avec d'autres voyelles exclusivement, /
- si f
latin avait la valeur /f/ : les sonorisations mèneraient à /v/ vers
l'an 400.
La consonne /v/ n'est
Pour le contact avec d'autres voyelles exclusivement, /v/ serait
maintenu (avec peut-être /
Résumé et confrontation avec les
faits :
Au contact avec o, u , les deux hypothèses ci-dessus aboutissent (de façon incertaine) à deux résultats différents pour f intervocalique :
- si f
= /
- si f
= /f/, il évoluerait en /v/ (peut-être /
Au contact d'autres voyelles
exclusivement (a,
e, i) , f
évoluerait en /v/ dans tous les cas (peut-être /
Conclusion :
La différence d'évolution de f
intervocalique au contact de o, u
semble permettre de reconstituer deux prononciations différentes pour f intervocalique latin : /
- en domaine gaulois (sauf Gascogne) : /f/
à l'initiale et /
- en domaine ibérique et gascon : /
Dans le nord de la Gaule :
Au contact d'une voyelle
Pierre Fouché envisage les étapes :
/
On aurait donc une disparition à l'intervocalique ; mais rarement
conservation sous forme /
F. de La Chaussée envisage une disparition plus précoce de f
dans tous les cas, même pour sarcŏphăgum
: "
Dans le sud de la Gaule :
L'amuïssement n'a pas eu lieu partout. A priori je distingue une
partie occidentale avec souvent une évolution vers /b/, /
Résolution fréquente de l'hiatus :
Par exemple pour prŏfŭndŭs ,
FEW 9:444b : (trad.all.) "Le
Voir Résolution d'hiatus par épenthèse.
"Restitution apparente du f ":
Certains mots occitans actuels contiennent f
intervocalique, qui existait déjà en latin : profond,
escròfa, nèfo, afanar, g,
lim Estèfe
"Étienne"...
Cette restitution apparente du f s'explique selon les cas :
- soit par l'influence du latin (comme dans
fr "profond") ou l'influence
d'une autre langue comme l'italien. Voir ci-dessous scrōfăm
> escrofa.
- par une gémination latine de f, qui l'aurait tenu à l'écart des sonorisations (c'est peut-être le cas pour néphos (νέφος) > pr.ma. ) nèfo "nuage". Voir aussi plus bas * affanare > afanar.
- soit par un sentiment
de composition ( dēfŏras >
defòra "dehors" ?).
En
Donc ici encore, f > /
dēfŏras
/dé
(ALF:1095, STPfI:175-176)
1. Pour l'évolution des voyelles (type de base prŏfŭndŭs) :
Au moins dans les domaines gaulois et catalan, il y a eu dissimilation
o-u > e-u.
FEW 9:434b : (trad.all.) "En
Pour l'évolution vocalique perfont
> parfont, voir ci-dessous.
2. Pour l'évolution de f (type de base prŏfŭndŭs) :
Cas où f
reste en position intervocalique : amuïssement général (domaine
d'oc, domaine franco-provençal...)
Pour presque tout le domaine d'oc, l'amuïssement de f
s'est réalisé selon le schéma général du
type oriental ci-dessus. Il en est de même pour les quelques
régions de la Gaule du nord où il n'y a pas eu pre-
> per- , et en
Quasi-absence du type en -b- en domaine d'oc occidental :
Si on compare avec les descendants de
scrōfă ci-dessous, où le
type escroba est largement
représenté, les descendants occitans de *prĕfŭndŭm
frappent par la quasi-absence du type occidental avec b
: prebond. L'ALF :1095 ne présente que deux attestations de prebond (prebonda) à Sauveterre (64) et à Artix (64). Pour expliquer
cette différence avec scrōfă,
je pense qu'une dissimilation de labiales pr-b
> pr-∅
est possible.
(Chercher des formes en ancien espagnol).
En AO,
les formes connues montrent toutes une disparition de f
: preon, prion, preion, priou, pruon,
pruou, parfois avec résolution
d'hiatus par épenthèse : pregon,
prigon, privon, pergon. Les formes perfon,
parfon proviennent d'une substitution de préfixe comme pour
l'ancien français ci-dessous. FEW 9:434b : (trad.all.) "Le
Pour l'OM (ALF :1095), la plupart des formes actuelles
Les types plonda, plonta
sont représentés dans 12, 15, 19,
43, 63. Dans ce cas, l'hiatus a été résolu par (à finir).
Les types avec résolution d'hiatus par épenthèse y sont également
largement représentés, notamment pregonda,
prigonda .
proònta (Valais suisse), prònda (69), prònta (43)...
Cas où pre- > per- (essentiellement Gaule du nord)
En domaine d'oïl, il y a eu évolution
(trad.all.)
"Parfois aussi le
Je pense aussi qu'en français comme en occitan, la réfection en profond à partir du latin a mené à
une interprétation pro-fond,
pron-fond "très profond" : ce serait une troisième voie pour
l'apparition de fond, fons
"profond". Il faudrait dater finement les occurrences de l'emprunt au
latin, et les occurrences de fond, fons pour comprendre la voie
préférentielle, mais cette étude doit être ardue.
prŏfŭndŭm
"profond"
(synthèse à partir de |
|
*/pro |
|
> ( dissimilation
1 e syllabe comme en occitan) */pré |
|
|
|
- français | |
> (substitution de
préfixe qui va protéger f
de l'amuïssement, et qui va le renforcer) */pérfʋndʋ/
|
→ a.fr. perfont |
> ( mutation
vocalique ) */parfóndó/
|
|
→ a.fr. parfond, parfont | |
> ressenti comme : par
- fond "très profond",
également réfection en "profond" ressentie comme pro-fond "très profond". |
→ dial font, fons |
> refait sous l'influence du
latin
|
→ " profond " |
|
|
|
|
- occitan (propositions personnelles) | |
> ( |
|
> (mutation
vocalique) /préóndo/
|
|
→ AO preọn,
priọn → l preond, priond |
|
> (résolution de l'
|
→ AO pregọn,
prigọn, privọn → l pregond, prigond, d prevon ... |
|
|
autre voie identique à celle du
français ci-dessus (substitution de préfixe qui va
protéger f de
l'amuïssement) :
|
|
> /perfón/,
/parfón/
|
→ AO perfọn, parfọn |
> ressenti comme : par
- fond "très profond",
également réfection en "profond" ressentie comme pro-fond "très profond" (comme en français ci-dessus) |
→ var.dial. font, fons |
remodelage sur le modèle du latin
|
→ pr prefond, profond |
|
|
Concernant l'a.fr. reuser "repousser, faire pencher, faire repartir" (à l'origine de fr. "ruse"), les linguistes ne s'accordent pas sur l'origine du mot.
- Paul Meyer (PBRM :233-234) estime que a.fr. reuser,
fr. "ruser", AO reüsar
proviennent de
rĕcūsārĕ
"repousser". Mais pour l'AO, son opinion est en contradiction avec l'évolution
de c : on attendrait
- W. Meyer-Lübke hésite (GRS1 :119) pour l'a.fr.
reuser "reculer, rejeter",
qu'il fait remonter soit à *rĕtūsārĕ "repousser",
soit à *rĕfūsārĕ. (Lui-même et Gröber
auparavant établissent *rĕtūsārĕ
à partir de rĕtundō, -ūsus
"rabattre une pointe ; réprimer", voir FEW 10:169b).
- A. Thomas HGFS-cr :392 donne son avis sur l'hésitation de
W. Meyer-Lübke : "P. 119, pour reüser,
la comparaison avec le prov. reüsar
oblige absolument à partir du type refusare
et non retusare." En effet,
voir
évolution de t : on
aurait
- Dans GLR1 :402, W. Meyer-Lübke donne refusare > AO rehusar, et a.fr. reuse, fr. "ruse".
- Selon FEW (10:169b et 170b note 13), repris par CNRTL, comme Paul Meyer
ci-dessus, a.fr. reuser ne provient ni de *rĕfūsārĕ
, ni de *rĕtūsārĕ, mais de rĕcūsārĕ
"repousser". W. von Wartburg considère que
* rĕfūsārĕ "n'aurait pas perdu
son -f- en français aisément
de façon uniforme". L'auteur pense ainsi qu'il faut admettre l'étymon rĕcūsārĕ,
et que la forme d'oïl avec disparition du -c-
a progressé en domaine d'oc.
Je pense que l'influence de la forme d'oïl avec disparition du -c-, soutenue par FEW, n'a pas de raison de s'être produite. Les
variantes AO
reüzar, rehuzar,
raüzar et rebuzar,
de sens équivalent et largement attestées, doivent toutes provenir de *rĕfūsārĕ.
Ce raisonnement est ainsi cohérent avec les descendants actuels de
scrōfă ci-dessous : descendants avec effacement de f
et descendants avec b.
Cependant le FEW estime que rebuzar
provient du croisement *refusare x
rebotar (FEW 10:200a).
Quant à AO refusar, a.fr. refuser, il s'agit probablement de formes ressenties comme composées ayant toujours conservé leur f intact. Le FEW (10:170b note 13) remarque qu'on peut difficilement considérer "refuser" comme un emprunt au latin médiéval, vu que le latin *refusare n'est attesté nulle part.
Le latin sarcŏphăgum , provenant du grec, a conné "cercueil" en français. Pour l'occitan, il n'a pas d'aboutissement connu ; sauf des emprunts récents au français (FEW 11:330b).
sarcŏphăgu(m)
/sarko
(PHF-f3 :611 ; IPHAF :52 ; ALF:carte 1811, concernant seulement le quart sud-est de la France)
scrōfă(m) "truie" a donné "écrou" en français, et de même en occitan escroa, escroba... "écrou". Ce sens est acquis par comparaison vulgaire avec "truie" ; l'écrou est une pièce femelle (CNRTL "écrou").
L'étude des variantes dialectales ci-dessous montre soit un
Les aboutissements /b/, /
Voici les données du FEW (11:340-341) ; la finale -a, -o, -
- Trièves (38)
[èykr
- 26,
05, pr : [éskr
- 30
[éskr
- Lavelanet (09)
[éskr
- 31
[éskr
- 87
[ésk
- 12
[éskr
- Nasbinals, Le Massegros, Sainte-Énimie,
Mende... (plusieurs communes de l'Aubrac ou non loin, 48) [éskr
- Le Bleymard, Châteauneuf-de-Randon... (48) [éskr
- 07
[éskr
- 43,
15 [éskr
- 63
[ékr
- blim
[éspr
- lim encravo ;
- 87
[é
- 32
[éskr
- béar escroue, escouroue ;
- land
[ékr
Variantes en f (influence savante du latin scrōfă , ou de l'italien scrofa "truie" ?) :
- AO escroffa, scroffa (année 1428, HLPA "écrou du pressoir du moulin à huile"), scrofe (Tarascon, année 1529) "écrou" ;
- (
- a.fr. : escroe (f).
Les composés en lat -fŏlĭŭm , gr -phyllon "feuille" ont chacun leur histoire propre. Il s'agit de trĭfŏlĭŭm (> treule, trefól "trèfle"), ācrĭfŏlĭŭm (> agreu "houx"), caerefŏlĭŭm (> cerfuelhl "cerfeuil"). Caprĭfŏlĭŭm "chèvrefeuille" est un mot du latin tardif (après le VIIe siècle, CNRTL).
La place différente de l'accent tonique dans lat
-fŏlĭŭm
, et dans gr
Par exemple oc treule
"trèfle", agreu "houx", fr "trèfle" impliquent au
moins une forte influence du grec, sinon des étymons complètement
grecs en
Les formes latines
ācrĭfŏlĭŭm
(n.),
ăquĭfŏlĭŭm
(n.),
ăquĭfŏlĭă
(f.) sont attestées, mais
de nombreuses variantes occitanes ainsi que le catalan grèvol,
sont issus d'un latin tardif
ācrĭfŏlŭs,
attesté dans une
Jules Ronjat précise : e.r.o.n. « Hors de Provence *ācrif(o)lu
a généralement des continuateurs non
Espagnol : *aquifolum > acifolu > acebo.
Je cite Walter von Wartburg : (trad.all.) "On pourrait supposer, que triphyllon
(voir 13,II,294) eût fourni un modèle d'évolution [pour "houx" et
"trèfle"]. Pourtant les aboutissements des deux mots ne correspondent
que dans quelques cas, comme
ācrĭfŏlŭm "houx" : évolution en occitan (sur la base de GIPPM-2:238, développé)
(dans les dialectes français, seul l'aboutissement "aigrefeuille" existe dans le sud du domaine d'oïl).
/a:kri |
|
|
|
Voie 1 solution 1 (syncope et vocalisation de f ) | |
> (syncope) /a:kri |
|
> (vocalisation de φ) /a:kriʋ̯lʋ/ | |
> (III e s. : mutation i > é ) /akréʋ̯lʋ/ | |
> (vers l'an 400 : sonorisation de kr ) /agréʋ̯lʋ/ | |
> (V e s. : mutation ʋ > ó en position finale ) /agréʋ̯ló/ | |
> (VII e , VIII e s. apocope ) /agréʋ̯l/ | |
> (XIII e siècle ? souvent diphtongaison eu > ieu ) /agri̯éʋ̯l/ | |
> (quand ? vocalisation du -l ) /agri̯éʋʋ/ > /agri̯éʋ̯/ | → ( pr ) (a)grieu, (a)greu |
|
|
|
|
Voie 1 solution 2, moins probable (amuïssement de f) | |
>
(vers le II e siècle : |
|
> (III e s. : mutation i > é ) /akréòlʋ/ | |
> (vers l'an 400 : sonorisation de kr ) /agréòlʋ/ | |
> (V e s. : mutation ʋ > ó en position finale ) /agréòló/ | |
> (VII e , VIII e s. apocope ) /agréòl/ | |
> ( vocalisation du -l ) /agréòʋ/ | |
> ( assimilation
òʋ > ʋ) /agréʋ/
ou ( différenciation éòʋ > iòʋ > iéʋ avec basculement d'accent) /agriéʋ/ |
→ ( pr ) (a)greu, (a)grieu ... |
|
|
Voie 2 (évolution f > v ) | |
> (persistance du sentiment de composition : fol(i)u maintient [f]) /akrifolʋ/ | |
> (III e s. : mutation ĭ > é ) /akréfòlʋ/ | |
> (perte de la compréhension de /fòl(i)ʋ/, puis vers l'an 400 : sonorisation de kr et de f ) /agrévòlʋ/ | |
> (V e s. : mutation ʋ > ó en position finale ) /agrévòló/ | |
> (VII e , VIII e s. apocope ) /agrévòl/ | |
> (amuïssement de -l ) /agrévò/ | → ( d ) m (a)grévol |
|
|
Les variantes lim (a)grafuelh, l (a)grifol,
grefol, pr grefuelha
proviennent de développements savants de ācrĭfŏlĭŭm. Les variantes pr grefuelha,
grifuelha, l
grafuelha proviennent
probablement de développements savants de *ācrĭfŏlĭă (
Caerefŏlĭŭm
"cerfeuil" est un emprunt au grec non attesté *χαιρἐφυλλον (chaerephyllum ), avec adaptation latine
de la deuxième partie du mot faisant basculer l'accent tonique sur la
syllabe suivante > caeref
ŏ
lĭŭm (GIPPM-1 :42, CNRTL).
La
Trĭfŏlĭŭm "trèfle" correspond au grec τρἱφυλλον (triphyllon, avec accent tonique sur la première syllabe. C'est le mot grec, ou au moins un croisement du mot latin avec le mot grec, qui est à l'origine de fr "trèfle" (CNRTL), et de pr treule "trèfle" (GIPPM-2:238 note 1).
Pour pr treule,
comme pour
tēgŭlŭm > teule
"tuile", il est difficile de dire s'il y a eu
Trefòlh, trefuelh sont des aboutissements du latin trĭfŏlĭŭm , présentant un f soit conservé par compréhension permanente de l'étymologie, soit restitué d'après fòlh < fŏlĭŭm (GIPPM-2:238, note 1).
Caprĭfŏlĭŭm "chèvrefeuille" étant un mot forgé en latin tardif, il n'a pas subi de sonorisation du f ; c'est peut-être même une latinisation d'anciennes dénominations populaires, où les thèmes "chèvre" et "feuille" étaient bien compris, et ont été conservés jusqu'à aujourd'hui : cabrifuelh, chabrafuelh, etc.
latin LPC
|
|
occitan
|
-f- | > | -f- |
dēfŏrĭs |
|
defòra "dehors" |
néphos (νέφος) |
|
(pr.ma.) nèfo "nuage" |
-f- | > | -∅- |
prŏfŭndŭ(m) |
|
AO preọn, priọn |
scrōfă(m) |
|
escró(a), escroba (lang) "écrou" |
|
|
|
Tableau
: évolution de f
intervocalique au contact de o, u
.
* af(f)anārĕ
> AO
(s')afanar "(se) fatiguer ;
(se) donner du mal", afan
"effort, tâche pénible".
Il existe probablement deux voies :
1. Conservation du f (sentiment de composition) *afanārĕ > italien : affannare "essouffler ; tourmenter", espagnol : afanar "escroquer", occitan : afanar "fatiguer".
2. Amuïssement du f (perte du sentiment de composition) *afanārĕ > français "ahaner". Le f aurait dû évoluer en /v/, voir ci-dessous Stĕphănŭs > a.fr. Estievene . Mais il a disparu, peut-être parce qu'il se trouve entre deux voyelles identiques (IPHAF:52) :
Problème de l'étymon latin :
Voir fānor
"faire rage ?", dans Sénèque Espitulae
Maecen. 114, 5. ut cervice
lassa fanantur nemoris tyranni = (passage peu clair et
incertain en latin) "comme font rage les seigneurs des bois avec leur
cou fatigué" (en parlant du coq de bruyère ? ; proposition de Raoul
Verdière, 1971 "Un amour secret d'Ovide").
(traduction giovannighiselli.blogspot, sans référence de traducteur).
Cette étymologie est en effet proposée dans STPfI, mais elle est critiquée par CLML : le verbe
fān ā ri
est un
Mais pourtant la racine semble bonne : on la retrouve dans fānātĭcŭs
"inspiré ; exalté", de fānŭm
"lieu consacré ; temple".
dēfensă > *dēfēsă
> AO dev
dēfensŭm > *dēfēsŭm
> AO dev
răphănŭ(m) > AO rave(n) "raifort cultivé" ; a.fr. rafne, ravene, reve (voir "ravenelle"), rafe "radis" ("on remarquera que rafe est savant par -f- et non -v- ", GIPPM-1:244).
Il est probable selon moi que l'apophonie Stĕphănŭs > *Stĕphĭnŭs se réalisât (voir le prénom espagnol Estefeno, Estebeno).
Stĕphănŭ(m)
/sté |
|
> (1 er
s. : prosthèse
) /isté |
|
> (II e
s., III e s. : mutation
vocalique ĕ > è, ĭ > é) /éstè |
|
|
|
français
: (d'après IPHAF :52,112, développé et ordre modifié pour apparition β et ə) |
|
|
|
> (début III e
s. : diphtongaison
romane spontanée de è) /ést i
è̯ |
|
> (III e
s. : renforcement φ > f et affaiblissement
ʋ > ə ) /ést i
è̯f |
|
> (vers l'an 400 : sonorisation
de f )
/ést i è̯ |
|
> (renforcement β
> v) /ést i
è̯v |
|
> (VI e
s. : syncope entre v
et n , voir
jŭvĕnem )
/ést i è̯v |
|
> (amuïssement de v
; bascule des diphtongues vers l'an 1200 ;
amuïssement de s
devant consonne ) /éti̯è |
→ Étienne |
|
|
occitan
: (proposition personnelle) |
|
> (III e
s. : renforcement φ > f ) /éstèfa |
|
> (vers l'an 400 : sonorisation
de f )
/éstè |
→ ... ( l ) Estèbe (1) |
> (renforcement β > v) /éstèvanʋ/ | |
> ( mutation ʋ final > ó au V e s.) /éstèvanó/ | |
> (affaiblissement de a > é ) /éstèvénó/ | |
> ( |
→ AO Esteven,
Esteve → pr Estève |
|
|
(idem, avec influence savante : conservation du f ) | → AO Estefen,
Estefe → Estèfe |
(1)
( |
latin
|
|
occitan
|
|
français
|
-f- | > |
|
|
|
|
|
afanar "ahaner" | |
ahaner |
|
|
|
|
|
-f- | > | -v- | |
|
dēfensă(m) > *dēfēsă |
|
AO
dev |
|
- |
răphănŭ(m) |
|
AO
rave(n) "raifort
cultivé" |
|
a.fr. rafne, ravene, reve (voir "ravenelle") |
Stĕphănŭ(m)
/sté |
|
Estève "Étienne" | |
*Estievene
> Étienne ; *Estevene > Estève, Étève (forme de l'Est) |
|
|
|
|
|
Tableau : évolution de f intervocalique (non au contact de o, u). Les formes a.fr. proviennent de PHF-f3:612-613.
fl
la voie populaire, on peut trouver f'l : sifilare
> "siffler", triphyllon
> "trèfle".
fr
Afrĭcă
> Africa, afrĭcānus
> african
représentent des
Mais pour l'espagnol, voir Abrego < Africus (LEAI :121).
À continuer.
Voir aussi sanctus Theofredus
> Sant Chafre "Saint-Chaffre" (