Diphtongues

Accueil     



08-08-2023


Source : DBFP-92:15 ; des réflexions personnelles ont été rajoutées.

Une diphtongue est une voyelle qui subit une variation de timbre au cours de son émission ; un élément est plus fermé que l'autre.


Discussion : pour l'occitan, des hésitations demeurent pour savoir si on a affaire à des vraies diphtongues, ou bien à des groupes "semi-consonne + voyelle", ou "voyelle + semi-consonne".
Voir retranscription phonétique des éléments faibles de diphtongues. Par exemple pour le français, on devrait retranscrire : "oui" [wi] (semi-voyelle [w] et voyelle [i]) ; le français actuel ne contient plus de diphtongues, à part en québécois, où par exemple : "fête" se prononce [faè̯t].

Je pense que pour l'occitan, cela dépend des régions et des locuteurs : fiòc "feu" pourrait se prononcer pr [fi̯ò̯] (vraie diphtongue) ou pr [fyò] ("fausse diphongue"). À étudier.

 En tout cas, les diphtongues (au sens large) sont extrêmement abondantes en occitan.



I. Diphtongues en /i̯/ : ai, èi, ei, òi, oi 



L'élément i a été retranscrit /y/ en phonétique dans le dictionnaire du site, mais il faudrait écrire /i̯/ au moins dans certains cas, voir ci-dessus discussion.
ai /ay/
èi /èy/
ei /éy/ (n'existe pas en position tonique, voir ci-dessous)
òi /òy/
oi /υy/


II. Diphtongues en /ʋ̯/ : au, èu, eu, iu, òu, ou



L'élément u a été retranscrit /w/ en phonétique dans le dictionnaire du site, mais il faudrait écrire /ʋ̯/ au moins dans certains cas, voir ci-dessus discussion.

au /aw/
èu /èw/
eu /éw/
iu /iw/
òu /òw/
óu /ow/


III. Prononciation des diphtongues atones



Lorsqu'elles ne portent pas l'accent tonique, certaines diphtongues sont prononcées différemment : la prononciation du premier élément de la diphtongue se rapproche de celle du deuxième élément, par assimilation.

(Quand on s'enfonce vers l'ouest dans le Gard, la valeur étymologique est mieux conservée : les locuteurs prononcent plus souvent les diphtongues atones sur le type standard).

ai prononcé alors /éy/, voire /i/  en rhodanien.
aiga /aygo/a/ - aiguier /eygyé/, /igyé/

ei peut être prononcé /i/ en rhodanien,
voir ci-dessous l'article lei.

au prononcé alors /ów/, voire /ʋ/ en rhodanien.
paure /pawré/ - pauretat /pówréta/
dau jardin /dów djar/ (dau est en position proclitique).
Quelquefois, l'aubrespin (= aubépine) a été enregistré /awbrespĩ/, et non /ówbrespĩ/. Cette prononciation est sans doute influencée par l'aubre /awbré/, l'arbre.

eu prononcé alors /ów/ Ce dernier phénomène n'est pas présenté dans GP:20 ni dans DBFP:15, mais il est bien attesté ; l'extension géographique du phénomène est à étudier, mais il recouvre sans doute toute la Provence.
teule /wlé/ - teulissa /tówliso/, teuliera /tówlyero/
euse /éwzé/ - eusilha /ówziyo/ sthi84 "chêne kermès"
peu /péw/ - peutirar /pówtira/ "tirer par les cheveux, arracher"
leugier /lówdjyé/ "léger"
La Cieutat /la syówta/ "La Ciotat"

Remarques sur la graphie mistralienne

Frédéric Mistral
(TDF) fait un choix hétérogène pour la graphie :

- il a tendance à conserver l'étymologie pour au (pauretat, caussido...), et pour eu (éusiho, téulisso...) notamment pour les entrées des mots
. Pour certains mots, le TDF donne la variante rhodanienne avec la graphie óu, par exemple : "trauca, tróuca (rh)" ; "chausi, chóusi (rh)".
- mais pour ai et ei : eiguié, eissado, feissello, veissello, veissèu, li... au lieu de aiguié, aissado, faissello, vaissello, vaissèu, lei...


La norme classique conserve toujours la valeur étymologique à l'écrit, et le lecteur peut l'adapter selon sa prononciation.
 

IV. Cas de la diphongue ei en position tonique



Lorsqu'elle porte l'accent tonique, la diphongue ei est prononcée [èy] et non [éy] (GIPPM-1:136).


Exemples :

creire "croire" est prononcé /krèyré/
Par contre, les locuteurs conservent souvent bien la valeur étymologique du e pour la conjugaison (voir TDF) : crese /kréze/, creses /krézes/, mais : creis /krèy/ (ou cretz /krés/)...

conèisser "connaître" est prononcé /kʋnèysé/

crèisser "croître" est prononcé /krèysé/

ei "est" est prononcé /èy/ s'il est en
tonique : aquò n'ei /akò ̮n ̮èy/ "ç'en est", mais souvent en position proclitique : eis un chin /éyz ̮ũ ̮ ̮tʃĩ/, voire /iz ̮ũ ̮tʃĩ/.

lei "loi" est prononcé /lèy/

pour le cas de l'article lei "les", la position proclitique rend la diphtongue généralement
atone, d'où les prononciations /léy/ et surtout /li/ dans le domaine étudié.

peis "poisson" est prononcé /y/





Cette transformation est une différenciation (/éy/ > /èy/), sans doute favorisée par des analogies (un mot en /èy/ agit sur un mot en /éy/ pour le transformer en /èy/). Certains auteurs parlent de neutralisation des diphtongues (SSÉPO p. 13). Ce type de neutralisation aurait commencé très tôt, vers la fin de l'Antiquité, et concernerait tout l'occitan à l'exception du gascon (voir "Du latin au provençal 2" neutralisation de l'opposition /éy/ - /èy/).
Ainsi, alors qu'un mot contient /éy/ étymologique, un locuteur provençal le prononcera toujours à peu près /èy/.
On pourrait conserver la règle étymologique pour écrire le mot avec "ei", et on pourrait lire /èy/. Cependant, on est fortement induit en erreur dans quelques cas où l'on est obligé de mettre l'accent écrit pour indiquer l'accent tonique : conéisser, créisser, alors qu'on prononce
/kʋysé/,  /krèysé/ (et encore, pour conéisser, l'étymologie de la deuxième syllabe est incertaine).

Conséquence : je propose d'écrire èi dans ces cas : conèisser, crèisser.

Pour les formes conjuguées de ces verbes, on peut conserver ou non l'accent grave, mais il semble plus logique de le conserver puisqu'il existe à l'infinitif. On obtient donc un cas d'alternance vocalique (orale et écrite) : conèisse / coneissèm. Pour ces quelques cas difficiles, il faut sans doute accepter une marge d'indulgence.





Il y a d'autres cas de diphtongues toniques prononcées différemment, notamment l'ouverture de é devant u, mais qui n'est pas systématique : beure, teule, aqueu, eu... (
GIPPM-1 p. 136).